Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 avril 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires Sud-Est a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la sanction disciplinaire de cinq jours de cellule disciplinaire qui lui a été infligée le 4 avril 2019 par le président de la commission de discipline de la maison centrale d'Arles.
Par un jugement n°1908773 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la commission de discipline qui s'est réunie le 4 avril 2019 était irrégulièrement composée ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, M. B..., représenté par l'AARPI Themis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- la décision contestée a été prise en violation des droits de la défense et méconnaît l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale ; il n'est pas établi qu'il a pu consulter son dossier plus de trois heures avant l'audience disciplinaire du 4 avril 2019 ; il n'a pas pu conserver une copie de son dossier disciplinaire pour préparer sa défense ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; les seules assertions d'un surveillant sont insuffisantes ; aucune photographie du matériel dégradé n'a été jointe ;
- la sanction est disproportionnée.
Par une décision du 27 avril 2022, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :
- le rapport de Mme Balaresque ;
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 4 avril 2019, le président de la commission de discipline de la maison centrale d'Arles a infligé à M. A... B... une sanction de cinq jours de cellule disciplinaire. M. B... a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision par un courrier daté du 11 avril 2019 adressé au directeur interrégional des services pénitentiaires Sud-Est. Par une décision du 16 avril 2019, le directeur interrégional a confirmé la sanction prise à son encontre par la commission de discipline de la maison centrale d'Arles. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article R. 57-7-6 alors en vigueur du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". L'article R. 57-7-7 du même code dispose : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative. ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Aux termes de l'article R. 57-7-13 du même code : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline ". L'article R. 57-6-9 du même code dispose : " (...) L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires ".
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la feuille d'émargement non anonymisée de la commission de discipline produite pour la première fois en appel par le garde des sceaux, ministre de la justice et sur laquelle figurent les noms et la signature de la présidente de la commission de discipline et des deux assesseurs, que la commission de discipline réunie le 4 avril 2019 était composée, outre sa présidente, d'un premier assesseur, Mme E... C..., désignée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Tarascon du 24 octobre 2017, et d'un second assesseur, le surveillant Kukczynska, dont le ministre précise le matricule dans ses écritures en défense. Le compte rendu d'incident du 30 janvier 2019, dans sa version partiellement anonymisée versée au dossier par l'administration, laisse apparaître les premières lettres du nom du rédacteur du compte rendu comme étant les lettres " TA " et indique le matricule de ce surveillant, qui diffère de celui ayant siégé en commission de discipline. Les éléments produits par l'administration permettent ainsi de s'assurer que l'auteur du compte-rendu d'incident n'a pas siégé au sein de la commission de discipline, comme exigé par les dispositions précitées de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline doit être écarté.
4. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....
En ce qui concerne les autres moyens :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision relative à l'engagement des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. B... a été prise et signée par M. D..., capitaine pénitentiaire, chef de détention, qui disposait d'une délégation permanente de signature à l'effet de signer notamment les décisions relatives à l'engagement des poursuites disciplinaires au nom du chef d'établissement de la maison centrale d'Arles, consentie par une décision du 15 octobre 2018 régulièrement publiée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur ayant décidé d'engager les poursuites disciplinaires doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / (...) / III. - La personne détenue, ou son avocat, peut consulter l'ensemble des pièces de la procédure disciplinaire, sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-17 de ce code : " La personne détenue est convoquée par écrit devant la commission de discipline. / La convocation lui rappelle les droits qui sont les siens en vertu de l'article R. 57-7-16. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-6-9 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aux décisions mentionnées à l'article précédent, la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé, si elle en fait la demande (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du bordereau de communication du dossier versé aux débats par le garde des sceaux, que M. B... a reçu communication notamment du compte-rendu d'incident, du rapport d'enquête et de la convocation devant la commission de discipline, le 28 mars 2019 à 17h25, soit plus de 24 heures avant la réunion de la commission qui s'est tenue le 4 avril 2019 à 9h. Ce bordereau, alors même qu'il porte la mention " refus de signer " fait foi jusqu'à ce qu'il soit apporté la preuve contraire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Si M. B... fait valoir que la copie de son dossier ne lui a pas été remise, il ne fait état d'aucune demande en ce sens, cette formalité n'étant exigée par aucun texte en dehors d'une demande de l'intéressé alors qu'en outre il ressort des pièces du dossier que son conseil a reçu communication par fax de l'intégralité du dossier le 28 mars 2019 à 16h41. Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, tant la décision d'ouverture des poursuites disciplinaires que la convocation à la commission de discipline qu'il verse au dossier précisent la nature des faits qui lui sont reprochés et leur qualification juridique. Dans ces conditions, les moyens tirés de la violation des droits de la défense et de la méconnaissance de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale doivent être écartés.
9. En troisième lieu, si M. B... soutient que la sanction qui lui a été infligée repose sur des faits matériellement inexacts, il n'apporte aucun élément sérieux permettant de remettre en cause le compte-rendu d'incident et le rapport d'enquête, dont il ressort qu'après avoir demandé à se rendre à la cabine téléphonique le 30 janvier 2019 et y avoir été conduit par deux surveillants et le chef de poste du bâtiment A, il a entièrement détruit cette cabine téléphonique.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) / 11° De causer délibérément un dommage aux locaux ou au matériel affecté à l'établissement, hors le cas prévu au 10° de l'article R. 57-7-1 ; ". Aux termes de l'article R. 57-7-47 de ce code : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. (...) ".
11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
12. En l'espèce, la sanction de 5 jours de cellule disciplinaire infligée à M. B..., alors que le maximal encouru en raison des faits reprochés était de 14 jours, n'apparaît pas disproportionnée, eu égard tant à l'ampleur des dégradations constatées dans le compte-rendu d'incident, qui fait état d'une " cabine complètement détruite ", qu'aux antécédents disciplinaires de l'intéressé.
13. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 avril 2019.
Sur les frais du litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux demandes présentées à ce titre par M. B..., l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'AARPI Themis et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au directeur interrégional de l'administration pénitentiaire.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, où siégeaient :
- Mme Vincent, présidente,
- M. Mérenne, premier conseiller,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2023.
N°21MA04783 2