Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2208502 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C....
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, sous le n° 23MA00853, M. C..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2208502 du 24 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 7 avril 2023 sous le n° 23MA00854, M. C... représenté par Me Ibrahim demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la condition d'urgence :
- l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens développés dans sa requête sur le fond permettent de conclure à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement sont irrecevables ;
- aucun des moyens invoqués n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué et les conséquences dommageables difficilement réparables sont en l'espèce inexistantes.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans ces deux instances par une décision du 28 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chenal-Peter,
- et les observations de Me Ibrahim, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes susvisées, présentées pour le même requérant, sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. C..., de nationalité sénégalaise, né en 1990, déclare être entré en France le 4 février 2019. Le 18 janvier 2021 il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 4 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. L'intéressé relève appel du jugement du 24 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2022 et demande également à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
4. Par des décisions du 28 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans ces deux instances. Dès lors, les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle dans ces instances sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
6. M. C... fait valoir qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de sa fille française, A..., née le 30 septembre 2020 et qu'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 15 septembre 2022 lui a accordé l'exercice conjoint de l'autorité parentale ainsi qu'un droit de visite. Toutefois, le requérant n'établit pas, par les seules pièces qu'il produit, constituées de photos, de messages et de deux virements de cent euros qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille à la date de l'arrêté contesté. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
8. M. C... n'établit pas contribuer régulièrement à l'entretien et à l'éducation de sa fille A... et ne se prévaut d'aucune autre attache familiale sur le territoire où il serait arrivé selon ses dires le 7 février 2019, ni d'aucune insertion socio-professionnelle, alors que son deuxième enfant réside toujours au Sénégal où réside également son père. Au vu de ces éléments et même en tenant compte des conséquences spécifiques à la mesure d'éloignement, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage entaché son appréciation d'une erreur manifeste au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
9. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
10. Pour les motifs exposés au point 8, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Ainsi que cela a été dit précédemment, M. C... n'établit pas l'intensité de ses liens avec son enfant de nationalité française. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions de la requête n° 23MA00854 tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :
14. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. C....
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'aide juridictionnelle provisoire présentées par M. C....
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23MA00854 à fin de sursis à exécution du jugement du 24 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : La requête n° 23MA00853 et le surplus des conclusions de la requête n° 23MA00854 de M. C... sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... C..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2023.
N° 23MA00853, 23MA00854 2
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