Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2200301 du 10 mars 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Abid, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 10 mars 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes dans son intégralité.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il démontre que le centre de sa vie privée et familiale est en France.
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en ce que le pays de destination n'est pas désigné.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- il demande la confirmation de son annulation.
Le préfet des Alpes-Maritimes, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chenal-Peter a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité algérienne, a demandé l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 10 mars 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé cet arrêté, en tant qu'il a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de faire procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen, et d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions. M. A... doit être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a insuffisamment motivé son jugement, qui est ainsi entaché d'irrégularité et, pour ce motif, doit être annulé, en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de cette décision.
4. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, de se prononcer sur cette partie de la demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre la décision du 19 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
5. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2021, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture des Alpes-Maritimes du 25 juin 2021, le préfet de ce département a donné délégation de signature à Mme B... D..., cheffe du pôle éloignement du bureau de l'éloignement et du contentieux du séjour pour signer notamment les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives au délai de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination, et les interdictions de retour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'arrêté préfectoral contesté du 19 janvier 2022, pris en l'ensemble de ses décisions, mentionne les éléments de faits propres à la situation personnelle et familiale de M. A... et énonce l'ensemble des considérations de droit sur lesquelles il est fondé. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que ce moyen doit également être écarté.
7. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté préfectoral contesté du 19 janvier 2022 ni des autres pièces versées au dossier que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. A..., en particulier en ce qui concerne sa situation d'époux et de père d'un jeune enfant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est marié depuis le 19 décembre 2020 à une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence et que le couple est parent d'une fille née le 10 janvier 2022. Toutefois, la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer durablement le requérant de son enfant, dès lors que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale de M. A... se reconstitue en Algérie, dont sa compagne est également ressortissante. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant mineur du requérant en obligeant M. A... à quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit ainsi être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Si M. A... se prévaut de ses attaches familiales en France, son mariage avec une compatriote résidant régulièrement sur le territoire français, en date du 19 décembre 2020, est très récent à la date de l'arrêté attaqué. En outre, le requérant fait valoir qu'il souffre également d'une fibrillation auriculaire découverte en mai 2021, mais n'établit pas que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, le requérant, qui a déclaré être entré en France en février 2020, ne justifie pas de la durée de son séjour sur le territoire national. Par suite, et alors même que l'arrêté préfectoral attaqué mentionne, à tort, que le requérant ne démontrait pas avoir l'autorité parentale le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
12. Le moyen invoqué par M. A... et tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en ce que le pays de destination n'est pas désigné, qui avait été précédemment soumis aux juges de première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice au point 10 de son jugement, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux qui avaient été présentés en première instance.
Sur la légalité de la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
13. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, précisant notamment que le requérant ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et a présenté un document falsifié ou contrefait, lui permettant de la contester utilement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
14. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de cette décision que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit donc être écarté.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;".
16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et a en outre déclaré vouloir se maintenir en France. Par suite, et alors même que le requérant est marié et père d'un enfant, et qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un délai de départ volontaire.
17. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination et que, d'autre part, les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 mars 2022 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice est annulé, en tant qu'il rejette la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice dirigée contre l'arrêté du 19 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Abid et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023.
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N° 22MA02732
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