Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 avril 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301781 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 novembre 2023 et 2 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Hmad, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2023 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2023 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa situation, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans délai à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des articles L. 423-7 et L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 10 de l'accord franco-tunisien ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les articles L. 423-7 et L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 10 de l'accord franco-tunisien ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6.4 de l'accord franco-algérien.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2024, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Portail, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 avril 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'erreurs de droit qu'aurait commis le tribunal pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, M. B..., ressortissant tunisien, ne peut utilement invoquer les stipulations de l'accord franco-algérien pour soutenir qu'un certificat de résidence devrait lui être délivré.
4. En second lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 372-1 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article L. 423-10 de ce même code : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-7 ou d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée aux étrangers mentionnés aux articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23, sous réserve qu'il continue de remplir les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-5 de ce même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Selon l'article 11 de ce même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". L'article 10 de l'accord franco-tunisien ne prive pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser la délivrance d'une carte de résident ainsi qu'un délai de départ volontaire en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 8 août 2010, au titre du regroupement familial, et a bénéficié d'une carte de résident d'une durée de validité de 10 ans entre le 10 août 2010 et le 9 août 2020. Suite à une procédure de dégradation de son titre de séjour, il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an entre le 23 février 2021 et le 22 février 2022. Le 17 mars 2021 est né le fils de M. B..., de nationalité française. L'intéressé a ensuite présenté auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes, le 31 mai 2022, une demande d'admission au séjour en sa qualité de parent d'un enfant français. Par la décision contestée, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande, aux motifs, d'une part, que M. B... n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance, au regard des dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, qu'il représentait une menace pour l'ordre public, au visa des dispositions précitées de l'article L. 432-1 du même code.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par un jugement du 7 septembre 2018 du tribunal correctionnel de Grasse, à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, de menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique, d'usage illicite de stupéfiants et de refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique lors de la constatation d'un crime, d'un délit ou d'un accident de la circulation. Il a été à nouveau condamné, par un jugement du 8 avril 2019 du même tribunal correctionnel, à une peine de six mois d'emprisonnement pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique en récidive et de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, puis, par un jugement du 9 août 2021 de ce même tribunal, à une peine d'un an d'emprisonnement, dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans, pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et de menace de mort réitérée. Eu égard au caractère répété de ces condamnations, de la particulière gravité et de la violence des faits ayant entraîné chacune de celles-ci ainsi que de leur caractère récent, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, à bon droit, considérer que M. B... représentait une menace pour l'ordre public, et refuser de lui délivrer une carte de résident pour ce motif, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte en outre de l'instruction que le préfet des Alpes-Maritimes aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaîtrait les dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ". Selon l'article R. 431-5 de ce même code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a séjourné régulièrement sur le territoire français sous couvert de titres de séjour au titre du regroupement familial après être entré régulièrement en France le 8 août 2010, la validité de son dernier titre de séjour expirait le 22 février 2022. Le 30 mai 2022, soit postérieurement à l'expiration de son précédent titre, il a présenté aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes une demande de délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français. Il doit ainsi être regardé comme sollicitant pour la première fois un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le récépissé de demande de titre de séjour qui lui a été délivré à cette occasion a expiré le 30 novembre 2022, soit antérieurement à la décision contestée. Dès lors, M. B... ne se trouvait pas en situation régulière sur le territoire français à la date de la décision contestée, pas plus qu'il ne l'était à la date de sa demande de titre de séjour, au regard des dispositions précitées de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-3 de ce code.
10. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est, ainsi qu'il a été dit au point 6, père d'un enfant français né le 17 mars 2021, il n'établit toutefois pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, les quelques photographies non datées accompagnées de quelques attestations peu circonstanciées ne peuvent, en l'absence de toute pièce probante sur ce point, suffire à caractériser une telle contribution. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 8 ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur de droit doit également être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 18 octobre 2023 du tribunal administratif de Nice et de l'arrêté du 9 avril 2023 du préfet des Alpes-Maritimes. Ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Angéniol, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024
2
N° 23MA02775
nb