Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2303115 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Gillet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation provisoire de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'examen des pièces de son dossier ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et professionnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie conformément à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et professionnelle ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée quant à la détermination de ce délai ;
Sur la décision fixant le pays de sa destination :
- elle est insuffisamment motivée.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de nationalité chinoise née le 9 janvier 1965, relève appel du jugement du 14 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne de manière précise et circonstanciée que Mme A... déclare être entrée en France le 12 janvier 2010 et s'y maintenir continuellement depuis, qu'elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale le 30 novembre 2022, qu'elle n'établit pas, au vu des pièces présentées, l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français, et qu'elle ne démontre pas une insertion sociale et professionnelle significative qui justifierait son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté ajoute enfin que Mme A... n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où résident ses deux enfants et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 45 ans. Ce faisant, la motivation de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet des Bouches-du-Rhône, et qui n'a pas à exposer de manière exhaustive l'ensemble des éléments propres à la situation personnelle de Mme A..., apparaît suffisante tant en droit qu'en fait. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision et du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. Si Mme A... soutient qu'elle réside en France depuis le 12 janvier 2010, cette circonstance, à la supposer même établie, ne saurait caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour. En tout état de cause, les pièces, identiques à celles produites devant le tribunal, et constituées essentiellement de cartes d'admission à l'aide médicale de l'État, de quelques pièces médicales, d'avis d'imposition mentionnant son absence d'imposition et de relevés de compte bancaire faisant état de faibles mouvements, ne permettent d'établir au mieux qu'une présence ponctuelle pour l'ensemble de la période considérée. Par ailleurs, Mme A..., dont les enfants vivent en Chine et qui ne fait valoir aucune attache familiale en France, n'apporte aucune précision sur l'intensité des liens personnels qu'elle aurait tissés sur le territoire français. Si la requérante établit, par la production de bulletins de salaire, avoir exercé une activité d'employée polyvalente au sein de la société SH Affaires entre octobre 2022 et février 2023, cette activité à temps partiel ne révèle pas une insertion professionnelle notable et est insuffisante pour attester de l'existence de motifs exceptionnels d'admission au séjour en qualité de salarié. Il en va de même de la promesse d'embauche sur un contrat de travail à durée indéterminée établie postérieurement à l'arrêté contesté par la même société. Dans ces conditions, c'est bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas porté une appréciation incorrecte sur les pièces dont ils étaient saisis, ont écarté le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, et à supposer que Mme A... ait entendu soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a pas méconnu ces dispositions.
7. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. " Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
8. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Il résulte de ce qui précède que Mme A... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer les cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié ". L'intéressée ne justifie pas non plus résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de la situation personnelle et familiale de Mme A... doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. Eu égard aux éléments exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressée doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :
12. Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". L'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".
13. Si la requérante conteste le délai de trente jours qui lui a été imparti, le délai d'un mois accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE transposées à l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en fixant le délai de départ volontaire à trente jours conformément à ces dispositions, et en indiquant que la situation personnelle de la requérante ne justifiait pas, à titre exceptionnel, l'octroi d'un délai supérieur alors qu'au demeurant, elle ne justifie pas avoir demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé sa décision et n'a pas méconnu les dispositions précitées. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, notamment de la motivation de cette décision, que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer un délai de départ volontaire d'une durée de trente jours.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".
15. La décision fixant le pays de destination vise les articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressée est de nationalité chinoise et qu'elle est obligée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours pour rejoindre le pays dont elle possède la nationalité ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte. En outre, l'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., Me Gillet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.
N° 23MA01680 2
cm