Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL New Adamer a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ainsi que des intérêts assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
Par une ordonnance n° 2203680 du 30 décembre 2022, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, la SARL New Adamer, représentée par Me Layani, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 30 décembre 2022 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les pièces sollicitées par le tribunal sont produites à l'instance, de telle sorte que son action est régularisée ;
- l'impact de la taxe sur la valeur ajoutée a bien été intégré dans sa comptabilité, si bien qu'il n'y a pas de profit sur le trésor à assujettir à l'impôt sur les sociétés ; l'application de la cascade est de droit ;
- le dépôt de garantie est sans incidence sur le résultat imposable dès lors que sa comptabilisation n'a pas d'influence sur l'actif net ;
- le règlement, intervenu en 2016, ne pouvait être comptabilisé en 2015 ;
- l'administration ne pouvait réintégrer les dépenses locatives, en écartant le contrat de bail, sans utiliser la procédure de répression de l'abus de droit ;
- les locaux ont été utilisés pour les besoins de son activité, même si le manque de financement l'a empêchée de développer son activité comme elle l'entendait ;
- l'ensemble des pièces justificatives des déplacements a été fourni à la vérificatrice, qui n'a pas souhaité les exploiter ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondent à ses déclarations et n'avaient pas à faire l'objet d'une procédure de rectification ; les intérêts mis à sa charge à ce titre auraient dû être arrêtés à la date de la souscription de sa déclaration, le 10 octobre 2016.
Par mémoire en défense, enregistrés le 24 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par une lettre du 21 mai 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'ordonnance attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que, la demande de la SARL New Adamer n'entrant dans aucun des cas listés par l'article R. 222-1 du code de justice administrative, elle ne relevait pas de la compétence d'un juge statuant seul mais d'une formation collégiale.
Une réponse à ce moyen, présentée par le ministre, a été enregistrée le 24 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL New Adamer relève appel de l'ordonnance de la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille, ayant rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ainsi que des intérêts assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...), les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".
3. En l'espèce, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille, constatant que la requérante n'avait pas satisfait à la demande qui lui avait été faite de produire la proposition de rectification du 23 février 2017, l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 11 juin 2018 et sa réclamation préalable datée du 28 décembre 2021, a estimé que la juridiction n'était pas en mesure de déterminer le périmètre du litige, de prendre connaissance des chefs de rectification qui en étaient à l'origine et d'apprécier la pertinence des arguments contenus dans la demande de la société. Toutefois, cette demande identifiait clairement les impositions en litige et comportait des moyens précis et intelligibles, notamment de pur droit tels ceux relatifs à la date de l'arrêt du décompte des intérêts de retard ou au mal-fondé de l'intégration d'un profit sur le Trésor. Elle était en outre dûment accompagnée du rejet de la réclamation préalable opposé à la contribuable, lequel permettait d'apprécier certains faits. Dans ces conditions, elle ne pouvait être regardée comme ne comportant que des moyens non assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé au sens du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Cette saisine ne relevant d'aucune autre des hypothèses listées par cet article, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a ainsi commis une erreur de droit en se fondant sur ces dispositions pour la rejeter par ordonnance et a par suite méconnu sa compétence.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance en litige est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL New Adamer devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne le profit sur le Trésor :
5. Aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...), le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification. (...) ".
7. Lorsqu'un contribuable a fait l'objet de rectifications en matière d'impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée de ces même bases sur le fondement des dispositions citées ci-dessus aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée rappelée, qui n'a pas été acquittée spontanément par la SARL New Adamer quand bien même elle a été dûment comptabilisée, a été à bon droit regardée comme un profit majorant son actif et devant être, par suite, rattaché aux résultats de l'année 2015.
En ce qui concerne le dépôt de garantie :
8. La SARL New Adamer a acquis, par acte du 9 novembre 2015, un droit à bail commercial pour l'occupation de locaux situés au 72 de la Canebière à Marseille. Elle s'est acquittée en conséquence, d'un prix de 50 000 euros et d'un dépôt de garantie de 15 000 euros. Si elle a inscrit à son bilan de clôture de l'exercice 2015 la valeur de ce droit au bail, qui faisait partie de l'actif immobilisé de l'entreprise, elle a omis d'y faire figurer la somme de 15 000 euros versée à titre de dépôt de garantie. Alors même que le chèque correspondant à ce dépôt de garantie n'a été encaissé par son bénéficiaire qu'au début de l'année 2016, l'immobilisation de l'actif correspondant était certaine dans son principe et dans son montant avant la clôture de l'exercice 2015. La requérante, qui ne justifie pas que cette absence de comptabilisation de l'immobilisation se serait accompagnée d'une minoration correspondante de son passif, ne saurait ainsi contester la minoration de l'actif net qui en est résultée, conformément aux dispositions du 2° de l'article 38 du code général des impôts citées ci-dessus au point 5.
En ce qui concerne l'acte anormal de gestion :
9. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, notamment la déduction de toutes charges, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.
10. En l'espèce, le 31 mai 2014, la requérante a pris à bail auprès de la SCI Boréal du Sud, détenue par son principal associé, également frère de son gérant, des locaux à usage de garage et d'entrepôt de plus de 1 500 m², situés boulevard de la Coopération et boulevard et impasse Raphaël à Marseille. Si la SARL New Adamer, dont l'activité consiste essentiellement en la fabrique et vente de poutargue, d'une part, et en la vente de produits alimentaires via deux boulangeries exploitées par des sociétés liées, d'autre part, soutient que cette location devait lui permettre de développer une nouvelle activité de grossiste en produits alimentaires et autres, il est constant qu'elle n'a jamais utilisé lesdits locaux. Ainsi que le fait valoir l'administration sans être contredite, elle n'a en outre à aucun moment disposé des moyens humains ou matériels nécessaires pour exercer une telle activité, ni ne les a recherchés. Elle ne justifie enfin pas avoir engagé la moindre démarche prospective afin de développer un tel commerce, auprès de financeurs ou de fournisseurs par exemple. Dès lors, l'administration établit que cette prise à bail et l'acquittement des charges de loyers correspondantes n'ont pas été accomplis dans l'intérêt de la SARL New Adamer et constituent un acte anormal de gestion.
11. D'autre part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles./ (...)". Ces dispositions ne sont pas applicables, alors même qu'une de ces conditions serait remplie, lorsque le redressement est justifié par l'existence d'un acte anormal de gestion. Dès lors, et alors au demeurant que l'administration n'allègue pas que le bail en cause aurait un caractère fictif ou n'aurait été conclu que dans le but d'éluder l'impôt, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition au regard des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction du bénéfice imposable des exercices clos en 2014 et 2015 des dépenses locatives afférentes à ce bail, pour les montants respectifs de 26 000 et 41 500 euros.
En ce qui concerne les frais divers :
13. Si la requérante soutient que, contrairement à ce qu'a indiqué la vérificatrice, elle a apporté à l'intéressée des " cartons " de justificatifs afférents aux dépenses de " voyages et déplacements ", " restaurants " et " réceptions " comptabilisées en charge au titre des deux exercices en litige, il est constant qu'elle ne produit aucun élément en ce sens, ni le moindre justificatif dans l'instance de nature à permettre de vérifier que ces dépenses ont été effectivement exposées et qu'elles l'ont été dans l'intérêt de l'entreprise. C'est par suite à bon droit que les sommes correspondantes, de 4 616 et 1 725 euros, ont été réintégrées aux résultats.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la SARL New Adamer tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 doivent être rejetées.
Sur les intérêts assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
15. Aux termes du 1 du IV de l'article 1727 du code général des impôts : " L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement ". Le 3 du même IV précise : " Lorsqu'il est fait application de l'article 1728, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé ". Aux termes de l'article 1728 du même code : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) ".
16. Il est constant que la SARL New Adamer se trouvait dans la situation de se voir appliquer les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts dès lors qu'elle n'avait pas déposé dans le délai légal sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2015. L'administration a, en application des dispositions du 3 du IV de l'article 1727 du même code, arrêté le décompte des intérêts de retard dus au titre des rappels de cette taxe au dernier jour du mois au cours duquel la proposition de rectification a été établie, soit le 28 février 2017. Toutefois, même si sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée annuelle modèle CA12 n'a pas été accompagnée du paiement correspondant et si l'administration a à bon droit utilisé la procédure de taxation d'office, la SARL New Adamer est fondée à soutenir que le cours des intérêts aurait dû être arrêté au 31 octobre 2016, dès lors qu'elle a déposé cette déclaration le 10 octobre 2016 et que les rappels de taxe ont été assis selon les bases ainsi déclarées.
17. Il résulte de ce qui précède que la SARL New Adamer est fondée à solliciter la décharge des intérêts de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2015 ont été assortis pour la période du 31 octobre 2016 au 28 février 2017.
Sur les frais liés au litige :
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la SARL New Adamer.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 30 décembre 2022 est annulée.
Article 2 : La SARL New Adamer est déchargée des intérêts de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ont été assortis pour la période du 31 octobre 2016 au 28 février 2017.
Article 3 : Le surplus des conclusions de première instance de la SARL New Adamer est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête en appel est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL New Adamer et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la cour,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2024.
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N° 23MA00500
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