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28/06/2024 | FRANCE | N°23MA00698

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 28 juin 2024, 23MA00698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infectons nosocomiales (ONIAM) la somme de 3 363 513,90 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'opération réalisée le 15 octobre 2015 au centre hospitalier universitaire de Montpellier.

Par un jugement n° 1901609 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Mont

pellier a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 834 851,45 euros dont il convient de dédui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infectons nosocomiales (ONIAM) la somme de 3 363 513,90 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'opération réalisée le 15 octobre 2015 au centre hospitalier universitaire de Montpellier.

Par un jugement n° 1901609 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 834 851,45 euros dont il convient de déduire la provision de 275 576,96 euros versée en vertu des ordonnances du juge des référés du tribunal des 8 mars 2017 et 20 novembre 2018.

Par un arrêt n° 20MA00086 du 6 mai 2021, la cour, saisie par Mme B..., a annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2019, et mis à la charge de l'ONIAM d'une part la somme de 373 763,20 euros, dont seront déduites les provisions de 30 000 euros et 245 576,96 euros accordées par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, d'autre part une rente trimestrielle de 3 090 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, versée par trimestre échu sous déduction, le cas échéant, de la somme que Mme B... percevra au titre de prestation de compensation du handicap ou de toute autre allocation ayant le même objet et dont elle devra justifier au préalable auprès de l'ONIAM, et sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et enfin le remboursement à Mme B... sur présentation des justificatifs et après déduction des frais exposés directement par l'organisme social et des aides de la MDPH : - tous les trimestres, le traitement contre la constipation ; - tous les trois ans, les frais d'acquisition d'un fauteuil roulant et ses frais d'entretien ; - tous les six ans, les frais de remplacement du matériel de motorisation de ce fauteuil ; et - tous les sept ans, les frais de fourniture et de pose d'un système d'aide à la conduite d'un véhicule automobile. La cour a également mis les frais des expertises, liquidés et taxés à la somme totale de 4 500 euros, à la charge définitive de l'ONIAM et a condamné ce dernier à payer à Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 454374 du 21 mars 2023, le Conseil d'État a, sur pourvoi de Mme B..., annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il rejette les demandes d'indemnisation, d'une part, des frais d'aménagement des logements principaux de Mme B... et, d'autre part, des frais d'hébergement au domicile de ses parents et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2023, Mme B..., représentée par la SCP Levy, Balzarini, Sagnes, Serre, Lefebvre, agissant par Me Balzarini, demande à la cour :

1°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 11 082,59 euros au titre de l'aménagement d'urgence du domicile familial situé à Octon en vue de la loger à son retour de centre de rééducation et celle de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;

2°) de désigner avant-dire droit un expert architecte ayant pour mission de chiffrer le montant des travaux nécessaires à l'aménagement de ses lieux de vie actuels à savoir la maison située 2 rue du Grenache à Puissalicon (34480), l'appartement occupé par sa mère au 1 rue du Castrum à Juvignac (34990) et la maison occupée par son père située au 1 rue du Ruffas à Octon (34186) ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Elle soutient que :

- elle doit être indemnisée de son préjudice de jouissance de son ancien logement qu'elle a occupé dans des conditions inadaptées à son handicap, à hauteur de 10 000 euros ;

- elle doit également être indemnisée des frais d'aménagement réalisés en urgence au domicile de ses parents situé à Octon, d'un montant de 11 082,59 euros ;

- une expertise doit être confiée avant-dire droit à un architecte spécialisé dans l'aménagement des domiciles de personnes à mobilité réduite pour déterminer les aménagements nécessaires et les éléments permettant de chiffrer contradictoirement ces aménagements concernant son logement personnel acquis en août 2022, et les domiciles de chacun de ses deux parents.

Par un mémoire, enregistré le 21 juillet 2023, l'ONIAM, représenté par la SELARL de La Grange et Fitoussi, agissant par Me Fitoussi, demande à la cour :

1°) de lui donner acte qu'il ne conteste pas son obligation indemnitaire au regard de l'accident médical non fautif dont a été victime Mme B... ;

2°) de débouter Mme B... de sa demande au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance résultant de l'occupation d'un domicile étudiant non aménagé ;

3°) de fixer les frais d'aménagement d'urgence au domicile familial à la somme de 5 334,01 euros, déduction faite des aides perçues de la MDPH ;

4°) lui donner acte qu'il ne s'oppose pas à la demande d'expertise architecturale pour le logement actuel dont Mme B... est devenue propriétaire le 25 juillet 2022 ;

5°) débouter Mme B... sa demande d'expertise architecturale au titre des autres logements que son logement personnel ;

6°) rejeter toute autre demande.

Il fait valoir que :

- l'indemnisation demandée par Mme B... doit être ramenée à de plus justes proportions ;

- la demande d'expertise avant-dire droit sollicitée doit être limitée au seul logement appartenant à Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud,

- les conclusions de M. Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Balzarini, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., née en 1997, ayant conservé d'une opération réalisée le 15 octobre 2015 par le centre hospitalier universitaire de Montpellier un lourd handicap, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le terrain de la prise en charge non fautive, la somme de 3 363 513,90 euros en réparation des préjudices subis à la suite de cette intervention.

2. Par un jugement n° 1901609 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 834 851,45 euros, dont doivent être déduites les provisions de 30 000 euros et 245 576,96 euros accordées par deux ordonnances du juge des référés du tribunal des 8 mars 2017 et 20 novembre 2018. Par un arrêt n° 20MA00086 du 6 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et mis à la charge de l'ONIAM la somme de 373 763,20 euros, dont doivent être déduites ces provisions, une rente trimestrielle de 3 090 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, à verser par trimestre échu sous déduction, le cas échéant, de la somme que Mme B... percevra au titre de prestation de compensation du handicap ou de toute autre allocation ayant le même objet et dont elle devra justifier au préalable auprès de l'ONIAM, et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et le remboursement à Mme B..., sur présentation des justificatifs et après déduction des frais exposés directement par l'organisme social et des aides de la MDPH : - tous les trimestres, le traitement contre la constipation ; - tous les trois ans, les frais d'acquisition d'un fauteuil roulant et ses frais d'entretien ; - tous les six ans, les frais de remplacement du matériel de motorisation de ce fauteuil ; - tous les sept ans, les frais de fourniture et de pose d'un système d'aide à la conduite d'un véhicule automobile. Cet arrêt a, en outre, mis à la charge définitive de l'ONIAM les frais des expertises, liquidés et taxés à la somme totale de 4 500 euros. Par une décision n° 454374 du 21 mars 2023, le Conseil d'État a annulé, sur le pourvoi de Mme B..., l'arrêt de la cour en tant qu'il rejette les demandes d'indemnisation, d'une part, des frais d'aménagement des logements principaux de Mme B... et, d'autre part, des frais d'hébergement au domicile de ses parents, et a renvoyé, dans cette mesure, à la cour le jugement de cette affaire.

3. Si, en appel avant renvoi du Conseil d'État Mme B... demandait l'indemnisation des frais d'aménagement du logement qu'elle occupait sis 247, rue René Tiemble à Montpellier (34090) lorsqu'elle était étudiante, elle ne demande plus devant la cour, dans le dernier état de ses écritures après renvoi du Conseil d'État, que l'indemnisation d'un préjudice de jouissance de ce logement, qu'elle n'occupe plus depuis l'été 2021, et doit ainsi être regardée comme s'étant désistée de ses conclusions à fin d'indemnisation des frais d'aménagement de ce logement.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation des frais d'aménagement des logements principaux de Mme B... :

4. Lorsque le préjudice à réparer consiste dans l'aménagement du domicile de la victime, il ouvre droit à son indemnisation alors même que la victime n'a pas avancé les frais d'aménagement. En outre, l'indemnisation des frais d'aménagement du logement doit porter en principe sur le domicile principal de la victime. Toutefois, lorsque la victime justifie, eu égard aux contraintes imposées par la nature et la gravité de son état de santé, partager son temps entre son domicile principal et un domicile familial ou celui d'un proche, elle est fondée, au titre de ce préjudice, à demander l'indemnisation des frais strictement nécessaires à son accueil dans cet autre domicile.

5. Il résulte de l'instruction que Mme B... a acquis, avec son compagnon, par acte notarié du 25 juillet 2022, un logement situé à Puissalicon (34480) comprenant un séjour, un salon, une cuisine, une salle de bains, trois chambres avec garage et le droit de jouissance exclusive et privative d'un jardin, le tout sur une parcelle d'environ 469 mètres carrés. L'état de santé de Mme B..., qui conserve un déficit fonctionnel permanent de 45 % correspondant à une paraplégie incomplète définitive du membre inférieur droit et un déficit périnéal et sphinctérien, nécessite l'aménagement de son logement à son handicap. Si elle produit devant la cour des factures pour la réalisation des seuls travaux d'aménagement en urgence de son logement, en l'absence d'évaluation précise de l'ensemble des frais d'aménagement de la maison en lien avec le handicap de Mme B... il convient d'ordonner une expertise, confiée à un architecte, à l'effet de décrire l'ensemble des travaux réalisés et restant à réaliser dans son logement rendus nécessaires par l'état de Mme B... tout en précisant leur coût.

6. S'agissant de la demande d'indemnisation des coûts des travaux d'aménagement des logements du père et de la mère de Mme B..., situés respectivement à Octon (34186) et à Juvignac (34990), compte tenu des principes énoncés au point 4 du présent arrêt, et en l'état actuel de la situation de l'intéressée, telle qu'exposée au point 5, caractérisée par l'occupation de son domicile personnel, dont elle est propriétaire, lequel permet d'accueillir les membres de sa famille, la requérante ne justifie désormais pas partager son temps entre son domicile principal et un domicile familial ou celui d'un proche eu égard aux contraintes imposées par la nature et la gravité de son état de santé. La demande d'indemnisation des frais de travaux d'aménagement à réaliser des deux domiciles de ses parents doit, dès lors, être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation des frais d'hébergement déjà réalisé dans la maison familiale située à Octon :

7. Mme B... demande l'indemnisation des frais d'aménagement déjà réalisé du logement familial, situé à Octon (34186), où elle a dû résider à l'issue de son séjour au sein du centre de rééducation Propara à Montpellier le 1er juillet 2016 et justifie avoir supporter le coût de ces travaux d'un montant 11 082,59 euros, avancés par ses parents, qu'elle réclame dans ses dernières écritures après cassation. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme B... a perçu de la maison des personnes handicapées de l'Hérault une aide d'un montant de 5 631,46 euros pour l'aménagement temporaire de son domicile. Après déduction des sommes versées par la maison départementale des personnes handicapées de l'Hérault, il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice subi en accordant à Mme B... la somme de 5 451,13 euros.

Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance de l'appartement situé à Montpellier :

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise réalisé par le Dr A... et de l'avis de M. C..., ergothérapeute désigné sapiteur de l'expert, du 28 juin 2018, que le logement occupé par Mme B... du 1er juillet 2017 à l'été 2021 était inadapté à son handicap. Le préjudice dont Mme B... demande l'indemnisation à ce titre résulte directement de l'opération qu'elle a subie le 15 octobre 2015. Compte tenu des conditions et de la durée de logement, de quatre années, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence dont la réparation incombe à l'ONIAM en mettant à la charge de celui-ci la somme de 4 000 euros à verser à Mme B....

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de Mme B... de ses conclusions à fin d'indemnisation des frais d'aménagement du logement qu'elle a occupé du 1er juillet 2017 à l'été 2021.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... relative à l'indemnisation des coûts des travaux d'aménagement des logements de ses parents sont rejetées.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme B... la somme de 5 451,13 euros au titre des frais d'aménagement acquittés pour le domicile familial situé à Octon.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme B... la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance de l'appartement sis à Montpellier qu'elle a occupé jusqu'à l'été 2021.

Article 5 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions tendant à l'indemnisation des frais d'aménagement du logement dont Mme B... est propriétaire situé à Puissalicon, procédé à une expertise confiée à un architecte, menée au contradictoire de Mme D... B... et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.

Article 6 : L'expert architecte aura pour mission, après s'être rendu sur les lieux, de dire quels sont les travaux réalisés et les travaux supplémentaires à effectuer dans son logement rendus nécessaires par l'état de Mme B... en précisant leur coût.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... B..., à la mutualité sociale agricole du Languedoc et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

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N° 22MA00698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00698
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP LEVY - BALZARINI - SAGNES - SERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23ma00698 ?
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