La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/09/2024 | FRANCE | N°24MA01317

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 16 septembre 2024, 24MA01317


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice " la révision " de la décision du 18 février 2021 par laquelle la commission de réforme départementale des Alpes-Maritimes a émis un avis défavorable à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie déclarée auprès des services du rectorat de l'académie de Nice.



Par une ordonnance n° 2102257 du 27 mars 2024, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif d

e Nice a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice " la révision " de la décision du 18 février 2021 par laquelle la commission de réforme départementale des Alpes-Maritimes a émis un avis défavorable à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie déclarée auprès des services du rectorat de l'académie de Nice.

Par une ordonnance n° 2102257 du 27 mars 2024, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2024, M. A..., représenté par Me Finet, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision du 24 février 2021 et le procès-verbal de la séance du 18 février 2021 de la commission de réforme départementale ;

3°) d'enjoindre au recteur de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois.

Il soutient que :

- s'agissant de sa demande de première instance, le tribunal administratif aurait dû interpréter sa demande comme dirigée contre la décision du 24 février 2021 ; cette demande était recevable ;

- il existe une présomption d'imputabilité de sa maladie, qui figure sur le tableau des maladies professionnelles n° 57A ;

- subsidiairement, il existe une relation directe entre l'activité professionnelle et cette maladie ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par une lettre en date du 17 juillet 2024, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible de se fonder sur un moyen d'ordre public tiré de ce que l'avis de la commission de réforme en date du 18 février 2021, qui ne constitue qu'un élément de la procédure devant aboutir à la décision rectorale, n'est pas de nature à faire, par lui-même, grief à M. A..., et ne peut donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-1010 du 2 novembre 1972 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui exerçait la profession de professeur d'éducation physique et sportive, a sollicité, le 2 mars 2020, la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec rupture transfixiante du sus-épineux gauche. Par une lettre du 24 février 2021, à laquelle était annexé un avis de la commission de réforme, le recteur de l'académie de Nice, suivant cet avis, a rejeté cette demande, en estimant que la maladie déclarée ne présentait pas de lien direct et certain avec le service. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice, M. A... a sollicité " la révision de la décision de la commission de réforme départementale ". Par l'ordonnance attaquée, dont M. A... relève appel, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande comme irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Certes, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a demandé au tribunal administratif de Nice " la révision de la décision de la commission de réforme départementale ", alors que cet avis revêt seulement le caractère d'un acte préparatoire insusceptible de faire grief.

3. Toutefois, il appartenait au tribunal administratif de donner une portée utile à cette demande en la regardant comme tendant, en réalité, à l'annulation de la décision rectorale du 24 février 2021, en tenant compte du fait, en premier lieu, que M. A... avait présenté sa demande sans l'assistance d'un avocat, en deuxième lieu, qu'il avait bien produit la décision du recteur, à laquelle l'avis de la commission de réforme était joint, et, en troisième lieu, que le recteur lui-même avait bien interprété la requête comme dirigée contre la décision du 24 février 2021.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme irrecevable.

5. L'ordonnance attaquée est donc irrégulière et doit être annulée. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer le litige pour y statuer immédiatement.

Sur la recevabilité de la demande d'annulation de l'avis de la commission de réforme en date du 18 février 2021 :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, cet avis, qui ne constitue qu'un élément de la procédure devant aboutir à la décision rectorale, n'est pas de nature à faire, par lui-même, grief à M. A..., et ne peut donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Sur la légalité de la décision du 24 février 2021 :

En ce qui concerne le cadre juridique :

7. Selon le IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions (...) ". Le 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, alors en vigueur prévoit, que " si la maladie provient d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement, jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit en outre au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Aux termes du A du tableau des maladies professionnelles n° 57, introduit par le décret susvisé du 2 novembre 1972 pris pour l'application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM / Délai de prise en charge : 1 an (sous réserve d'une durée d'exposition d'un an) / Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieure ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90 ° pendant au moins une heure par jour en cumulé ".

8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

En ce qui concerne le motif de la décision :

9. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. A..., le recteur s'est fondé sur la circonstance qu'" il apparaît que la maladie déclarée ne présente pas de lien direct et certain avec le service ". Cette décision a été prise au vu de l'avis de la commission de réforme qui est ainsi motivé : " rejet en séance suite à l'avis du docteur E..., médecin du travail et suite au tableau n° 57 des maladies professionnelles ". Cet avis, rendu le 26 août 2020 par le docteur E..., médecin de prévention, et justifiant donc l'avis de la commission, relève qu'" une tendinopathie calcifiante de l'épaule gauche apparaissait déjà sur le bilan radiographique de cette épaule réalisé en 2014, alors que la déclaration de maladie professionnelle fait état d'une première constatation médicale en janvier 2020 ", et conclut à une " tendinopathie calcifiante préexistante avec absence de lien direct et exclusif entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle ".

En ce qui concerne l'imputabilité :

10. Le docteur E..., dont l'avis fonde tant l'avis de la commission que, par conséquent, la décision du recteur, relève l'absence de " lien direct et exclusif " entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle, en estimant, d'une part, qu'un bilan radio-échographique réalisé en 2014, six ans avant la déclaration de maladie professionnelle, faisait déjà apparaître une tendinopathie calcifiante de l'épaule gauche et, d'autre part, que, " s'il [était] incontestable que cette tendinopathie de l'épaule gauche interf[érait] sur l'exercice professionnel de M. A... [...], il est peu probable que son activité professionnelle soit à l'origine de celle-ci ".

11. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle ne suppose aucun rapport d'exclusivité, et n'impose pas que l'activité professionnelle soit à l'origine de l'apparition de la pathologie, dont l'imputabilité au service peut être reconnue dès lors qu'elle est significativement aggravée dans le cadre de l'activité professionnelle. L'avis médical du docteur E... ne permet dès lors pas d'exclure l'imputabilité au service de la pathologie de M. A.... Par ailleurs, l'expertise réalisée le 10 décembre 2020 par le docteur B... D..., rhumatologue et médecin agréé, relève qu'" il existe un lien direct et certain entre le travail et la maladie professionnelle 57A au niveau de l'épaule gauche ". Au regard de cette seconde expertise, qui n'est pas contredite par l'avis du docteur E..., l'imputabilité à l'activité professionnelle de la pathologie déclarée par M. A... et affectant son épaule gauche doit être reconnue. En revanche, M. A... ne fournit pas d'élément de nature à établir la réalité de la pathologie affectant son épaule droite et son lien avec l'activité professionnelle.

Sur l'injonction :

12. Le présent arrêt implique nécessairement que le recteur de l'académie de Nice reconnaisse l'imputabilité au service de la maladie professionnelle affectant l'épaule gauche de M. A.... Il y a donc lieu de lui enjoindre d'y procéder, dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2102257 du 27 mars 2024 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La décision du 24 février 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie affectant l'épaule gauche de M. A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Nice de prendre, dans un délai de deux mois, une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par M. A....

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nice.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 septembre 2024.

N° 24MA01317 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01317
Date de la décision : 16/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-02-01 Procédure. - Introduction de l'instance. - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours. - Avis et propositions.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : FINET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-16;24ma01317 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award