Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle le foyer fiscal qu'elle formait avec son époux a été assujetti au titre de l'année 2018, et, à titre subsidiaire, de faire application du système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts.
Par un jugement n° 2003457 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 10 mars 2023 et le 10 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Nahon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 janvier 2023 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;
3°) à titre subsidiaire, de faire application du système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts, ou, à défaut, de lui en accorder le bénéfice dans le cadre de la juridiction gracieuse ;
4°) de condamner l'État aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions subsidiaires tendant au bénéfice du dispositif du quotient comme irrecevables ;
- l'irrecevabilité ainsi opposée à ses conclusions subsidiaires est contraire au principe d'égalité devant l'impôt ;
- son époux aurait dû bénéficier d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement complémentaire dès lors que le bénéfice déclaré au titre de l'année 2018 résulte d'un surcroît d'activité ponctuel ;
- en lui refusant le bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement complémentaire, l'administration méconnaît les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-20 n° 170.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions tendant au bénéfice du dispositif du quotient présentées en appel sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à ce que le bénéfice du système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts soit accordé dans le cadre de la juridiction gracieuse sont irrecevables dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'en connaître, seule l'autorité administrative pouvant se prononcer sur une demande relevant de la juridiction gracieuse et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, notamment son article 60 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les bénéfices non commerciaux de M. A..., qui exerçait la profession d'avocat, et qui est décédé en mai 2018, ont été déclarés au titre de l'année 2018 pour un montant de 247 015 euros et ont été imposés à hauteur de 179 831 euros. L'administration fiscale a rejeté la réclamation préalable présentée par Mme A... et tendant au bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) à raison de la totalité des bénéfices non commerciaux déclarés au titre de l'année 2018. Elle relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à titre principal à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle le foyer fiscal qu'elle formait avec son époux a été assujetti au titre de l'année 2018, et, à titre subsidiaire, à l'application du système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts : " I. - Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue (...) ". Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 199 C du même livre, le contribuable peut, " dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, (...) faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ".
3. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que Mme A..., par sa réclamation préalable, a demandé la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2018 au seul motif que son époux aurait dû bénéficier d'un CIMR complémentaire. Par suite, elle n'était pas recevable à demander pour la première fois au tribunal administratif, à titre subsidiaire, le bénéfice du dispositif du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts. Cette demande a la nature de conclusions distinctes de celles, le cas échéant présentées par ailleurs par le contribuable, contestant le bien-fondé de l'impôt sur le revenu mis à sa charge, et ne saurait être regardée comme un moyen nouveau, au sens des dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande du bénéfice du dispositif du quotient.
4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif à ces conclusions subsidiaires tendant au bénéfice du dispositif du quotient serait contraire au principe d'égalité devant l'impôt n'est en tout état de cause assorti d'aucune précision permettant à la Cour de statuer sur son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, modifié par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, instaure, à compter des revenus de l'année 2018 et pour ceux qui entrent dans son champ d'application, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est opéré, pour les revenus salariaux et les revenus de remplacement, par l'employeur ou l'organisme versant. Pour les autres revenus, en particulier ceux correspondant à des bénéfices professionnels, ce prélèvement prend la forme du versement d'acomptes. Les dispositions du paragraphe I de l'article 60 déterminent les modalités de ce prélèvement. Les dispositions de son paragraphe II fixent les modalités de la transition entre les règles antérieures de paiement de l'impôt sur le revenu et le prélèvement à la source, afin que les contribuables ne paient pas, en 2019, l'impôt sur le revenu dû à la fois sur les revenus de l'année 2018 et sur ceux de l'année 2019, en instituant un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement ayant pour objet d'effacer le montant de l'impôt dû au titre de 2018 correspondant aux revenus non exceptionnels de cette année.
6. Aux termes du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 : " 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. / 2. Le montant défini au 1 du présent E, le cas échéant après application des abattements prévus aux articles 44 sexies à 44 septdecies du code général des impôts, est retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : 1° Le bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus aux mêmes articles 44 sexies à 44 septdecies ; 2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus audits articles 44 sexies à 44 septdecies. (...) / 3. En cas d'application du 2° du 2 du présent E, le contribuable peut obtenir un crédit d'impôt complémentaire dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est supérieur ou égal au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt complémentaire, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2019, égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ; / 2° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 retenus en application du 2° du 2, le contribuable bénéficie, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la différence entre : / a) Le crédit d'impôt calculé en retenant au numérateur du rapport prévu au B du présent II le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E ; / b) Et le crédit d'impôt déjà obtenu en application du 2 du présent E ; / 3° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable peut bénéficier, par voie de réclamation, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ou du 2° du présent 3, s'il justifie que la hausse de son bénéfice déclaré en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 résulte uniquement d'un surcroît d'activité en 2018 ".
7. Il résulte des dispositions citées au point 6 ci-dessus, éclairées par leurs travaux préparatoires, que, pour tenir compte de la possibilité qu'ont les travailleurs indépendants de procéder à des arbitrages sur les recettes et les charges servant à la détermination de leur bénéfice et ainsi maximiser leur bénéfice en 2018, le caractère non exceptionnel du bénéfice de 2018 est apprécié sur une période pluriannuelle. Ainsi, si un contribuable imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux réalise, au titre de l'année 2018 et pour une même catégorie de revenus, un bénéfice supérieur au plus élevé des montants de ses bénéfices de 2015, 2016 ou 2017, le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement dont il peut bénéficier est calculé sur la base du bénéfice le plus élevé de ces trois années, la différence étant réputée constituer un revenu exceptionnel. Si son bénéfice au titre de 2019 est plus élevé que celui de 2018, le bénéfice de 2018 est réputé ne plus être exceptionnel de sorte qu'il est octroyé de plein droit au contribuable un crédit d'impôt complémentaire effaçant l'intégralité de l'impôt qu'il a acquitté au titre de 2018 sur ce bénéfice. Si son bénéfice de 2019 est inférieur à son bénéfice de 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés en 2015, 2016 et 2017, il lui est également octroyé de plein droit un crédit d'impôt complémentaire, limité à la différence entre celui correspondant au bénéfice le plus élevé des trois années de référence et celui correspondant au bénéfice réalisé en 2019. Il peut en outre, dans tous les cas où le bénéfice imposable dans une catégorie de revenus donnée est, en 2019, inférieur à celui de 2018, y compris lorsqu'il est nul, former auprès de l'administration fiscale une réclamation tendant au bénéfice d'un complément de crédit d'impôt permettant d'éliminer la totalité de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2018 à raison de cette catégorie de revenus, sous réserve qu'il établisse que la part du bénéfice de cette année excédant celui des quatre années de référence correspond à un surcroît d'activité de 2018 et non, notamment, à un report ou une anticipation de bénéfices afférents à une activité réalisée en 2017 ou 2019.
8. Il est constant que les bénéfices non commerciaux déclarés de M. A... au titre de l'année 2018 sont très largement supérieurs à ceux qui ont été déclarés au titre des années de référence 2015, 2016 et 2017. Toutefois, la requérante, en se bornant à faire état des règles régissant les honoraires des avocats et à produire un état de frais de M. A... daté du 2 février 2018 faisant référence à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 janvier 2018 et mentionnant sans aucun autre détail le montant des honoraires, qui n'est pas suffisant en lui-même pour établir que ces honoraires correspondent à un surcroit de l'activité déployée par M. A... au cours de la période du 1er au 18 janvier 2018, ne justifie pas que la différence de revenu constatée au titre de l'année 2018 procèderait uniquement d'un surcroît d'activité ouvrant droit à un CIMR complémentaire sur le fondement du 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016.
9. En second lieu, la doctrine administrative relative au CIMR référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-20 § 170 ne contient aucune interprétation de la loi fiscale différente de ce qui précède et n'est à cet égard pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bénéfice du quotient :
10. En premier lieu, Mme A..., ainsi qu'il a été dit précédemment, n'a pas présenté auprès de l'administration fiscale de demande tendant au bénéfice du dispositif du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts. Par suite, elle n'est pas recevable à demander en appel le bénéfice de ce dispositif.
11. En second lieu, les conclusions tendant à ce que le bénéfice du système du quotient soit accordé dans le cadre de la juridiction gracieuse sont irrecevables dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'en connaître, seule l'autorité administrative pouvant se prononcer sur une demande relevant de la juridiction gracieuse et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
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N° 23MA00594