Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Vence a rejeté sa demande indemnitaire préalable et de condamner la commune à lui verser la somme de 1 923 600 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1905436 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Vence à verser à M. A... la somme de 20 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2022 et le 7 novembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Paturat, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement n° 1905436 en tant que le tribunal administratif de Nice a limité à la somme de 20 000 euros la condamnation de la commune de Vence ;
2°) de porter à la somme de 1 925 700 euros le montant de l'indemnité due au titre des préjudices subis ;
3°) à défaut, d'ordonner avant-dire-droit une expertise judiciaire sur le montant du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Vence la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas tenu compte de sa note en délibéré et ils ne l'ont pas mentionnée dans le jugement ;
- la responsabilité de la commune de Vence est engagée pour défaut d'enregistrement et de traitement dans le délai légal de sa demande de certificat d'urbanisme de 1996 et pour la transmission d'informations erronées ;
- il a subi des préjudices matériels tenant à l'impossibilité de valoriser les parcelles acquises, aux frais engagés pour défendre la constructibilité de son terrain et un préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, la commune de Vence, représentée par Me Plenot, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler le jugement en tant qu'il a reconnu un préjudice moral au bénéfice de M. A... ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- elle appelle en garantie l'Etat de la condamnation dont elle a fait l'objet.
Un mémoire, enregistré le 15 octobre 2024, a été présenté par la ministre du logement et de la rénovation urbaine qui conclut au rejet de l'appel en garantie de la commune et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dyèvre, rapporteur,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Paturat représentant M. A... et de Me Plenot représentant la commune de Vence.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., propriétaire des parcelles cadastrées section BC n° 382 à 389 situées sur la commune de Vence, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a limité à 20 000 euros la condamnation au titre du préjudice moral prononcée à l'encontre de la commune de Vence, sur le seul fondement de la transmission par cette dernière d'informations erronées. Il demande à la Cour de l'indemniser à hauteur de 1 925 700 euros, au titre des préjudices subis.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est régulièrement saisi, à l'issue de l'audience, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ainsi que de la viser, sans toutefois l'analyser dès lors qu'il n'est pas amené à rouvrir l'instruction et à la soumettre au débat contradictoire pour tenir compte des éléments nouveaux qu'elle contient.
3. Après l'audience publique, qui a eu lieu le 18 mai 2022, mais antérieurement à la date à laquelle le jugement a été rendu public le 8 juin 2022, M. A... a adressé au tribunal administratif de Nice une note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal le 23 mai 2022 que le tribunal a visée et qu'il n'était pas tenu d'analyser, ainsi qu'il a été dit au point 2. M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir que le jugement attaqué qui n'analyse pas sa note en délibéré serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la responsabilité pour faute de la commune de Vence :
En ce qui concerne la faute tirée du défaut d'enregistrement et de traitement de la demande de certificat d'urbanisme
4. En premier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire n° 85-27 du 22 avril 1985, qui n'a pas valeur impérative et ne constituent pas des lignes directrices.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l'état des équipements publics existants ou prévus, et sous réserve de l'application éventuelle des dispositions législatives et réglementaires relatives aux zones d'aménagement concerté, ledit terrain peut : / a) Etre affecté à la construction ; (...) ". Aux termes de l'article R*410-3 du code : " Tous les exemplaires de la demande et du dossier de certificat d'urbanisme sont adressés par pli recommandé, avec demande d'avis de réception postal, au maire de la commune dans laquelle le terrain est situé, ou déposés contre décharge à la mairie. / Le maire affecte un numéro d'enregistrement à la demande dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme. (...) " et aux termes de l'article R*410-9 de ce code : " Le certificat d'urbanisme est délivré dans un délai de deux mois à compter de la date figurant sur l'avis de réception postal ou sur la décharge visés à l'article R. 410-3. ".
6. D'une part, la délivrance du récépissé prévu aux dispositions précitées du code de l'urbanisme permet seulement de connaître la date d'enregistrement de la demande de certificat d'urbanisme, et donc de connaître le point de départ du délai d'instruction de cette demande. Par suite, le défaut de délivrance d'un récépissé au demandeur est sans incidence sur la légalité de la décision. En conséquence, s'il est constant qu'une demande de certificat d'urbanisme présentée par M. A... a été reçue en mairie le 14 octobre 1996, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article R. 410*3 du code de l'urbanisme du fait de l'absence de délivrance d'un récépissé par la commune sur sa demande.
7. D'autre part, il résulte des dispositions précitées au point 5 que l'administration a l'obligation de délivrer, dans un délai de deux mois, sur demande, un certificat d'urbanisme. S'agissant d'une demande présentée sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, ni l'expiration de ce délai, ni celle du délai de quatre mois au terme duquel le silence de l'administration était susceptible, à l'époque, de faire naître une décision implicite de refus de certificat, ne pouvaient valoir délivrance d'un certificat d'urbanisme et ne permettaient donc pas au demandeur de connaître les dispositions d'urbanisme applicables à son terrain ni de bénéficier, pendant un an, du droit à l'absence de remise en cause de ces dispositions.
8. Il résulte de l'instruction que suite à sa demande réceptionnée par la commune de Vence le 14 octobre 1996, un certificat d'urbanisme négatif n'a été délivré à M. A... que le 25 août 1997, soit au-delà de l'expiration des délais susmentionnés, lesquels ne pouvaient valoir, à l'époque, ni délivrance tacite, ni refus implicite du certificat d'urbanisme. L'abstention de l'administration d'enregistrer et de répondre à la demande de délivrance du certificat d'urbanisme dans les délais qui lui étaient impartis et la délivrance tardive de six mois du certificat d'urbanisme négatif sur la demande de M. A... est un retard constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
En ce qui concerne la faute de la commune tenant à la transmission d'informations erronées sur l'évolution des droits à construire :
9. M. A..., qui ne conteste pas l'existence du risque auquel est exposé son terrain, reprend en appel le fondement de responsabilité invoqué en première instance tiré de la transmission d'informations erronées. Il résulte de l'instruction que le compte-rendu du conseil municipal de Vence du 25 juillet 1997, après avoir rappelé la chute de rochers survenue en 1992 au pied du massif des Baous, à proximité immédiate du terrain du requérant, mentionne que suite à l'étude géologique et technique réalisée par le bureau d'étude de la direction départementale de l'équipement, les zones à risques de grande ampleur qu'elle a relevées ont été intégrées par anticipation dans le nouveau plan d'occupation des sols depuis le 7 avril 1997, que la commune indique être consciente du " grave préjudice porté aux propriétaires riverains " et donne son accord pour demander la réalisation d'une étude tenant compte de la réalité de la zone des Baous. La commune de Vence a ensuite, par courrier du 5 décembre 2002, informé les riverains au travers de l'association des côteaux des Baous de Vence, de l'état d'avancement du dossier de plan de risque géologique des Baous notamment le calendrier prévisionnel des phases de travaux de sécurisation de la zone des Baous, nécessairement échelonnés sur plusieurs exercices en raison de l'importance des dépenses prévisibles. A cet égard, il résulte des termes du compte-rendu du conseil municipal du 19 février 2004 que le plan de financement des travaux approuvés est notamment soumis à l'obtention des aides de l'Etat, de la région et du département. Si par un courrier du 15 mars 2004 le maire de la commune de Vence informe M. A... de ce qu'à l'issue des travaux, " une modification du POS ou du PLU pourra être entamée " avant d'indiquer que " les propriétaires concernés pourront retrouver des droits à bâtir tels que définis dans la réglementation ", cette mention ne constitue pas un engagement de la commune dès lors que les " droits à bâtir " évoqués restent soumis aux dispositions législatives et réglementaires applicables. Enfin, si M. A... se prévaut de divers courriers qu'il a adressés à la commune de Vence faisant état de ce que les maires successifs l'ont assuré de leur soutien pour rendre son terrain à nouveau constructible, ces mentions rapportées n'établissent pas la réalité de promesses de la commune à son égard. Et il résulte du courrier du 1er août 2011 que M. A... a adressé à la commune que l'intéressé était informé à cette date de ce que son terrain resterait " en l'état d'inconstructibilité ". Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la commune de Vence, qui s'est bornée à rechercher une solution pour rendre possible le projet de M. A..., n'a pas émis de promesse ni donné d'informations erronées et n'a donc pas commis de faute à cet égard.
Sur l'indemnisation des préjudices :
10. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 9, M. A... est uniquement fondé à se prévaloir de la faute commise par la commune de Vence consistant en la délivrance tardive du certificat d'urbanisme du 25 août 1997. Toutefois et à les supposer établis, les préjudices dont il se prévaut tenant à la perte de valeur nette comptable de son terrain du fait de son inconstructibilité, des frais de déplacement engagés pendant vingt-quatre années pour défendre ses intérêts et du préjudice moral subi ne présentent pas un lien de causalité direct et certain avec l'illégalité commise mais résultent uniquement de l'exposition de son terrain à un risque d'éboulements provenant du massif des Baous, qui aurait pu justifier le refus de délivrance d'un permis de construire en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions M. A... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation de ces préjudices.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée.
Sur l'appel incident de la commune de Vence :
12. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de préjudices en lien avec une faute commise par la commune de Vence, c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à M. A... une somme de 20 000 euros. La commune est dès lors fondée à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes indemnitaires présentées par M. A....
Sur la demande d'appel en garantie de l'Etat par la commune :
13. Eu égard au rejet des demandes indemnitaires présentées par M. A... devant le tribunal et la Cour, l'appel en garantie formé par la commune de Vence est sans objet.
Sur les frais liés au litige :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vence, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune de Vence.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1905436 du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal et la Cour sont rejetées.
Article 3 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Vence au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Vence est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Vence et au ministre du Logement et de la Rénovation urbaine.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseur,
- Mme Dyèvre, première conseillere.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
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N° 22MA01960
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