Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Nans-les-Pins a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un élevage de chiens sur un terrain cadastré section C n° 268 situé à La Vieille Tuilière, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 30 mars 2020.
Par un jugement n° 2001517 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et cette décision et enjoint au maire de la commune de Nans-les-Pins de délivrer à M. A... l'autorisation d'urbanisme sollicitée dans le délai d'un mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2023, et deux mémoires, enregistrés les 9 et 12 août 2024, la commune de Nans-les-Pins, représentée par Me Nouis, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, en ce que les premiers juges ont fondé leur décision sur l'absence de motivation de l'arrêté de refus de permis de construire, moyen qu'ils ont, à tort, relevé d'office ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en prononçant une injonction qui n'était pas demandée par M. A... ;
- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la substitution de motifs tirée de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qu'elle avait demandée en premier instance ;
- le projet de construction méconnaît l'arrêté préfectoral n° 201701-2004 du 8 février 2017 portant règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie du Var ;
- le permis de construire pouvait valablement être refusé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu du risque d'incendie auquel est exposé le projet, situé en partie dans une zone d'aléa fort, en l'absence de moyens de protection suffisants ;
- le permis de construire pouvait valablement être refusé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard des nuisances sonores et olfactives qu'il est de nature à engendrer pour le voisinage ; il ne peut être tenu compte, à cet égard, du système anti-aboiement présenté dans un document produit en première instance le 28 juillet 2021, qui ne figurait pas dans le dossier de demande de permis de construire ; le projet est également de nature à entraîner des risques pour la salubrité publique, en ce qu'il présente une taille insuffisante pour accueillir les chiens au regard de l'arrêté ministériel du 3 avril 2014 et que les équipements proposés en termes d'assainissement des eaux usées dans le dossier de demande sont insuffisants ;
- la demande indemnitaire présentée par M. A... est irrecevable, en l'absence de demande distincte à ce titre et s'agissant d'une demande nouvelle en appel.
Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Bagnis, conclut au rejet de la requête. Il demande en outre à la Cour de condamner la commune de Nans-les-Pins à lui verser une somme de 450 000 euros en réparation du préjudice économique subi et de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- le refus de permis de construire lui a causé un préjudice économique direct et certain justifiant le versement, par la commune, d'une somme de 450 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Dioum, représentant la commune de Nans-les-Pins.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a déposé une demande de permis de construire portant sur la construction d'un édifice d'une surface de 247 m² ayant vocation à accueillir un élevage de chiens, sur la parcelle cadastrée section C n° 268 située rue de la Carraire à Nans-les-Pins, dont il est propriétaire. La commune de Nans-les-Pins relève appel du jugement du 23 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le maire de Nans-les-Pins a refusé de lui délivrer ce permis de construire et la décision du 30 mars 2019 rejetant son recours gracieux et lui a enjoint de délivrer à M. A... l'autorisation sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
1. M. A..., intimé, demande à la Cour de condamner la commune de Nans-les-Pins à lui verser une somme de 450 000 euros en réparation du préjudice économique subi du fait de l'illégalité de la décision de refus de permis de construire du 18 décembre 2019. Ces conclusions, nouvelles en appel, qui concernent un litige distinct de celui sur lequel le tribunal administratif s'est prononcé dans le jugement du 23 décembre 2022, sont irrecevables. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nans-les-Pins s'agissant de ces conclusions doit être accueillie.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :
3. Pour faire droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision de refus de permis de construire du 18 décembre 2019, le tribunal administratif a accueilli deux moyens soulevés devant lui par le pétitionnaire, à savoir l'inopposabilité des dispositions du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI) du Var et l'illégalité du motif de refus tiré des risques de nuisances sonores et olfactives. Le tribunal a également refusé de faire droits aux demandes de substitution de motifs invoquées devant lui par la commune, tirées de la méconnaissance, par le projet, d'autres dispositions du RDDECI et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant des nuisances pour le voisinage.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ".
5. Il ressort des termes de l'arrêté de refus de permis de construire que le maire de Nans-les-Pins s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du RDDECI, plus particulièrement celles applicables aux établissements recevant du public. Toutefois, le RDDECI, eu égard à la nature des règles qu'il contient, qui sont étrangères au droit de l'urbanisme, n'est pas opposable aux autorisations d'urbanisme. Il s'ensuit qu'en opposant les dispositions de ce règlement, le maire de Nans-les-Pins a, comme l'a relevé le tribunal administratif, commis une erreur de droit. Pour les mêmes motifs, le tribunal a pu, à bon droit, refuser de faire droit à la demande de substitution de motifs invoquée en première instance par la commune, tirée de la méconnaissance, par le projet, de dispositions du même règlement relatives aux exploitations agricoles, également inopposables aux autorisations d'urbanisme.
6. En deuxième lieu, le maire de Nans-les-Pins s'est fondé, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur " la proximité du projet avec des habitations situées à moins de 200 mètres " et " le risque de nuisances " en résultant. Le tribunal administratif de Toulon a censuré, à bon droit, ce motif eu égard à son imprécision et son absence de fondement juridique, ce que la commune ne conteste pas sérieusement en appel. Il a ensuite refusé de faire droit à la demande de substitution de motifs tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, estimant que la commune ne démontrait pas que les nuisances susceptibles d'être générées par le projet de construction étaient de nature à justifier un rejet sur ce fondement.
En ce qui concerne la substitution de motifs demandée en appel par la commune de Nans-les-Pins :
7. La commune de Nans-les-Pins demande que soit substitué aux motifs retenus dans l'arrêté du 19 décembre 2019 le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, aux termes duquel " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ", en faisant état, d'une part, du risque pour la sécurité publique, en raison de l'exposition du terrain d'assiette au risque d'incendie et, d'autre part, du risque pour la salubrité publique, en raison des nuisances que le projet est de nature à créer pour le voisinage.
8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. La demande de permis de construire porte sur la création d'un bâtiment d'une surface de plancher de 247 m² destiné à accueillir un élevage de chiens de chasse pouvant compter jusqu'à 49 animaux, sur une parcelle cadastrée C n° 268, lieudit la vieille Tuilière, située en zone agricole de plan local d'urbanisme de Nan-les-Pins. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la carte des risques consultable sur le site Remocra du service départemental d'incendie et de secours du Var, dont un extrait est produit par la commune, qui reprend la carte d'aléas établie par la direction départementale des territoires du Var, que la parcelle en litige est située pour l'essentiel en zone d'aléa moyen et, en partie, au nord, en zone d'aléa fort pour le risque incendie. Ainsi que l'indique la commune, cette parcelle, en partie boisée, est située à proximité immédiate de plusieurs zones boisées, dont une très vaste implantée à l'est, à moins de 150 mètres. Il ressort également des pièces du dossier que la borne incendie la plus proche, référencée PI NPS 5, est située à environ 650 mètres du terrain d'assiette, alors que le RDDECI, qui peut être pris en compte comme élément d'information, préconise, pour une exploitation agricole de la surface de celle de M. A..., une distance maximale de 400 mètres. Si M. A... fait état de la présence d'un puits sur sa parcelle, d'une citerne intermédiaire de 30 m3 située à 30,91 m du bâtiment ainsi que de la création, par la société du Canal de Provence, d'une borne incendie avec un débit de 100 m3/h à 50 m du futur bâtiment, ces éléments ne figurent pas dans le dossier de demande de permis de construire et ne sont, en outre, pas établis. La commune relève également, sans être contestée, la largeur insuffisante de la voie d'accès au terrain d'assiette du projet, comprise entre 2,80 et 3,10 mètres, ressortant d'un procès-verbal de constat de commissaire de justice daté du 16 mars 2023.
10. La commune de Nans-les-Pins fait par ailleurs état d'un risque de nuisances sonores et olfactives résultant de l'implantation du bâtiment d'élevage à proximité immédiate de maisons d'habitation. Elle relève en particulier, à cet égard, que la construction à usage d'habitation la plus proche, implantée sur les parcelles cadastrées section C n° 270 et n° 271, est située à moins de 100 mètres du projet, distance que ne conteste pas M. A..., et qui, au demeurant, n'est pas conforme à la règle de réciprocité prévue à l'article L. 111-3 du code rural.
11. Les éléments, énoncés aux points 9 et 10 ci-dessus, avancés par la commune de Nans-les-Pins s'agissant du risque incendie et du risque de nuisances permettent de caractériser l'existence d'un risque pour la sécurité et la salubrité publique de nature à justifier légalement le rejet de la demande de permis de construire de M. A.... Il s'ensuit qu'il y a lieu, pour la Cour, de faire droit à la demande de substitution de motifs sollicitée en appel par la commune de Nans-les-Pins, qui ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
12. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif, de se prononcer sur les autres moyens soulevés en première instance par M. A....
En ce qui concerne les autres moyens soulevés en première instance par M. A... :
13. Le moyen tiré de ce que le maire de Nans-les-Pins n'a pas demandé à M. A... de compléter son dossier de demande de permis de construire, en violation des articles R. 123-2 et suivants du code de l'urbanisme applicables aux établissements recevant du public, doit être écarté comme inopérant, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un élevage canin constituerait un tel établissement.
14. Le maire de Nans-les-Pins n'ayant pas fondé la décision de refus de permis de construire sur l'absence d'avis de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture, le moyen tiré de ce que l'absence de réponse de ce service a donné lieu à un avis tacite favorable est également inopérant.
15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de son irrégularité, que la commune de Nans-les-Pins est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le maire de la commune a refusé de délivrer un permis de construire à M. A....
Sur les frais liés au litige :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais exposés par la commune de Nans-les-Pins et non compris dans les dépens. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nans-les-Pins, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... sur ce fondement.
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement n° 2001517 du tribunal administratif de Toulon du 23 décembre 2022 est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Toulon et la cour sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Nans-les-Pins est rejeté.
Article 4 : les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nans-les-Pins et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.
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N° 23MA00430