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17/12/2024 | FRANCE | N°23MA02607

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 17 décembre 2024, 23MA02607


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... épouse E... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 30 décembre 2022 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.



Par les jugements n° 2302694 et n° 2302794 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté l

es demandes de Mme D... épouse E... et M. E....



Procédure devant la Cour :



I - P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse E... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 30 décembre 2022 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par les jugements n° 2302694 et n° 2302794 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de Mme D... épouse E... et M. E....

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 sous le n° 23MA02607, Mme D... épouse E..., représentée par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302694 du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, qui s'engage, dans ce cas, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le délai de départ volontaire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale comme étant prise sur la base d'une décision de refus de délivrance de titre elle-même illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire et refusant l'octroi d'un délai supérieur à 30 jours doit être annulée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme D... épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 septembre 2023.

II - Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 sous le n° 23MA02608, M. E..., représenté par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302794 du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, qui s'engage, dans ce cas, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le délai de départ volontaire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale comme étant prise sur la base d'une décision de refus de délivrance de titre elle-même illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire et refusant l'octroi d'un délai supérieur à 30 jours doit être annulée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations du public avec l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Belotti, représentant Mme D... épouse E... et M. E....

Une note en délibéré, présentée pour Mme D... épouse E... et M. E..., a été enregistrée le 3 décembre 2024.

Des pièces présentées par le préfet des Bouches-du-Rhône ont été enregistrées les 3 et 4 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse E... et M. E..., tous deux de nationalité géorgienne, ont présenté le 2 mai 2022 des demandes d'admission au séjour sur le fondement du respect dû à la vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 30 décembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à leurs demandes, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Mme D... épouse E... et M. E... relèvent appel des jugements du 7 juin 2023 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés, après les avoir jointes.

2. Les requêtes n° 23MA02607 et n° 23MA02608, présentées par Mme D... épouse E... et M. E... présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les demandes d'annulation des refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse E... et M. E... sont entrés en France pour la première fois en 2012, avec leur fille aînée, où ils ont demandé l'asile qui leur a été refusé définitivement le 1er octobre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. S'ils établissent résider habituellement en France à partir de l'année 2015, pays de naissance de leur deuxième enfant, ils s'y maintiennent irrégulièrement depuis, en dépit des refus de titres de séjour et mesures d'éloignement pris à leur encontre. La durée de leur présence en France, tout comme en outre la circonstance que leurs deux enfants soient scolarisés en France respectivement depuis dix ans et six ans à la date des décisions contestées ne sauraient, à elles seules, permettre de considérer le refus de leur admission au séjour comme portant une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, les appelants n'établissant pas par ailleurs la réalité, la stabilité et l'intensité des liens personnels et familiaux qui les attachent au territoire français. En particulier, les nouvelles pièces produites devant la Cour, au demeurant postérieures aux décisions contestées, soit un contrat de travail à durée indéterminée signé par M. E... le 16 octobre 2023 et les bulletins de salaire de Mme D... épouse E... pour la période de mars à août 2024, ne sauraient caractériser une insertion socioprofessionnelle effective en France, l'un et l'autre ayant en outre fait l'objet de condamnations pénales. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des appelants.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, Mme D... épouse E... et M. E... ne justifient pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à leur permettre l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'article précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de celui-ci doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, assorti d'une mesure d'éloignement (cf. CE Mlle B..., N°161364, 22 septembre 1997) que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. S'il est constant que les enfants de Mme D... épouse E... et M. E... n'ont été scolarisés qu'en France, les décisions contestées n'ont pas pour effet de rompre l'unité de la famille dès lors que les parents, en situation irrégulière, sont tous deux visés par une obligation de quitter le territoire français, ni de leur imposer de rompre toute scolarité.

Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur les conclusions relatives aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le délai de départ volontaire :

9. En quatrième lieu, les appelants n'étant pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de titre de séjour sont illégales, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, invoqué par la voie de l'exception à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, doit également être écarté.

10. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

11. En sixième et dernier lieu, en se bornant à alléguer que la durée de trente jours contestée est insuffisante pour préparer le retour dans leur pays d'origine et garantir la poursuite de la scolarité de leurs enfants, les appelants n'établissent pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur octroyant pas un délai de départ volontaire plus long. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse E... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 décembre 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par les appelants, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées

Sur les frais de l'instance :

14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions des appelants tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme D... épouse E... et M. E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... épouse E..., M. C... E..., à Me Belotti et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

N°s 23MA02607, 23MA026082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02607
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : BELOTTI;BELOTTI;PEROLLIER;BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23ma02607 ?
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