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20/12/2024 | FRANCE | N°23MA01081

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 20 décembre 2024, 23MA01081


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme à parfaire de 110 000 euros en réparation du préjudice subi suite à sa chute sur le trottoir de la route RD 35 survenue le 15 juin 2018 et de désigner un expert afin de déterminer l'étendue de ses préjudices.



Le département des Alpes-Maritimes a demandé à ce même tribunal de condamner la commune d'Antibes à

la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.



La caisse primaire d'assurance ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme à parfaire de 110 000 euros en réparation du préjudice subi suite à sa chute sur le trottoir de la route RD 35 survenue le 15 juin 2018 et de désigner un expert afin de déterminer l'étendue de ses préjudices.

Le département des Alpes-Maritimes a demandé à ce même tribunal de condamner la commune d'Antibes à la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var, intervenant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, mise en cause par le tribunal, a demandé à ce dernier que ses droits soient réservés dans l'attente du chiffrage définitif de ses débours.

Par un jugement n° 1905899 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme A... ainsi que les conclusions des autres parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2023, Mme A..., représentée la SCP Lizee - Petit - Tarlet agissant par Me Tarlet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à l'indemniser et de désigner un expert afin de déterminer l'étendue de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa demande était tardive alors que la demande présentée le 22 octobre 2018 par la MAIF, son assureur, qui n'avait par ailleurs pas reçu mandat pour agir en son nom, ne pouvait être regardée comme une réclamation indemnitaire préalable.

Par un mémoire, enregistré le 9 mai 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Var indique qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance, que la victime a été prise en charge au titre du risque maladie et que le montant de ses débours s'élève à 9 739,83 euros.

Par des mémoires, enregistrés les 11 et 17 juillet 2023, la commune d'Antibes, représentée par Me Jacquemin, conclut :

1°) à titre principal, à sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande formée par Mme A... et de toute demande dirigée à son encontre ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à sa mise hors de cause en cas d'expertise, au rejet de la demande d'expertise et à ce que les demandes indemnitaires de la requérante soient ramenées à de plus justes proportions ;

4°) en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de toute partie succombante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable pour deux motifs : aucune conclusion n'est dirigée à son encontre, le contentieux n'est pas lié à son égard ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors que la gestion de la voie sur laquelle a eu lieu la chute de Mme A... relève du département des Alpes-Maritimes ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- la victime a nécessairement commis une faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, le département des Alpes-Maritimes, représenté par la Selas Seban et associés agissant par Me Aderno, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à ce que soit mise à la charge de celle-ci de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- comme l'a jugé à bon droit le tribunal, la requête Mme A... présentée devant le tribunal était tardive ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée dans la mesure où la grille litigieuse n'est pas située sur l'emprise de son domaine public routier ;

- la victime a commis plusieurs fautes, d'une part, en marchant de manière totalement imprudente sur la grille litigieuse et, d'autre part, en ne faisant pas preuve de toute la vigilance requise alors même qu'elle marchait sur un ouvrage qui se distinguait très nettement de l'enrobé revêtant le trottoir ;

- l'expertise sollicitée par la requérante est inutile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Mezine, représentant le département des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui payer la somme à parfaire de 110 000 euros en réparation du préjudice subi suite à sa chute sur le trottoir de la route RD 35 survenue le 15 juin 2018 et de désigner un expert afin de déterminer l'étendue de ses préjudices. Le département des Alpes-Maritimes a demandé à ce même tribunal de condamner la commune d'Antibes à la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre. La caisse primaire d'assurance maladie du Var, intervenant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, mise en cause par le tribunal, a demandé de réserver ses droits dans l'attente du chiffrage définitif de ses débours. Par un jugement du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme A... ainsi que les conclusions des autres parties. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 127-1 du code des assurances : " Est une opération d'assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du dommage subi. ". Il résulte de ces dispositions qu'à compter de la déclaration de sinistre adressée à son assureur par le sociétaire et mentionnant explicitement la garantie de protection juridique, l'assureur dispose d'un mandat de ce dernier pour accomplir, en son nom, toute démarche utile à la résolution du litige. Par suite, le rejet opposé par une personne publique à une réclamation préalable indemnitaire formée, dans ces conditions, par l'assureur est opposable à l'assuré, quand bien même ce dernier n'aurait pas eu connaissance de cette décision.

4. A supposer même que Mme A... soit regardée comme ayant donné à son assureur mandat pour former, en son nom, une demande préalable auprès de l'auteur de la personne publique responsable du dommage, ce qui n'est au demeurant pas établi compte tenu de ce que l'intéressée s'est bornée dans le courrier qu'elle a envoyé à la MAIF à décrire son accident sans faire référence à la garantie de protection juridique dont elle bénéficiait, il résulte en tout état de cause de l'instruction que le courrier adressé au département des Alpes-Maritimes par l'assureur de la requérante, le 22 octobre 2018, n'a pas lié le contentieux dès lors qu'il ne mentionnait ni de fondement de responsabilité, ni de conséquences dommageables d'un fait. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le courrier du 4 décembre suivant par lequel le département des Alpes-Maritimes a indiqué à la MAIF que sa " demande d'indemnisation ne pouvait qu'être rejetée " avait fait courir le délai prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative à l'encontre de Mme A..., pour en déduire que la demande de première instance de cette dernière était tardive.

5. En outre, il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... a formé une demande indemnitaire préalable auprès du département des Alpes-Maritimes par un courrier daté du 6 décembre 2019 reçu le 11 suivant. Dès lors, une décision implicite de rejet de cette demande était née à la date à laquelle les premiers juges ont statué, le 7 mars 2023. Par conséquent, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que ses conclusions indemnitaires étaient irrecevables et, par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nice pour qu'il soit à nouveau statué sur la demande de Mme A....

Sur les conclusions de la commune d'Antibes aux fins d'être mis hors de cause :

8. Compte tenu de ce qu'il vient d'être dit, il n'y a pas lieu à ce stade de mettre hors de cause la commune d'Antibes. De telles conclusions doivent donc être rejetées.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

9. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui, régulièrement mis en cause dans la présente instance, n'a pas présenté de conclusions.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Mme A... est renvoyée devant le tribunal administratif de Nice pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée Mme B... A..., au département des Alpes-Maritimes, à la commune d'Antibes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.

Le rapporteur,

signé

J. MAHMOUTILa présidente,

signé

C. FEDILa greffière,

signé

M. C...

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23MA01081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01081
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Assurance et prévoyance - Contentieux.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Décision administrative préalable.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;23ma01081 ?
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