Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... B... et M. H... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme B... la somme de 313 739,48 euros, en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge à compter du 30 octobre 2012 par l'hôpital Nord à Marseille et à M. A... la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice sexuel et d'affection.
Par un jugement n°1909933 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à Mme B... de la somme de 103 099,59 euros, une rente trimestrielle de 897 euros, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 4 500 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 2 juin 2023, 5 décembre 2023 et 18 janvier 2024, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi, agissant par Me Fitoussi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B... et M. A... à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'analyse critique des docteurs Sharma et Ziamni ne relève pas d'une cause juridique nouvelle et ne méconnaît pas les principes d'impartialité et du contradictoire ;
- à titre principal, en l'absence d'accident médical non fautif, la responsabilité de l'ONIAM ne peut être engagée au titre de la solidarité nationale ; les dommages subis par Mme B... ne résultent pas d'un aléa thérapeutique mais de la tumeur dont la requérante souffrait avant l'intervention ;
- à titre subsidiaire, la condition d'anormalité du dommage prévue au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'est pas remplie ; les séquelles imputables à l'acte médical ne sont pas manifestement plus graves que celles qu'aurait présenté Mme B... en l'absence d'intervention ; le risque de survenue d'une complication neurologique ne présentait pas en l'espèce le caractère d'une probabilité faible.
Par trois mémoires en défense enregistrés les 19 juillet 2023, 8 janvier 2024 et 9 janvier 2024, Mme B... et M. A..., représentés par Me Seffar et Me Daagi, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la cour réforme le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande, à ce qu'il soit accordé, d'une part, à Mme B... la somme de 313 739,48 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2016 et de la capitalisation des intérêts, outre une somme de 7 292,46 euros au titre de ses frais divers et une rente trimestrielle de 897 euros, d'autre part, la somme de 15 000 euros à M. A..., majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2016 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) à ce que les dépens soient mis à la charge de l'ONIAM ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le syndrome de Pancoast-Tobias dont souffre Mme B... ne résulte pas d'une faute médicale, mais constitue un accident médical non fautif ;
- les éléments invoqués à l'appui de l'analyse critique établie par les docteurs Sharma et Ziamni sont irrecevables en application de la jurisprudence Intercopie, sont dépourvus d'impartialité et méconnaissent le principe du contradictoire ;
- ils sont fondés à obtenir une meilleure indemnisation de leurs préjudices, compte tenu des conclusions de l'expertise judiciaire ;
- Mme B... a supporté des frais de procédure qui s'élèvent à la somme de 7 292,46 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2023, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et M. D... E..., représentés par la SARL Le Prado - Gilbert, concluent à leur mise hors de cause.
Ils font valoir qu'aucun manquement fautif dans l'organisation ou le fonctionnement du service ou la conduite des soins ne peut leur être reproché.
La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse et à la mutuelle générale de l'éducation nationale d'Ajaccio qui n'ont pas produit d'observations.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille du 29 novembre 2024.
Par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille du 29 novembre 2024 la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Yagour, représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a subi une intervention chirurgicale le 30 octobre 2012 à l'hôpital Nord de Marseille afin que soit réalisée la résection d'une tumeur lipomateuse du médiastin supérieur droit en sablier diagnostiquée en 2004 et qui faisait jusqu'ici l'objet d'une surveillance. Les suites opératoires ont été marquées par la nécessité d'une reprise pour évacuation de collection superficielle de la peau, l'apparition d'un syndrome de Claude Bernard Horner ainsi que par une thrombose jugulaire droite nécessitant un traitement anticoagulant pendant trois mois. Un déficit neurologique atteignant le territoire C8-D1 a par ailleurs été constaté. Mme B... a saisi, le 4 juillet 2016, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui, par un avis du 10 avril 2017 et sur la base d'un rapport d'expertise des docteurs Vidal et Hladky, s'est en partie estimée incompétente et a rejeté la demande d'indemnisation en tant qu'elle concerne la lésion neurologique de C8-D1. Par deux courriers reçus le 26 juillet 2019, Mme B... et M. A..., son concubin, ont présenté à l'AP-HM une demande d'indemnisation de leurs préjudices qui a été implicitement rejetée. Par un jugement du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille, après avoir ordonné une nouvelle expertise confiée aux docteurs C... et G..., a mis à la charge de l'ONIAM le versement à Mme B... de la somme de 103 099,59 euros et une rente trimestrielle de 897 euros en réparation des préjudices subis. L'ONIAM relève appel de ce jugement. Mme B... et M. A... concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à leur demande d'indemnisation.
Sur la responsabilité au titre de la solidarité nationale :
2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Selon le premier alinéa de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
4. Pour l'application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, il incombe au juge administratif, dans le cas où il est demandé à l'ONIAM de réparer au titre de la solidarité nationale plusieurs dommages résultant d'un même accident médical, d'une même affection iatrogène ou d'une même infection nosocomiale, de procéder à une appréciation globale des conditions, d'une part, d'anormalité et, d'autre part, de gravité de l'ensemble de ces dommages.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi à la demande du tribunal par le professeur C..., neurologue, et le docteur G..., chirurgien thoracique et cardio-vasculaire, que l'opération de résection de la tumeur lipomateuse subie par Mme B... le 30 octobre 2012 était nécessaire en raison notamment de l'accroissement progressif de son volume depuis 2004, de l'apparition de symptômes compressifs liés à la tumeur et des risques d'atteinte du plexus brachial droit. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et il n'est pas contesté, que cette intervention chirurgicale a été réalisée dans les règles de l'art.
6. Les experts relèvent que les complications apparues immédiatement après l'opération consistent en des troubles neurologiques en lien avec une lésion des racines inférieures C8-D1 du plexus brachial, un syndrome de Claude Bernard Horner et une phlébite de la veine jugulaire droite. Il ressort des conclusions de l'expertise que la phlébite de la veine jugulaire droite, qui n'a occasionné que des préjudices temporaires modérés, constitue une complication fréquente en matière de chirurgie cervico-thoracique et ne saurait ainsi constituer un préjudice indemnisable au titre de la solidarité nationale. S'agissant des racines C8-D1 droite, si l'ONIAM s'appuie sur l'expertise et, pour la première fois en appel, sur une analyse de son médecin conseil qui relèvent, à l'appui d'un électromyogramme, que les fibres C8-D1 étaient comprimées de façon chronique depuis 2004 et que des signes préopératoires de souffrance chronique de la partie inférieure du plexus brachial droit ont été identifiés, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à exclure le maintien d'un lien direct avec l'acte de soin en cause. A cet égard, les experts précisent que les racines " n'ont pas toléré la décompression post-chirurgicale qui s'est accompagnée d'une souffrance axonale aiguë liée au lever de la contrainte tumorale sur un tissu nerveux ", lequel s'est révélé vulnérable lors de l'acte chirurgical en raison de la souffrance chronique préexistante. Il suit de là que les complications neurologiques dont souffre Mme B..., consécutives à la lésion des racines inférieures C8-D1, sont en lien avec l'acte chirurgical litigieux. S'agissant de l'apparition du syndrome de Claude Bernard Horner à l'origine d'un ptosis, d'un mysosis et d'une énophtalmie, les experts ont également relevé qu'il relevait d'un accident médical non fautif inhérent à l'acte chirurgical pratiqué, dès lors qu'il était " la conséquence des adhérences entre la tumeur lipomateuse et la région de l'apex où sont situées les structures sympathiques très sensibles qui ont été traumatisées lors de la dissection de cette région ". L'ONIAM n'apporte au demeurant aucune contradiction utile à ces observations expertales. Les experts ajoutent enfin que si l'intervention chirurgicale a permis d'éviter une progression de la tumeur qui aurait provoqué une compression du plexus brachial droit aboutissant à terme à un déficit sensitivomoteur complet du membre supérieur droit et à des complications vasculaires, elle est cependant à l'origine d'un déficit neurologique plus précoce que ne le laissait présager une évolution lente et naturelle de la tumeur. Par suite, les séquelles neurologiques subies par Mme B... postérieurement à son intervention chirurgicale sont constitutives d'un aléa thérapeutique au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
7. Eu égard aux éléments exposés aux points 4 à 6, et dès lors que les dommages subis par Mme B... résultent d'un même accident médical, il y a lieu de procéder à une appréciation globale des conditions d'anormalité et de gravité de l'ensemble de ces dommages.
8. Il résulte du rapport d'expertise, ainsi que des éléments exposés aux points 5 et 6 sur l'évolution prévisible de la tumeur et ses conséquences, que les conséquences de l'acte médical ne peuvent être regardées comme notablement plus graves que celles auxquelles était exposée la patiente du fait de sa pathologie initiale.
9. En revanche, les experts, qui s'appuient sur la littérature médicale, ont considéré que l'atteinte des racines C8-D1 droite liée à la décompression chirurgicale constituait un accident médical non fautif, pouvant apparaître dans 1,7 % à 4,3 % des cas. Ils soulignent également que le risque d'apparition du syndrome de Claude Bernard Horner dans les conditions décrites constituait un aléa thérapeutique assez rare, représentant entre 0 % et 5,2 % des cas. La probabilité d'une survenue conjointe de ces deux complications ne peut donc qu'être inférieure à 5 %. Si l'ONIAM se prévaut que le risque serait majoré en raison de l'état antérieur de Mme B..., qui présentait une souffrance neurologique avant l'intervention en cause, et de la taille et de la position de la tumeur, ces seuls éléments ne suffisent pas à remettre en cause les conclusions des experts judiciaires. Dans ces circonstances, la survenance des complications post-opératoires subies par Mme B... doit être regardée comme présentant une probabilité faible.
10. Il résulte enfin du rapport d'expertise que Mme B... souffre d'un déficit fonctionnel permanent fixé globalement à 36 %, imputable à un déficit moteur sévère de la main droite en rapport avec une atteinte des racines C8-Th1 et au syndrome de Claude Bernard Horner dont l'incidence est évaluée respectivement à 35 % et 1 %. Le critère de gravité prévu à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est, dès lors, rempli.
11. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B... et M. A..., les conditions d'engagement de la solidarité nationale appréciées globalement apparaissent ainsi réunies.
Sur les préjudices de Mme B... :
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
12. Il résulte du rapport d'expertise que Mme B... a subi, en lien avec l'accident médical non fautif subi, un déficit fonctionnel temporaire total du 7 novembre 2012 au 12 novembre 2012, puis un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 50 % du 13 novembre 2012 au 4 septembre 2013, et de 36 % du 5 septembre 2013 au 29 octobre 2014. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 017 euros.
13. Les souffrances endurées par Mme B... ont été évaluées par l'expert à 3,5 sur 7 jusqu'au 4 septembre 2013, date à laquelle son médecin relève une amélioration de ses troubles neurologiques, et à 3 sur 7 pour la période allant du 5 septembre 2013 au 29 octobre 2014. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en le fixant à 4 500 euros.
14. Les experts ont estimé que Mme B... a subi un préjudice esthétique temporaire évalué à 2 sur 7. Toutefois, et en l'absence de toute précision, il ne résulte pas de l'instruction que ce préjudice se distinguerait du préjudice esthétique permanent également reconnu par l'expert, en particulier au vu du syndrome de Claude Bernard Horner dont elle est atteinte et de l'amyotrophie au niveau de son avant-bras droit et de sa main droite. Par suite et ainsi que l'on exactement retenu les premiers juges, la demande faite au titre de l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être rejetée.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
15. Il résulte de l'instruction que Mme B... présente un taux de déficit fonctionnel permanent de 36 % en lien exclusif avec un déficit moteur C8/TH1 sévère de la main droite pour 35 % et avec le syndrome de Claude Bernard Horner pour 1 %. Compte tenu de ce taux et de ce que la date de consolidation est intervenue le 30 octobre 2014 alors que Mme B... était âgée de 60 ans, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation due au titre de ce préjudice en l'évaluant à 62 400 euros.
16. Pour demander une indemnité de 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément, Mme B... se borne à se prévaloir, comme en première instance, de ce qu'elle ne peut plus exercer comme avant son accident la peinture et la gymnastique. La pratique de ces activités n'est toutefois pas établie par les pièces du dossier. Dès lors, le préjudice d'agrément qu'elle invoque n'est pas justifié et la requérante n'est pas fondée à en demander l'indemnisation.
17. Le préjudice esthétique permanent de Mme B... a été évalué à 1,5 sur 7 par les experts. Compte-tenu des éléments exposés au point 14, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce préjudice en lui allouant la somme de 1 400 euros à ce titre.
18. Si Mme B... demande l'indemnisation d'un préjudice sexuel à hauteur de 60 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel préjudice serait caractérisé. Cette demande indemnitaire doit être rejetée, ainsi que l'ont apprécié les premiers juges.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
19. Il résulte du rapport d'expertise que les séquelles subies par Mme B... en lien avec le fait générateur litigieux ont entraîné un déficit fonctionnel temporaire de 50 % puis de 36 %, nécessitant l'assistance par une tierce personne d'une heure par jour pour la période du 13 novembre 2012 au 13 juin 2013 puis de 4 heures par semaine pour la période allant du 14 juin 2013 au 29 octobre 2014. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait perçu, au cours de la période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ni même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 13 euros, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 7 343 euros.
20. Mme B... expose que l'expertise médicale prévue à Nîmes le 16 novembre 2016 dans le cadre de la procédure menée devant la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes-Côte d'Azur a engendré divers frais pour elle, son fils et son avocat. A cet égard, la requérante établit, au vu des justificatifs produits, la réalité des dépenses engagées au titre des frais d'assistance de son avocat à l'expertise, soit 1 800 euros, ainsi que les frais de transport nécessaires pour se rendre à cette réunion, soit les sommes de 151,96 euros correspondant à des frais de billets d'avion, de 24,90 euros relative à ses frais de navette aéroportuaire et les sommes de 39 euros et 44,80 euros au titre de billets de trains achetés pour elle et son avocat. En revanche, et ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal, Mme B... ne justifie pas de la nécessité du déplacement de son fils qui l'accompagnait et n'est pas fondée à réclamer le remboursement des billets d'avion de son avocat, lequel est inclus dans les frais d'assistance à expertise de 1 800 euros qui font déjà l'objet d'une indemnisation. Par suite, il y a lieu d'accorder à Mme B... le remboursement des frais exposés à hauteur de la somme de 2 060,66 euros.
21. Comme l'a exactement jugé le tribunal administratif de Marseille, Mme B... ne justifie pas, par la seule note de frais établie par son avocat, les dépenses exposées de reprographie des pièces de son dossier médical, pour un montant de 500 euros. En revanche, elle justifie, par les courriers envoyés en lettres recommandées avec accusés de réception, accompagnés des bordereaux d'envoi mentionnant les tarifs postaux, avoir engagés des frais concernant l'envoi aux médecins expert de son dossier médical et du règlement des allocations provisionnelles mises à sa charge. Par suite, Mme B... a droit à être indemnisée à hauteur de la somme de 37,94 euros au titre de ce chef de préjudice.
22. Si Mme B... sollicite le remboursement des provisions versées dans le cadre de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille par jugement du 13 décembre 2021, ces frais relèvent des dépens de l'instance et ne constituent pas un chef de préjudice dont la requérante pourrait demander réparation.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
23. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, qu'à compter de la date de consolidation de son état de santé, fixée au 30 octobre 2014, Mme B... a besoin d'une assistance par une tierce personne non spécialisée de trois heures par semaine, du fait de son handicap à la main droite dominante.
24. S'agissant de la période comprise entre le 30 octobre 2014 et le 20 décembre 2024, date de lecture du présent arrêt, il doit être tenu compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés et d'un taux horaire pour une aide non spécialisée, tenant compte de l'exonération de charges patronales prévue à l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, de 13 euros, en ce qui concerne la période comprise entre 30 octobre 2014 et le 31 décembre 2017, de 14 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 et de 15 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021. A partir du 1er janvier 2022 jusqu'au 31 décembre 2022, il doit être appliqué, pour une aide non spécialisée, le taux horaire de 22 euros fixé par l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Les taux horaires de 23 euros et de 23,50 euros doivent être appliqués respectivement pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 et du 1er janvier 2024 au 20 décembre 2024, conformément à l'arrêté du 30 décembre 2022 et au décret du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait perçu, au cours de la période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ni même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Par suite, et au vu du besoin en aide humaine retenu par l'expert à hauteur de trois heures par semaine, les frais d'assistance à tierce personne s'élèvent, sur la période du 30 octobre 2014 à la date de lecture du présent arrêt, à la somme de 27 975 euros.
25. Il résulte de l'instruction que, pour la période postérieure à la date de lecture de l'arrêt, en appliquant pour une aide non spécialisée le taux horaire de 23,50 euros fixé par le décret du 2 janvier 2024 précité, il convient de retenir, au vu du besoin défini par l'expert à trois heures par semaine, un taux hebdomadaire de 70,50 euros, soit une rente trimestrielle de 919 euros. Cette rente sera revalorisée par la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction des aides que Mme B... pourrait percevoir au titre des frais d'assistance par une tierce personne.
26. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à réparer les préjudices résultant, pour Mme B..., de son intervention chirurgicale du 30 octobre 2012, et que cette dernière est fondée, dans les limites exposées ci-dessus, à demander une réévaluation des sommes qui lui ont été allouées, à hauteur de la somme totale arrondie de 110 734 euros, outre la rente au titre des besoins en assistance par une tierce personne selon les modalités exposées au point précédent.
Sur les préjudices de M. A... :
27. Les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit. Par suite, ces dispositions excluent, lorsque la victime n'est pas décédée, l'indemnisation des victimes " par ricochet ". En l'espèce, Mme B..., victime principale de l'accident médical non fautif en litige, n'est pas décédée. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que M. A..., concubin de Mme B..., n'est pas fondé à demander la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices propres qu'il aurait subis.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
28. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à cette indemnité de 110 734 euros à compter du 4 juillet 2016, date de sa saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes-Côte d'Azur, et à la capitalisation de ces intérêts à compter du 4 juillet 2017, date à laquelle un an d'intérêts était dû, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur la déclaration d'arrêt commun :
29. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, et la mutuelle générale de l'éducation nationale d'Ajaccio, régulièrement mises en cause, n'ont pas produit de mémoire. Par suite, il y a lieu de leur déclarer commun le présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
30. Dans les circonstances de l'espèce, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 4 500 euros par ordonnances de la présidente du tribunal du 7 novembre 2022, sont laissés à la charge définitive de l'ONIAM.
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ONIAM demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, à l'égard de M. A..., la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par l'ONIAM, au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 103 099,59 euros mise à la charge de l'ONIAM par l'article 1er du jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille est portée à 110 734 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter du 4 juillet 2017 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 2 : L'ONIAM versera à Mme B..., par trimestre échu, une rente au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne d'un montant trimestriel de 919 euros, selon les modalités fixées au point 25 du présent arrêt.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 4 500 euros sont laissés à la charge définitive de l'ONIAM.
Article 4 : L'ONIAM versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... et de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse et à la mutuelle générale de l'éducation nationale d'Ajaccio.
Article 8 : Le présent jugement sera notifié à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme F... B... et à M. H... A..., à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Haute Corse, à la mutuelle générale de l'éducation nationale d'Ajaccio, à l'assistance publique - hôpitaux de Marseille et à M. D... E....
Copie en sera faite au professeur C... et au docteur G..., experts.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.
N° 23MA01396 2