Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2306253 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Le Gars, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de statuer à nouveau sur sa situation au regard du séjour, dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, dans l'attente de la décision qui sera prise ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait, de contradictions de motifs et d'invraisemblances ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise née en 1992, demande l'annulation du jugement du 21 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 de ce code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 432-2 du même code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a adressé une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un courrier adressé aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes le 2 juin 2022. Par un courrier du 27 juin 2022, ces services ont indiqué à l'intéressée que sa demande était incomplète et l'ont invitée à la retourner complétée par voie postale, dans un délai de quinze jours. Il en ressort en outre que, par pli envoyé contre signature, Mme B... a adressé aux services préfectoraux, le 13 juillet 2022, son dossier de demande de titre de séjour dûment complété. A défaut de décision expresse prise par le préfet des Alpes-Maritimes sur cette demande, celle-ci doit être regardée comme ayant fait l'objet d'un rejet implicite au plus tard le 13 novembre 2022, par application des dispositions combinées des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que Mme B... n'a pas exercé de recours à l'encontre cette décision du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant implicitement la délivrance d'un titre de séjour et elle se trouvait ainsi, à la date de l'arrêté litigieux, dans la situation visée par le 1° précité de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet des Alpes-Maritimes a fait application.
4. La décision en litige n'ayant pas été prise sur le fondement de la décision implicite de refus de séjour, le moyen soulevé en première instance de tiré de l'illégalité, par voie d'exception, d'une telle décision était inopérant et pouvait, à ce titre, être écarté implicitement. Il appartenait toutefois aux premiers juges de l'analyser dans les visas du jugement attaqué. Dès lors, en l'absence d'une telle analyse et de réponse dans les motifs du jugement attaqué, celui-ci est entaché d'irrégularité.
5. Il s'ensuit qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. D'une part, il résulte des éléments développés aux points 2 à 4 du présent arrêt, que, si Mme B... a vu sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile implicitement rejetée, l'obligation de quitter le territoire français en litige a cependant été prise sur le fondement du 1e de l'article L. 611-1 du même code. Ainsi, si l'arrêté en litige se borne à mentionner que l'intéressée avait sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 2 juin 2022 et qu'un courrier lui avait été adressé le 27 juin suivant établissant que sa demande était incomplète, cette circonstance ne révèle pas un défaut d'examen de la situation de Mme B... alors, au demeurant, qu'il résulte de l'arrêté en litige que le préfet l'a examinée, notamment, au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, l'arrêté en litige, qui vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme B..., ainsi que les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre les décisions litigieuses, de manière suffisamment précise, de sorte que la décision portant obligation de quitter le territoire en litige doit être regardée comme suffisamment motivée. Il en résulte également, ainsi que de l'ensemble des pièces du dossier, que le moyen tiré de l'absence d'examen sérieux de la situation de Mme B... doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
8. Mme B... soutient être entrée sur le territoire français en avril 2016 accompagnée de son époux et compatriote M. A..., et y résider de manière continue depuis lors, avec leurs deux enfants nés à Nice le 23 septembre 2019 et le 21 juin 2021. Elle soutient en outre que l'intégralité de sa famille réside en France mais ne l'établit pas. Si les pièces produites par la requérante permettent d'établir sa présence habituelle en France auprès de son époux et de leurs deux enfants, ainsi que l'activité professionnelle de Mme B..., depuis le mois de mai 2022 en tant qu'employée de maison auprès de plusieurs employeurs particuliers, lesquels attestent de ses qualités et de ses compétences dans cet emploi, ces circonstances ne caractérisent pas la réalité d'une insertion sociale ou professionnelle particulièrement notable. Par ailleurs, la requérante ne justifie pas de l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, avec son époux qui est également de nationalité albanaise et en situation irrégulière et leurs deux enfants. Dans ces conditions, la décision en litige, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de Mme B..., n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.
9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. La décision en litige n'a pas pour effet de priver les enfants de Mme B... de la présence à leurs côtés de leurs deux parents. Il n'est pas démontré qu'il existerait des obstacles à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2023. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
ORDONNE :
Article 1 : Le jugement n° 2306253 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme C. Fedi, présidente de chambre,
- Mme L. Rigaud, présidente-assesseure,
- M. N. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.
La rapporteure,
signé
L. RIGAUDLa présidente,
signé
C. FEDILa greffière,
signé
M. C... D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24MA010092