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08/01/2025 | FRANCE | N°23MA03035

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 08 janvier 2025, 23MA03035


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Nova E Properties a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 24 février 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Paul-de-Vence a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme.



Par un jugement n° 2003085 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération en tant que le règlement du plan local d'urbanisme contient une disposition consistant à autoriser en

zone AU la réhabilitation et l'extension des anciens bâtiments agricoles et rejeté le surplus de sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nova E Properties a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 24 février 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Paul-de-Vence a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 2003085 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération en tant que le règlement du plan local d'urbanisme contient une disposition consistant à autoriser en zone AU la réhabilitation et l'extension des anciens bâtiments agricoles et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, la société Nova E Properties, représentée par Me Deldique, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler la délibération 24 février 2020 par laquelle par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Paul-de-Vence a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul-de-Vence une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le commissaire enquêteur n'a pas procédé à la mise en balance des avantages et inconvénients du projet ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que le projet de plan local d'urbanisme a été modifié substantiellement après l'enquête publique, en s'abstenant d'indiquer en quoi cette modification n'avait pas remis en cause l'économie générale du projet ; il n'a pas motivé sa réponse au moyen tiré de l'incohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le règlement applicable à la zone N est trop restrictif par rapport au plan de prévention des risques d'inondation sous l'angle de l'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la délibération du 24 février 2020 :

- l'enquête publique est irrégulière dès lors que l'avis du commissaire enquêteur n'est pas motivé, en l'absence d'avis personnel donné sur le projet de plan, de mise en balance des avantages et inconvénients du projet, de commentaire sur les avis des personnes publiques associées et de réponse aux observations émises par la population ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que des modifications substantielles ont été apportées au projet de plan après l'enquête publique, nécessitant l'organisation d'une nouvelle enquête publique ;

- le classement en secteur UC3 de ses parcelles n'est pas en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- ce classement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne prend pas en compte la situation existante, notamment le caractère urbanisé du secteur et le permis de construire dont elle bénéficie, et entraîne l'application de règles de constructibilité excessivement contraignantes ;

- le classement d'une partie de ses parcelles en espaces verts protégés est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, en l'absence de motif écologique le justifiant, de caractère remarquable et d'inscription dans la perspective visuelle lointaine du vieux village ;

- le plan local d'urbanisme, en tant qu'il classe en zone N les zones identifiées par le plan de prévention des risques d'inondation comme soumises à un risque d'inondation, sans autoriser en parallèle les ouvrages et aménagements autorisées par ce plan en zone inondable, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, la commune de Saint-Paul-de-Vence, représentée par Me Euvrard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Nova E Properties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Gandet, représentant la société Nova E Properties.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 24 février 2020, le conseil municipal de la commune de Saint-Paul-de-Vence a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. La société Nova E Properties relève appel du jugement du 18 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. En premier lieu, le tribunal administratif, qui n'est pas tenu de se prononcer sur tous les arguments développés au soutien d'un même moyen, a répondu, au point 4 du jugement attaqué, au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis du commissaire enquêteur. Il a, par suite, pu, sans entacher sa décision d'irrégularité, écarter ce moyen sans évoquer spécifiquement l'argument soulevé en première instance par la société Nova E Properties, consistant à dire que le commissaire enquêteur n'a pas procédé à la " mise en balance des avantages et inconvénients du projet " de PLU.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Le tribunal administratif a répondu, de manière circonstanciée, au moyen tiré de ce que le projet de PLU avait été substantiellement modifié après l'enquête publique, aux points 9 à 16 de sa décision, en précisant, pour chacune des modifications invoquées par la société Nova E Properties, si celles-ci procédaient de l'enquête publique ou de l'avis des personnes publiques associées et si elles avaient eu pour effet de remettre en cause l'économie générale du projet. Par ailleurs, en renvoyant, pour écarter le moyen tiré de l'incohérence du classement d'une partie des parcelles appartenant à la société Nova E Properties en zone UC3 et en espaces verts protégés avec le projet de développement et d'aménagement durables (PADD) aux points 20, 21, 24, 29 et 30 du jugement, par lesquels il avait écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de ces classements, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse, dès lors qu'il avait, dans ces développements, mis en exergue la cohérence de ces classements avec le PADD et le rapport de présentation. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort des écritures de première instance que la critique de la société Nova E Properties dirigée contre le règlement applicable à la zone N était fondée sur son caractère plus restrictif, en termes de possibilités de construire, que les dispositions du règlement du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) applicable sur le territoire communal, soulignant son incompatibilité avec ce document. Par suite, les premiers juges ont pu, sans entacher leur jugement d'irrégularité, interpréter ce moyen comme tiré de l'incompatibilité entre ce règlement et le PPRI, moyen auquel ils ont répondu au point 26, et non d'une erreur manifeste d'appréciation commise par les auteurs du PLU.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la procédure d'élaboration du PLU :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. (...) Le rapport doit faire état des observations et propositions qui ont été produites pendant la durée de l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage. / Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics par voie dématérialisée sur le site interne de l'enquête publique et sur le lieu où ils peuvent être consultés sur support papier. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que, si celles-ci n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis.

8. Il ressort du rapport d'enquête publique que le commissaire enquêteur, après avoir présenté de façon détaillée le projet de révision et les objectifs poursuivis par la commune contenus dans le PADD, a recensé dans son rapport, d'une part, les observations des personnes publiques associées, les réponses apportées par la commune à ces observations avant de formuler un avis sur ces réponses, en particulier sur le maintien en zone constructible du secteur couvert par l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) de Bastide Rouge, dont il estime qu'il a perdu sa vocation agricole. Le commissaire enquêteur a, d'autre part, analysé les observations formulées par le public au cours de l'enquête, en les regroupant par thème (emprise des espaces verts protégés, zonages ou prescriptions prévues au règlement, OAP du Malvan et OAP Bastide Rouge), fait état des réponses apportées par la commune à ces observations et indiqué si celles-ci répondaient, de son point de vue, aux interrogations des habitants. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a émis, dans une présentation séparée, un avis favorable au projet, assorti de deux recommandations consistant à mettre en œuvre " l'examen des demandes de modification des tracés des EVP selon les critères avancés " et à " engager une concertation avec les propriétaires concernés par le périmètre de l'OAP Bastide Rouge afin d'améliorer le projet notamment en matière d'accessibilité et la prise en compte du bâti existant ", après avoir rappelé le déroulement de la procédure et son avis sur les réponses apportées par la commune aux observations du public. Il a, à cet égard, s'agissant des espaces verts protégés, indiqué qu'il convenait d'optimiser leurs tracés compte tenu des demandes exprimées dans le cadre de l'enquête publique et souscrit à la démarche présentée par la commune consistant à établir des critères pour définir ces espaces. S'agissant du zonage et du règlement du projet de plan, il a qualifié d'argumentées les réponses apportées par la commune afin de justifier les choix effectués, résultant de la nécessité d'établir de nouveaux équilibres répondant aux objectifs législatifs et au contexte communal et précisé que ces réponses n'appelaient pas de commentaire particulier de sa part. S'agissant de l'OAP de la Bastide rouge, il a indiqué que le principe d'anticipation de l'urbanisation de cette zone apparaissait pertinent et le choix retenu par la commune fondé tout en précisant que le projet n'apparaissait pas finalisé quant à la desserte du site et qu'il nécessitait un dialogue avec les propriétaires du périmètre concerné. S'agissant de l'OAP du Malvan, le commissaire-enquêteur a qualifié de fondée la position de la commune concernant la conception du projet dès lors qu'il permettait de répondre à l'obligation de réalisation de logements sociaux et prenait en compte le risque d'inondation. De manière plus globale, le commissaire-enquêteur qualifie de volontariste la démarche de la commune en matière de maîtrise de l'urbanisation de son territoire et de protection de l'environnement, tout en tenant compte des spécificités liées à son attractivité touristique. Le commissaire enquêteur, qui n'est pas tenu de répondre spécifiquement à chacune des observations formulées par le public, a ainsi rendu un avis motivé au regard des exigences posées par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 153-33 du code de l'urbanisme : " La révision est effectuée selon les modalités définies par la section 3 du présent chapitre relative à l'élaboration du plan local d'urbanisme. / (...) ". Aux termes de l'article L. 153-21 du même code : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'annexe à la délibération d'approbation du PLU, listant les corrections à apporter au projet à l'issue de l'enquête, que, contrairement aux assertions de la société Nova E Properties, les zones bleues et rouges du PPRI figuraient déjà sur les plans de zonage du dossier de PLU soumis à l'enquête publique. Si le règlement du PLU a été complété, s'agissant des clôtures, pour spécifier que les clôtures adjacentes aux cours d'eau situées en zone rouge ou bleue du PPRI doivent être ajourées de manière à laisser s'écouler l'eau d'amont en aval, une telle modification, qui résulte de l'avis du préfet des Alpes-Maritimes, ne porte pas, alors que le règlement prévoyait déjà que les clôtures ne devaient pas faire obstacle au libre écoulement des eaux, une atteinte à l'économie générale du projet. Il en va de même, eu égard à leur teneur, des ajouts, dans le rapport de présentation, de mentions visant à présenter le risque d'éboulement et le risque retrait-gonflement des argiles sur la commune, qui font suite aux observations de la même autorité et de la modification de l'article DG2.3 du règlement, à la demande de la communauté d'agglomération Sophia Antipolis (CASA) pour préciser que le règlement de gestion des eaux pluviales et de ruissellement de la CASA est annexé au PLU et que les autorisations d'urbanisme doivent le respecter, le traitement des eaux pluviales étant déjà strictement réglementé par le document d'urbanisme.

12. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la modification du règlement du PLU consistant à autoriser en zone urbaine la réhabilitation et l'extension des constructions à destination d'exploitation agricole fait suite à l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et du préfet des Alpes-Maritimes. Cette modification, mineure dès lors qu'elle ne vise que les constructions agricoles déjà existantes en zone urbaine, n'est pas de nature à " ouvrir plus d'espaces à l'urbanisation " comme le fait valoir la requérante et ne peut être regardée comme de nature à remettre en cause l'économie générale du projet de plan.

13. La limitation à 7 mètres au lieu de 9 mètres de la hauteur des constructions dans le sous-secteur UC1-r destiné à accueillir une opération de renouvellement urbain fait suite aux observations formulées par plusieurs habitants de la commune pendant l'enquête publique, s'inquiétant d'une trop forte bétonnisation du secteur et de la construction d'un nombre trop important de logements au risque de dégrader le lieu de vie. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette modification, qui concerne une zone d'une superficie très restreinte au regard de la superficie totale de la commune et ne fait pas obstacle au projet de renouvellement urbain, pour lequel le permis déposé prévoit au demeurant des constructions en R +1, serait de nature à remettre en cause l'économie générale du projet.

14. La modification apportée au règlement du PLU consistant à limiter à 30 % l'emprise au sol des constructions situées en zone UEp comprises dans le périmètre du PPRI fait suite à l'avis du préfet des Alpes-Maritimes rappelant l'absence de compatibilité avec le PPRI de l'emprise initialement prévue de 50 %. Cette modification, qui porte sur une zone de superficie limitée, et qui consiste à reprendre les préconisations d'un document opposable aux autorisations d'urbanisme, ne peut être regardée comme de nature à remettre en cause l'économie générale du projet.

15. La modification du règlement du plan local d'urbanisme consistant à réduire, en zone A, de 35 à 25 mètres le rayon dans lequel peuvent être implantées des annexes aux bâtiments d'habitation, qui résulte des avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et du préfet des Alpes-Maritimes n'est pas, eu égard à sa teneur, de nature à remettre en cause l'économie générale du projet.

16. Il résulte de ce qui précède que les modifications apportées au projet à l'issue de l'enquête publique, prises séparément ou ensemble, ne remettent pas en cause l'économie générale du projet. Le moyen tiré de la nécessité de procéder à une nouvelle enquête publique doit donc être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne le classement en zone UC3 des parcelles cadastrées section BB n° 178 et 180, et d'une partie des parcelles cadastrées section BB n° 106 et 107 :

17. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, d'une part : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

18. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

19. Aux termes de l'article R. 151-9 du code de l'urbanisme, d'autre part : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. "

20. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

21. Selon règlement du PLU, la zone UC correspond " aux quartiers d'habitat périphérique du vieux village " et comprend " trois secteurs UC1, UC2 et UC3 de densités différentes ". La zone UC3 correspond " aux secteurs d'habitat individuel moins denses situés notamment au nord du territoire (...) ainsi que sur le versant est du Malvan ".

22. Si le PADD du PLU de la commune prévoit, dans l'objectif n° 1 " maitriser et organiser le développement urbain " de l'orientation n° 2 intitulée " promouvoir un développement raisonné, cohérent et durable " de mobiliser les potentialités foncières et de privilégier la densification des quartiers à moindres enjeux en particulier au sud de la commune, où se situent les parcelles en litige, il prévoit également, dans ce même objectif n° 1, la necessité d'accompagner l'évolution des secteurs sensibles sur le plan paysager, et, dans l'objectif n° 2 " protéger les grands paysages et valoriser les perceptions paysagères " de l'orientation n° 1 intitulée " protéger et mettre en valeur le cadre naturel et paysager ", la nécessité d'éviter l'urbanisation des coteaux afin d'en limiter l'impact paysager et d'intégrer le bâti dans le paysage en prenant en compte les covisibilités depuis et vers le vieux village, en maintenant notamment des espaces de respiration sur les coteaux et une densité végétale participant à l'intégration du tissu bâti, et, enfin, la limitation des hauteurs sur les coteaux. Le rapport de présentation rappelle, quant à lui, que le secteur UC3 recouvre des quartiers au tissu urbain dominant lâche sur le versant ouest du Malvan et sur un espace aux restanques préservées au sud, dont les caractéristiques ne permettent pas d'envisager une densification et imposent une maitrise de l'urbanisation, compte tenu, notamment, de la présence de " corridors écologiques fragilisés à conforter " identifiés dans le PADD et d' " ambiances et enjeux paysagers majeurs liés aux covisibilités " justifiant une faible emprise au sol et un fort coefficient d'espaces verts.

23. Il ressort des pièces du dossier que le secteur UC3 dans lequel se situent les parcelles en litige, au sud du territoire communal, est peu densément bâti et qu'il comprend une forte proportion d'espaces verts. Les parcelles de la société requérante, composées, dans leur partie ouest, de coteaux et de restanques, sont vierges de toute construction et sont presque entièrement végétalisées, l'intéressée ne pouvant utilement, à cet égard, se prévaloir du permis de construire délivré sur ce tènement le 18 août 2014, qui n'avait pas été mis en œuvre à la date d'approbation du PLU, et dont le maire de Saint-Paul de Vence a, au demeurant, prononcé la caducité par un arrêté du 25 octobre 2019. Ce secteur est bordé, à l'est, le long du Malvan, par une bande de terre située en zone inondable et classée en zone naturelle et ne présente pas la même densité de constructions que les secteurs qui la bordent à l'ouest et au sud, classés en zone UC1, qui correspond à un tissu urbain plus marqué. Dans ces conditions, eu égard à leurs caractéristiques et à leur localisation, le classement des parcelles de la société Nova E Properties en zone UC3, dans laquelle les constructions sont autorisées, ne peut être regardé comme incohérent avec le PADD. Il n'est pas davantage, quand bien même il implique des règles de constructibilité plus strictes que celles antérieurement applicables, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'instauration d'espaces verts protégés sur la partie ouest des parcelles cadastrées section BB n° 178 et 180 :

24. Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. (...) ". Aux termes de l'article L. 151-23 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent ".

25. Il résulte des dispositions des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme citées au point précédent qu'elles permettent au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. Le règlement peut notamment, à cette fin, identifier un élément en raison de ses caractéristiques particulières. La localisation de la protection instituée, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

26. Aux termes de l'article DG4 6 " Espaces verts protégés au titre des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme " des dispositions générales du règlement du PLU de Saint-Paul-de-Vence : " Les espaces verts protégés (EVP), représentent des secteurs végétalisés ou à végétaliser qui doivent conserver ou mettre en valeur leur aspect végétal afin d'améliorer les transitions paysagères entre les espaces bâtis et non bâtis, de préserver des espaces de respiration et/ou de maintenir les continuités paysagères et écologiques. / Les prescriptions s'appliquant aux EVP identifiés dans le plan de zonage sont les suivantes : / - un maximum de 15 % de leur superficie peut faire l'objet d'une minéralisation liés aux aménagements extérieurs ne créant pas d'emprise au sol telle que définie dans le présent règlement à l'article DG2 2 (cheminement piétonnier, accès, allées, clôture...). Les piscines sont interdites. Dans ce cas, la surface minéralisée sera compensée par une surface équivalente d'espaces verts de pleine terre sur le terrain d'assiette ; / - au moins 85 % de leur superficie doit être maintenue végétalisée ; / - tout individu végétal de plus de 3 mètres de hauteur doit être conservé sur le terrain même ; / - un arbre de haute tige de 2 mètres de haut doit être planté pour chaque tranche de 20 m² de terrain impacté par une minéralisation en compensation ; / - sont autorisés les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou répondant à un intérêt collectif ; / - sont autorisés les aménagements nécessaires au fonctionnement des espaces verts publics. / Des exceptions peuvent être accordées pour l'aménagement d'espaces verts publics communaux dans le cadre d'un aménagement d'ensemble. ".

27. Ainsi qu'il a été dit au point 22 ci-dessus, il ressort du PADD que les auteurs du PLU ont pris pour parti d'aménagement de respecter la structuration historique de l'urbanisation en évitant l'urbanisation des coteaux afin d'en limiter l'impact paysager et d'intégrer les perceptions paysagères dans les réflexions urbaines et architecturales, notamment en maintenant des espaces de respiration sur ces coteaux. A cet égard, le rapport de présentation du PLU précise que la protection des espaces paysagers ou de nature qui structurent certaines compositions urbaines ou quartiers est opérée au moyen d'un classement en espèce verts protégés au titre des articles énoncés au point 24 et identifie le secteur où s'implantent les parcelles de la société requérante comme un espace peu bâti, où les restanques sont encore bien préservées et les coteaux protégés au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. Ces parcelles sont également incluses en secteur " fortement perçu " de la carte de synthèse des contraintes naturelles et environnementales figurant en page 155 du rapport de présentation et la commune fait valoir, sans être sérieusement contredite, qu'en dépit de la distance qui les sépare du vieux village, elles sont visibles depuis celui-ci compte tenu de la configuration du terrain. Si ces parcelles ne se situent pas dans la zone identifiée comme nécessitant la maitrise de l'urbanisation sur les côteaux et le maintien de zones de respiration ou dans un corridor écologique dans la carte associée à l'orientation n° 1 du PADD, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que le classement en litige serait incohérent avec le PADD qui vise, de manière générale, la protection des coteaux et éléments de paysage du territoire communal dans laquelle s'inscrit pleinement la protection ainsi instaurée. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, une telle protection n'est pas subordonnée à l'existence d'un motif écologique, mais seulement à l'existence d'un intérêt le justifiant.

28. Il ressort des pièces du dossier que la partie ouest des parcelles cadastrées section BB n° 178 et 180 s'inscrit dans une zone de coteaux débutant plus au nord et se poursuivant plus au sud et qu'elle comporte des restanques. La protection est limitée à la partie située en coteaux et les prescriptions prévues sur les zones concernées, certes contraignantes, autorisent néanmoins une minéralisation à hauteur de 15 % maximum de leur superficie pour la réalisation d'aménagements extérieurs ne créant pas d'emprise au sol, sous réserve d'une compensation par une surface équivalente d'espaces verts de pleine terre sur le terrain d'assiette. Dans ces conditions, quand bien même la végétation présente dans la zone ne présenterait aucun caractère remarquable et ne serait pas différente de celle présente sur l'autre partie des parcelles située en contrebas, la délimitation de ces éléments de paysage, leur surface et les prescriptions qui s'y appliquent ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs recherchés par les auteurs du PLU, rappelés au point 27. Par suite, ces derniers n'ont pas méconnu sur ce point les dispositions des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne les règles de constructibilité applicables en zone N :

29. Aux termes de l'article L. 151-43 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme comportent en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 562-4 du code de l'environnement : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 153-60 du code de l'urbanisme ".

30. Il ressort des pièces du dossier que la partie est des parcelles cadastrées section BB n° 106 et 107 et la totalité de la parcelle n° 209 appartenant à la société Nova E Properties, situées en zone rouge du PPRI sont classées en zone naturelle N, classement que l'intéressée ne conteste pas. Si elle fait valoir que le règlement du PLU ne permet pas de réaliser, en zone N, des ouvrages pourtant autorisés sous conditions par l'article IIII. 2 du règlement du PPRI, aucune disposition du code de l'urbanisme ne prévoit que le PLU doit être conforme ou même compatible avec un plan de prévention des risques.

31. Par ailleurs, si un plan de prévention des risques approuvé vaut servitude d'utilité publique, il ne fait pas obstacle à ce qu'un PLU définisse des règles de construction plus contraignantes dans une partie des zones qu'il couvre. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par les auteurs du PLU en prévoyant, en zone N, des règles de constructibilité plus restrictives que celles figurant dans le règlement du PPRI, ne peut qu'être écarté.

32. Il résulte de ce qui précède que la société Nova E Properties n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 février 2020 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul-de-Vence.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul-de-Vence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Nova E Properties sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nova E Properties une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Paul-de-Vence en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Nova E Properties est rejetée.

Article 2 : La société Nova E Properties versera à la commune de Saint-Paul-de-Vence la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nova E Properties et à la commune de Saint-Paul-de-Vence.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.

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N° 23MA03035

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