Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D..., née B..., a demandé, par une première requête enregistrée sous le n° 2203082, au tribunal administratif de Marseille d'homologuer le rapport d'expertise du Dr C... du 8 janvier 2022, et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM) à lui payer la somme de 272 892,44 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale à compter du 22 novembre 2019.
Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2205031, elle a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'AP-HM à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de provision, en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale à compter du 22 novembre 2019.
Par un jugement n° 2203082 et 2205081 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille, statuant par un même jugement joint sur les deux requêtes susvisées, a condamné l'AP-HM :
- à payer à Mme D... la somme de 113 367,05 euros en réparation des préjudices subis ainsi qu'à lui verser une rente annuelle de 141 212,29 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne engagés à compter de la mise à disposition du jugement ;
- à payer à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes la somme de 7 585,48 euros au titre des débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2022, ainsi que celle de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 715 euros, à la charge définitive de l'AP-HM.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 mars 2023, le 3 mai 2023 et le 2 novembre 2023, l'AP-HM, représentée par la SARL Le Prado et Gilbert, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2023 ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme D... et de la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes ;
3°) de rejeter l'appel incident de Mme D....
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier au regard des moyens dont le tribunal a été saisi ;
- Mme D... est irrecevable à solliciter, en appel, la somme de 325 062,24 euros, supérieure à celle de 272 892,44 euros demandée en première instance ;
- en allouant la somme de 113 367,05 euros ainsi qu'une rente annuelle de 141 212,29 euros, le tribunal a statué ultra petita ;
- le tribunal a méconnu le principe indemnitaire en capitalisant la rente allouée au titre de l'assistance par une tierce personne sur la base du prix de l'euro de rente viagère ;
- il y a lieu d'allouer, au titre des frais d'assistance par tierce personne, une somme capitalisée de 141 212,29 euros, en lieu et place d'une rente annuelle ;
- l'indemnisation des autres chefs de préjudices ne doit pas être majorée.
Par des mémoires, enregistrés le 15 juin 2023 et le 1er décembre 2023, Mme D..., représentée par la SELARL Tatarian Joureau, agissant par Me Tatarian, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2023 en ce qu'il a déclaré l'AP-HM responsable des conséquences dommageables de l'acte de ponction réalisé le 22 novembre 2019 ;
2°) de condamner l'AP-HM à réparer l'intégralité des préjudices subis par elle consécutifs à l'acte fautif ;
3°) de porter, en conséquence, la somme que l'AP-HM a été condamnée à lui payer par le jugement du tribunal à 272 892,44 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- si sa demande initiale en appel était régulièrement majorée par les arrérages échus de l'assistance par tierce personne à hauteur de 18 699 euros, elle limite cependant la somme totale sollicitée à celle de première instance ;
- l'AP-HM a commis une faute dans la réalisation de l'acte de ponction à l'origine de ses dommages séquellaires ; cet acte n'aurait pas dû être réalisé par un interne ; dès lors la responsabilité de l'AP-HM est engagée ;
- l'AP-HM a manqué à son devoir d'information ;
- l'indemnisation de ses préjudices s'élève aux sommes suivantes : 1 820 euros au titre des frais d'assistance à expertise, 14 427 euros à celui des frais d'assistance temporaire par tierce personne, 1 000 euros à celui des dépenses de santé futures, 148 163,35 euros à celui de l'assistance future par tierce personne, 19 392,89 euros à celui des frais d'adaptation de son logement, 2 338 euros à celui du déficit fonctionnel temporaire, 10 000 euros à celui des souffrances endurées, 1 000 euros à celui du préjudice esthétique temporaire, 45 000 euros à celui du déficit fonctionnel permanent, et 5 000 euros à celui du préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2023, la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, venant aux droits de la CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par Me Constans, demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a jugé bien-fondé dans son principe et dans son quantum son recours subrogatoire ;
- les débours définitivement exposés s'élèvent en effet à la somme de 7 585,48 euros, devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2022 ;
- elle avait droit au paiement de la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Tatarian, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. En 2010, Mme D..., née le 21 janvier 1935, a été opérée à la clinique Juge à Marseille pour la pose d'une prothèse totale de hanche droite. Les suites opératoires ont été marquées par l'apparition d'un syndrome douloureux et d'une tuméfaction justifiant, en 2012, le changement de cotyle et une ténotomie du psoas. A la suite de l'apparition de nouvelles douleurs, au niveau des aines droite et gauche, un électromyogramme (EMG), réalisé le 15 mars 2019, a conclu à une étude électrique des membres inférieurs normale. Le 13 septembre 2019, une échographie des hanches a mis en évidence l'existence d'une formation pseudo-nodulaire englobant le matériel prothétique. Le 22 novembre 2019, une ponction d'une masse péri-prothétique de la hanche droite, a été réalisée à l'institut hospitalier universitaire (IHU) méditerranéen, établissement dépendant de l'assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM). Les suites de cette intervention ont été marquées par des douleurs persistantes, un œdème du membre inférieur droit et un érythème de la jambe qui ne se sont pas améliorés malgré un traitement par antibiothérapie. La réalisation d'un EMG le 7 février 2020 a mis en évidence une atteinte axonale globale du nerf fémoral droit dans la région inguinale. A la suite de la remise, par le docteur C..., du rapport d'expertise diligentée par une ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 22 juin 2021, Mme D... a sollicité l'AP-HM à fin d'indemnisation de ses préjudices par courrier du 10 mars 2022. En l'absence de réponse de l'établissement de santé, Mme D... a demandé au tribunal de condamner l'AP-HM à l'indemniser des préjudices résultant de sa prise en charge médicale par cet établissement.
2. Par un jugement du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à payer à Mme D... la somme de 113 367,05 euros en réparation des préjudices subis ainsi qu'à lui verser une rente annuelle de 141 212,29 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne engagés.
3. L'AP-HM relève appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une rente annuelle à Mme D... et en ce qui concerne l'évaluation des préjudices de cette dernière. Par un appel incident, Mme D... demande à la cour de réformer ce jugement et de lui accorder une meilleure indemnisation de ses préjudices.
Sur le fond :
En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HM :
4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme D... présentait une formation pseudo-nodulaire englobant le matériel prothétique au niveau de la hanche droite qui a nécessité la réalisation d'une biopsie radioguidée réalisée à l'IHU méditerranéen le 22 novembre 2019. Cette ponction a été effectuée à proximité du nerf fémoral, ce qui est contraire aux règles de l'art, et a lésé ce nerf. Le rapport d'expertise constate en outre que l'électromyogramme ante opératoire réalisé le 15 mars 2019 montrait un nerf normal tandis que celui post opératoire réalisé le 7 février 2020 mettait en évidence une atteinte axonale globale du nerf fémoral droit sans signe de réinnervation. Le rapport d'expertise, qui n'est plus contesté en appel par l'AP-HM, établit ainsi, excluant tout autre cause expliquant la lésion du nerf fémoral droit, que l'erreur quant au site de ponction est la cause directe et certaine de l'atteinte très sévère de ce nerf qui a provoqué la paralysie du quadriceps droit de Mme D.... Cette erreur constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HM.
6. Il en résulte, que Mme D... est fondée à demander la réparation intégrale des préjudices résultant pour elle de la faute ainsi commise par l'AP-HM lors de l'intervention du 22 novembre 2019, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres manquements reprochés à l'AP-HM, dès lors qu'aucun préjudice résultant spécifiquement de ces manquements n'est invoqué.
En ce qui concerne les préjudices :
7. La date de consolidation de l'état de santé de Mme D... a été fixée par le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille à la date du 2 juin 2020, date du dernier électromyogramme ne montrant aucun signe de récupération et qui n'est plus contestée par l'AP-HM.
Quant aux préjudices patrimoniaux :
8. Mme D... demande le remboursement des frais qu'elle a engagés et dont elle justifie pour un montant de 1 020 euros au titre de l'assistance à expertise du docteur A... ainsi que de ceux engagés pour la réalisation d'une étude de ses préjudices par un ergothérapeute pour un montant de 800 euros. En vertu du principe de réparation intégrale du préjudice et dès lors que les frais ainsi engagés résultent entièrement du dommage subi, Mme D... a droit au remboursement de la somme de 1 820 euros dont elle s'est acquittée.
9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme D... a eu besoin d'une aide humaine 3 heures par jour entre le 27 novembre 2019 et le 2 juin 2020, exclusion faite des jours d'hospitalisation. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait perçu, au cours de cette période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ou même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. En revanche, l'intéressée ne démontre pas que le coût horaire de l'aide par une tierce personne devrait être fixé à 19 ou 20 euros. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 14 euros, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 8 913 euros au paiement de laquelle il y a lieu de condamner l'AP-HM.
10. Il résulte de l'instruction que l'état définitif de Mme D... rend nécessaire, depuis la consolidation de son état, son assistance dans les actes de la vie quotidienne à hauteur de 3 heures par jour. Le coût de l'assistance par une tierce personne pour la période du 2 juin 2020 au 31 décembre 2020 doit être calculé à partir d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait à 14 euros puis à 15 euros pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés. A partir du 1er janvier 2022 jusqu'au 31 décembre 2022, il doit être appliqué, pour une aide non spécialisée, le taux horaire de 22 euros fixé par l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Il y a lieu de déduire, sur cette période, celle du 20 juillet au 3 août 2022, durant laquelle Mme D... a été hospitalisée. Les taux horaires de 23 euros et de 23,50 euros doivent être appliqués respectivement pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 et du 1er janvier 2024 au 27 décembre 2024, conformément à l'arrêté du 30 décembre 2022 et au décret du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles. Du 1er au 10 janvier 2025, date de mise à disposition du présent arrêt, il y a lieu de retenir un taux horaire actualisé de 24 euros. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... aurait perçu, au cours de la période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ni même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 103 445,95 euros.
11. S'agissant des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable. S'agissant des frais d'assistance par tierce personne qu'exposera Mme D... à compter de la mise à disposition du présent arrêt, ceux-ci doivent être arrêtés sur la base des mêmes besoins que ceux fixés au point précédent, pour un tarif horaire de 24 euros, sur une durée annuelle de 365 jours. Pour cette période future, en application du barème de capitalisation 2022 au taux 0 publié par la Gazette du Palais et d'un coefficient de capitalisation de 5,113 pour une femme âgée de 89 ans, le préjudice subi par Mme D... au titre de l'assistance par tierce personne doit être évalué, à la somme de 134 369,64 euros. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il condamne l'AP-HM à payer à Mme D... une rente annuelle de 141 212,29 euros.
12. S'il résulte du rapport d'expertise que les séquelles définitives de Mme D... ont rendu nécessaire des travaux d'adaptation de la salle de bain du logement occupé par l'intéressée ainsi que l'acquisition d'un siège réhausseur. L'expert indique par ailleurs qu'il n'a pas pu visiter le logement de Mme D... et qu'une visite est indispensable pour détailler davantage les aménagements à prévoir. Mme D... produit le rapport réalisé par un ergothérapeute à sa demande, après visite des lieux, le 16 décembre 2021 dont les constats et préconisations d'aménagement du logement ont été retenus sur la base d'une analyse qui coïncident avec les constats dressés par le rapport d'expertise tant en ce qui concerne l'inadaptation de la salle de bain, que la nécessité d'acquérir un siège réhausseur. Ce rapport d'ergothérapie retient, en outre, la nécessité d'adapter les toilettes séparées résultant du handicap séquellaire de Mme D... de la même manière que celle concernant la salle de bain. Ce même rapport retient de la même manière la nécessité d'acquérir un siège rotatif pour permettre à Mme D... d'accéder au siège passager du véhicule de son époux. L'ensemble de ces travaux d'adaptation découle ainsi des dommages affectant Mme D... et doivent être indemnisés par l'AP-HM selon les montants des devis produits pour un montant total de 15 856,89 euros. En revanche, il ne résulte ni du rapport d'expertise, ni du rapport d'ergothérapie ni d'aucune autre pièce du dossier que les séquelles directement imputables à la faute médicale rendraient nécessaire l'acquisition d'un lit médicalisé.
13. Si Mme D... demande le paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dépenses de santé futures, des frais d'orthèse verrouillable dont la nécessité a été établie par le rapport d'expertise, elle n'établit cependant pas l'existence d'un reste à charge y afférent alors qu'il résulte des débours de la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes qu'elle a pris en charge ces frais d'appareillage futur à hauteur de 34,34 euros. Cette demande d'indemnisation doit donc être rejetée.
Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :
14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire de Mme D..., en lien direct et exclusif avec la faute de l'AP-HM, a été total du 23 au 26 novembre 2019. Son déficit fonctionnel temporaire a ensuite été partiel de 50 % du 27 novembre 2019 au 18 décembre 2019, puis de 30 % du 19 décembre 2019 au 1er juin 2020. Le préjudice subi, à ce titre, peut être évalué, sur une base de 500 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total, à la somme de 1 065,21 euros.
15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que
Mme D... a enduré des souffrances évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7 comprenant la douleur physique, en particulier liée aux plaies nerveuses mais également les souffrances psychiques et morales liées à la faute de l'AP-HM. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 3 619 euros.
16. Si l'expert a estimé que Mme D... avait subi un préjudice esthétique qu'il évalue à 1 sur une échelle de 1 à 7, compte tenu de l'usage indispensable d'une canne, toutefois, et en l'absence de tout autre élément, Mme D... n'établit pas qu'elle aurait subi temporairement une altération majeure de son apparence physique. Par suite, la demande faite au titre de l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être rejetée.
17. L'expertise judiciaire a évalué le taux de déficit fonctionnel permanent à 30 % correspondant aux séquelles des lésions du nerf fémoral droit qui entraînent de manière définitive, pour Mme D... la paralysie de son quadriceps droit et un syndrome dépressif en lien exclusif avec la faute dont elle a été victime. Eu égard à ce taux et à son âge à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 35 000 euros.
18. Le rapport d'expertise admet l'existence d'un préjudice d'agrément résidant dans la perte, pour Mme D..., de sa vie relationnelle et de l'absence de sorties. Il résulte en outre du rapport d'ergothérapie analysé au point 12 du présent arrêt ainsi que des attestations de proches produits par Mme D... que cette dernière, malgré son âge avancé, était physiquement particulièrement active avant l'intervention du 22 novembre 2019, et qu'elle vit désormais quasiment exclusivement dans son logement, notamment sans pouvoir se promener quotidiennement avec son époux. Son préjudice d'agrément peut, dans ces conditions, être fixé à 1 000 euros.
19. Il résulte du rapport d'expertise que Mme D... subit un préjudice esthétique permanent évalué à 1 sur 7 en raison de l'usage nécessaire d'une canne. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
20. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation des préjudices subis par Mme D... doit être évaluée à la somme totale de 306 089,69 euros. L'AP-HM sera condamnée à indemniser les préjudices subis par Mme D... dans la limite du montant total que cette dernière réclame, soit 272 892,44 euros.
Sur les débours de la caisse commune de sécurité sociale des
Hautes-Alpes :
21. L'état des débours engagés par la caisse commune de sécurité sociale des
Hautes-Alpes et l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil du 15 novembre 2022 établissent que la caisse a engagé des frais hospitaliers du 23 au 26 novembre 2019 pour un montant total de 5 784 euros, des frais médicaux du 30 décembre 2019 au 8 décembre 2020 pour un montant de 181,73 euros, des frais pharmaceutiques du 4 décembre 2019 au 3 février 2020 pour un montant de 45,33 euros, des frais d'appareillage du 6 février au 9 juin 2020 pour un montant de 34,34 euros, des frais de franchise à déduire du 30 décembre 2019 au 15 mai 2020 pour un montant de 15,50 euros et, postérieurement à la date de la consolidation, des frais médicaux et pharmaceutiques le 8 décembre 2020 pour un montant de 190,94 euros, de frais d'appareillage les 3 et 9 juin 2020 pour un montant de 1 225,76 euros et des frais de transport pour se rendre à un examen médical (EMG) imputable, le 8 décembre 2020 pour un montant de 138,88 euros. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a condamné l'AP-HM à payer à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes la somme de
7 585,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement du mémoire de première instance du 27 juillet 2022.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
22. Compte tenu du montant du remboursement obtenu, les premiers juges ont fait une exacte application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale en mettant à la charge de l'AP-HM la somme de 1 162 euros à verser à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les dépens :
23. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 715 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 3 février 2022 sont laissés à la charge définitive de l'AP-HM.
Sur les frais d'instance :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il condamne l'AP-HM au paiement d'une rente annuelle de 141 212,29 euros.
Article 2 : La somme de 113 367,05 euros que l'AP-HM a été condamnée à payer à Mme D... par l'article 1er du jugement du jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille est portée à 272 892,44 euros.
Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 715 euros sont laissés à la charge définitive de l'AP-HM.
Article 4 : Le jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, à Mme E... D... née B... et à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes.
Copie en sera adressée au docteur C....
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme C. Fedi, présidente de chambre,
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure,
- M. J. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
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N° 23MA00781