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10/01/2025 | FRANCE | N°24MA00162

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 10 janvier 2025, 24MA00162


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.



Par un jugement n° 2302400 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par

une requête, enregistrée le 24 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Ben Hassine, demande à la Cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2302400 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Ben Hassine, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 21 juin 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas lui appliquer les stipulations de l'article 10-1 a) de l'accord franco-tunisien ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- le préfet ne pouvait pas lui appliquer les stipulations de l'article 10-1 a) de l'accord franco-tunisien ;

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet du Var, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chenal-Peter.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité tunisienne, né le 25 août 1994, demande l'annulation du jugement du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du préfet du Var du 21 juin 2023 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal n'a pas répondu au moyen du requérant, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet aurait, à tort, examiné sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 10-1 a) de l'accord franco-tunisien. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et doit, par suite, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 10 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du formulaire de demande de titre de séjour du 9 septembre 2022, que M. A..., qui a épousé Mme B..., de nationalité française le 5 août 2022, a sollicité auprès des services de la préfecture du Var la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français. Pour rejeter sa demande, le préfet du Var s'est fondé, dans l'arrêté contesté, sur le fait qu'il ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour d'une durée de dix ans sur le fondement des stipulations de l'article 10-1 a) de l'accord franco-tunisien, ne pouvant justifier ni de la date d'entrée sur le territoire français, ni de sa régularité. Il est constant que M. A..., qui ne séjourne ainsi pas sur le territoire français de façon régulière, ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.

7. Par ailleurs, l'arrêté préfectoral en litige vise les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que M. A... ne justifie pas de la régularité de son entrée en France. Dans ces conditions, le préfet doit être regardé comme ayant également considéré que le requérant ne justifiait pas du visa de long séjour nécessaire pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit ou de fait en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. M. A..., qui déclare être entré irrégulièrement en France en 2010, et qui ne produit que quelques pièces, très peu nombreuses, constituées essentiellement d'attestations de déplacement dérogatoire durant les horaires de couvre-feu, de factures et d'avis d'imposition ne mentionnant aucun revenu, ne justifie pas de sa présence habituelle sur le territoire français, même depuis l'année 2020. Si l'intéressé se prévaut de ce qu'il a épousé, le 5 août 2022, une ressortissante française, cette union était très récente à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, si certains membres de la famille du requérant, dont son père et un de ses frères, résident en France, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel résident encore deux de ses frères. Enfin, les éléments qu'il produit, à savoir une promesse d'embauche du 1er septembre 2023, un contrat de travail à durée indéterminée et des bulletins de salaire postérieurs à la date de l'arrêté attaqué, ne sont pas de nature à établir une intégration professionnelle durable et stable sur le territoire. Dans ces conditions, le préfet du Var n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 juin 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte du requérant.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2302400 du 19 décembre 2023 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. A... ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2025.

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N° 24MA00162

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00162
Date de la décision : 10/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BEN HASSINE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-10;24ma00162 ?
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