Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... épouse A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2301739 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024, Mme D... épouse A... C..., représentée par Me Toucas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 2 mai 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans les conditions fixées par l'article 112 du décret du 28 décembre 2020.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prévoient pas de condition relative à la régularité de l'entrée et du séjour de l'étranger en France ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-2 du même code, qui ne prévoient pas de condition relative à la régularité du séjour de l'étranger en France ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle remplit les conditions posées par les articles L. 423-1 et L. 423-2, que son entrée en France a été régulière et que les dates retenues par le préfet sur ce point sont erronées ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à celui de son époux.
La requête a été transmise au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... épouse A... C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- et les observations de Me Toucas, représentant Mme D... épouse A... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse A... C..., ressortissante marocaine née en 1969, relève appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2023 du préfet du Var refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Aux termes de l'article L. 423-1 du même code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
3. Aux termes de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en juillet 2019, date alléguée par la requérante de son entrée en France, et dont les dispositions ont été reprises à compter du 1er mai 2021 à l'article R. 621-2 du même code : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ". L'article L. 531-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur et dont les dispositions ont été reprises à compter du 1er mai 2021 aux articles L. 621-2 et L. 621-3, mentionne la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990. Aux termes de l'article 22 de cette convention : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante,
soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Enfin, l'article R. 212-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur en juillet 2019 et dont les dispositions ont été reprises à compter du 1er mai 2021 à l'article R. 621-4, dispose que : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse n'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français : / 1° S'il n'est pas assujetti à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Ou s'il est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, qui a été délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) ". La souscription de la déclaration d'entrée sur le territoire français prévue par ces dispositions est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
4. Il ressort des pièces du dossier que le 27 février 2021 à La Seyne-sur-Mer, Mme D... a contracté un mariage avec M. A... C..., de nationalité française.
5. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour retenir que la requérante ne pouvait pas prétendre au bénéfice d'un titre sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Var s'est fondé d'une part sur l'absence de preuve d'une entrée régulière en France et d'autre part sur l'absence de communauté de vie de Mme D... avec son époux. D'une part, il n'en ressort pas que le préfet aurait opposé l'absence de séjour régulier de l'intéressée en France. D'autre part, la requérante soutient être entrée régulièrement en France " début juillet 2019 ", via l'Espagne et sous couvert d'un visa délivré par les autorités espagnoles valable dans l'espace Schengen du 28 mars au 31 juillet 2019. S'il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en Espagne en provenance du Maroc le 9 avril 2019 munie du visa D précité, elle n'établit cependant pas la date exacte de son entrée en France et notamment pas une date antérieure à celle de l'expiration de la validité de son visa. En tout état de cause, comme l'ont à bon droit retenu les premiers juges, à supposer même que Mme D... soit entrée en France depuis l'Espagne avant le terme de son visa, elle n'établit ni même n'allègue avoir souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français, qui conditionnait la régularité de son entrée sur le territoire dès lors qu'elle était soumise à l'obligation de visa et qu'elle provenait directement d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été titulaire d'un titre de séjour en cours de validité d'une durée supérieure ou égale à un an lorsqu'elle est entrée sur le territoire français, qui l'aurait dispensée de l'obligation de souscrire cette déclaration d'entrée. Enfin, le récépissé de demande de carte de séjour qui lui a été délivré par le préfet du Var le 13 avril 2023, qui se borne à constater le dépôt d'une telle demande et précise qu'il n'est " valable qu'accompagné du document n° AN6346064 valable du 27/02/2018 au 27/02/2023 ", ce qui renvoie au passeport marocain de l'intéressée, ne signifie pas que cette dernière aurait été titulaire d'un titre de séjour sur le territoire français entre les 27 février 2018 et 27 février 2023, ni ne démontre la régularité de son entrée sur le territoire français. Il en résulte que Mme D... épouse A... C... ne pouvait être regardée comme remplissant la condition d'entrée régulière sur le territoire français posée par l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'était pas non plus titulaire du visa de long séjour prévu par l'article L. 412-1 de ce code.
6. S'il n'avait retenu que ce motif qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, justifiait légalement la décision en litige, le préfet du Var aurait pris la même décision. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur le motif fondé sur l'absence de communauté de vie entre la requérante et son époux.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. La communauté de vie de Mme D... avec son époux de nationalité française est établie au moins à compter du mois de septembre 2020. Toutefois, d'une part, la requérante n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine pour la durée nécessaire à l'obtention d'un visa de long séjour auprès des autorités consulaires. D'autre part, la requérante ne fait état d'aucune insertion sociale ou professionnelle en France et ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'elle sollicitait et en l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, le préfet du Var n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni à celui de son époux une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de Mme D....
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 2 mai 2023. Ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
ORDONNE :
Article 1 : La requête de Mme D... épouse A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse A... C..., à Me Toucas et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme C. Fedi, présidente de chambre ;
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure ;
- M. J. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2025.
N° 24MA012102