Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Par un jugement n° 2307428 du 22 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024, M. B..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa demande, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, cette dernière pourra être liquidée dans un délai de trois mois et une nouvelle astreinte fixée, et la délivrance dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il mentionne qu'il a vécu jusqu'à l'âge de ses 28 ans dans son pays d'origine, alors qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de ses 18 ans ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne tout particulièrement l'absence d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa présence stable et continue sur le territoire, de son insertion socio-professionnelle et de ses liens personnels et familiaux ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle se fonde sur l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est incompatible avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chenal-Peter.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité comorienne, né le 17 juin 1990, relève appel du jugement du 22 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par le requérant, ont répondu de manière suffisamment précise aux moyens soulevés par le requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.
3. En second lieu, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leurs étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont ils sont saisis dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur de fait qu'aurait commis le tribunal, pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. D'une part, la décision contestée vise notamment les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles elle a été prise, mais également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit. D'autre part, cette décision comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement, en particulier les conditions dans lesquelles le requérant est entré sur le territoire et les éléments relatifs à sa vie privée et familiale, ainsi qu'à son insertion socio-professionnelle en France. Dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé sa décision.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B..., qui déclare être entré sur le territoire le 22 juin 2008 à l'âge de dix-huit ans et y résider continuellement depuis, n'établit pas le caractère habituel de son séjour, notamment s'agissant des années 2016 à 2023 pour lesquelles les pièces qu'il verse au débat, trop peu nombreuses et peu diversifiées, sont constituées essentiellement de factures, de courriers, de pièces médicales et de quelques documents bancaires. Par ailleurs, si le requérant, célibataire, est le père d'un enfant né le 10 janvier 2022, résidant en France avec sa mère, également de nationalité comorienne, il n'est pas contesté que cette dernière réside irrégulièrement en France et n'a donc pas vocation à rester sur le territoire français. En tout état de cause, M. B... ne justifie pas participer à l'entretien et l'éducation de son fils comme il le soutient. En outre, si le requérant se prévaut de la présence en France de son père chez qui il réside, ainsi que de sa belle-mère et ses demi-frères et sœurs, ainsi que de sa sœur, tous de nationalité française, il n'est pas dépourvu de toute attache aux Comores, où résident encore sa mère et un de ses frères. Enfin, si M. B... a suivi plusieurs formations, un stage linguistique, ainsi que des ateliers d'alphabétisation et justifie avoir travaillé au mois d'octobre 2013, puis du 20 juillet 2015 au 22 août 2015, ces éléments sont insuffisants pour caractériser une insertion socio-professionnelle durable sur le territoire français, alors qu'au demeurant, il a fait l'objet de quatre mesures d'éloignement en 2011, 2013, 2019 et 2020 qu'il n'a pas exécutées. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'est substitué aux dispositions de l'article L. 511-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". Ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs définis par le paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier, aux termes duquel : " les décisions de retour (...) indiquent leurs motifs de fait et de droit (...) " dès lors que la motivation en fait de la décision de refus de séjour suffit à assurer la motivation en fait de l'obligation de quitter le territoire français qui s'en infère. Le requérant n'est donc, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent la base légale de l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire devraient être écartées.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il avait sollicité comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Sa décision portant obligation de quitter le territoire français, qui fait suite à cette décision de refus de titre de séjour et qui a été ainsi prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas, en application des dispositions précitées, à faire l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit également être écarté.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ne peut qu'être écarté.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. B... doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Coulet-Rocchia.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2025.
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N° 24MA00773
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