Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2307670 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 janvier et 26 mars 2024, Mme B... épouse C..., représentée par Me Vaknin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an avec autorisation de travailler, au besoin sous astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur matérielle.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau ;
- les observations de Me Vaknin, représentant Mme B... épouse C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante tunisienne née le 31 mai 1971, a sollicité, le 6 décembre 2022, son admission au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 21 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Celle-ci relève appel du jugement du 7 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.
2. L'arrêté du 21 juillet 2023 vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Il fait état de ce que Mme B... épouse C... est entrée en France le 18 octobre 2022 sous couvert d'un visa de court séjour et s'y est maintenue continuellement depuis. Il précise la situation privée et familiale de l'intéressée en indiquant qu'elle ne justifie pas de l'ancienneté et la stabilité des liens personnels et familiaux en France, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales en Tunisie où réside son époux et où elle y a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans et qu'après examen de l'ensemble de sa situation, elle ne fait valoir aucun motif exceptionnel ni considérations humanitaires. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, et alors que le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de mentionner de manière détaillée l'ensemble des circonstances de fait relatives à la situation de la requérante, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. Il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... épouse C....
4. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Si la requérante soutient qu'elle est arrivée en 1974 en France à l'âge de trois ans et a été scolarisée entre 1974 et 1978 et si elle justifie de la présence en France de ses parents, de neuf frères et sœurs de nationalité française, de deux enfants majeurs en situation régulière et de sa fille mineure, elle a, selon ses propres déclarations, quitté la France en 1991, à l'âge de vingt ans, et a résidé en Tunisie jusqu'à l'âge de 51 ans, avant de solliciter son admission au séjour en décembre 2022. Elle n'établit pas, par ailleurs, avoir perdu toute attache dans son pays d'origine, où vit notamment son époux et père de sa fille, et dont aucune des pièces du dossier ne permet d'établir qu'elle serait séparée. En outre, elle n'établit pas suffisamment une intégration dans la société française par les seules circonstances que sa fille mineure est scolarisée en France depuis 2020, qu'elle s'est rendue, alors qu'elle résidait en Tunisie, à plusieurs reprises en France pour voir sa famille, qu'elle est hébergée chez ses parents à Marseille depuis octobre 2022 et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche au demeurant postérieure à l'arrêté querellé. La requérante n'apporte pas davantage d'élément probant attestant que sa fille ne pourrait poursuivre sa scolarité dans des conditions normales en Tunisie. Enfin, les pièces produites, telles que des factures téléphoniques, relevés de compte bancaire et documents médicaux, dont la plus ancienne date de novembre 2022, viennent corroborer le caractère très récent de sa présence habituelle en France. Dans ces circonstances, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... épouse C... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs et à supposer que le moyen soit soulevé, le préfet n'a pas entaché cet arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025.
N° 24MA00020 2
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