Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... J... et Mme O... P..., M. L... B..., M. D... H... et Mme I... H..., M. G... E... et Mme M... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le maire de la commune de Noves a délivré à M. R... et Mme F... un permis de construire une maison individuelle R+1 avec garage sur un terrain situé Draille de la Paoune à Noves et cadastré section AD n° 75 (p).
Par un jugement n° 1903144 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a donné acte du désistement de M. L... B..., de M. G... E... et de Mme M... E... et a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 août 2023 et le 24 octobre 2024, M. C... J... et Mme O... P..., représentés par Me Guin, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 du maire de Noves ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Noves, de M. K... et Mme Q... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le plan d'occupation des sols de la commune étant devenu caduc le 26 mars 2017 en application de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme, le maire devait recueillir l'avis conforme du préfet en application de l'article L. 422-5 du même code ; si l'arrêté litigieux précise qu'un avis tacite conforme est intervenu, des pièces complémentaires ont été fournies à la commune le 11 décembre 2018 ; faute de préciser à quelle date le préfet a été saisi permettant de déterminer s'il l'a été sur la base d'un dossier complet, l'arrêté doit être regardé comme ayant été pris par une autorité incompétente ;
- le permis de construire litigieux a été délivré en méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme dès lors que la Draille de la Paoune desservant la parcelle d'assiette du projet est un chemin de terre d'environ 2,5 à 3 mètres de large qui n'a jamais été élargi en application de la servitude existante sur la parcelle cadastrée section AD n° 75 et se termine en impasse, sans aire de retournement, avec un point de jonction dangereux avec la route départementale dite d'Eyragues ; la desserte est donc insuffisante ;
- il méconnaît également les articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l'urbanisme dès lors que le projet s'insère dans une zone d'urbanisation diffuse ;
- il méconnaît encore l'article L. 421-6 du même code en l'absence d'autorisation de procéder à une division foncière en vue de bâtir, la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable qu'ont obtenue M. K... et Mme Q... le 20 mai 2018 ayant été annulée par un jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1803956 du 8 mars 2021 devenu définitif ;
- il méconnaît les articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l'urbanisme dès lors que le classement prévu en zone N du projet de plan local d'urbanisme (PLU) en cours d'approbation n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, le maire de Noves ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer en application de l'article L. 153-11.
- l'arrêté litigieux méconnaît enfin l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet est exposé à un risque d'incendie, la Draille de la Paoune n'étant pas adaptée à la circulation des engins de lutte contre l'incendie et aucun moyen de défense anti-incendie n'existant à moins de 200 mètres de la parcelle du projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2024, la commune de Noves, représentée par Me Niquet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2024 et le 5 novembre 2024, M. N... K..., représenté par Me Bounnong, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge des appelants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel, enregistrée au-delà du délai fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, est tardive ;
- la requête est également irrecevable faute de critique du jugement attaqué ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires distincts, enregistrés le 9 août 2024 et le 5 novembre 2024, M. N... K... demande la condamnation de M. J... et Mme P... à lui verser les sommes de 50 000 et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation respectivement de ses préjudices économique et moral en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'absence de critique du jugement attaqué et la reprise en appel de l'argumentation développée en première instance révèlent le comportement abusif des appelants.
Il demande également la suppression du passage à caractère outrageant et diffamatoire contenu dans le mémoire des appelants du 1er octobre 2024 commençant par " En sixième lieu (...) " jusqu'à " comme l'illustre parfaitement la présente procédure ".
Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2024, les appelants concluent au rejet de cette demande et que soit mise à la charge de M. K... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que leur demande d'annulation du permis de construire litigieux ne caractérise aucun abus.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Guin, représentant M. J... et Mme P..., celles de Me Bounnong, représentant M. K..., et celles de Me Niquet, représentant la commune de Noves.
Une note en délibéré a été présentée le 21 mars 2025 pour M. K... et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 février 2019, le maire de Noves a délivré à M. R... et à Mme F... un permis de construire une maison individuelle en R+1 avec garage sur un terrain situé Draille de la Paoune à Noves et cadastré section AD n° 75 p, lequel a été transféré à M. K..., propriétaire dudit terrain, par un arrêté du maire du 14 août 2019. M. J... et Mme P... relèvent appel du jugement du 20 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " (...) le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) " Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " Aux termes de l'article 642 du code de procédure civile : " (...) Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le pli contenant le jugement a été présenté pour la première fois au domicile de M. et Mme J... le 26 juin 2023. Le délai d'appel à son encontre expirait donc, au plus tôt, le 27 août 2023, qui était un dimanche, et a donc été prorogé à la date du 28 août 2023 à laquelle la requête a été enregistrée, qui n'est donc pas tardive.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) "
5. Contrairement à ce que fait valoir M. K..., la requête d'appel ne se borne pas à reprendre ses écritures de première instance et comporte notamment, une critique de la régularité du jugement attaqué et de l'appréciation à laquelle ont procédé les premiers juges des moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté litigieux en première instance. Cette fin de non-recevoir doit donc également être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". L'article L. 111-3 interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées "en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors des cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.
7. Il est constant qu'à la date à laquelle le permis de construire litigieux a été délivré, la commune de Noves n'était pas couverte par un document d'urbanisme, le plan d'occupation des sols approuvé le 30 janvier 1986 étant devenu caduc le 26 mars 2017 en application des articles L. 174-1 et L. 174-3 du code de l'urbanisme et sa révision sous la forme d'un plan local d'urbanisme prescrite par une délibération du 21 octobre 2008 n'étant pas encore approuvée, et que s'appliquait dès lors les dispositions du règlement national d'urbanisme, dont celles de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle sur laquelle doit s'édifier le projet litigieux se situe dans une zone que ce plan d'occupation des sols classait en zone naturelle constructible autorisant les constructions nouvelles à condition que les parcelles soient d'une surface minimale de 4 000 m². Au demeurant, cette parcelle n'était pas desservie par le réseau d'assainissement collectif. Il en ressort également, ainsi que du site Géoportail, accessible tant au juge qu'aux parties, que, du fait de cette exigence, ce secteur est caractérisé par une urbanisation diffuse, et est par ailleurs distant du centre de la commune de plus d'un kilomètre, en en étant séparé par le grand Anguillon. Si M. K... se prévaut de la proximité du lotissement dénommé " la Tuilerie ", lequel est également séparé du centre de la commune par cette rivière, sa parcelle en est distante de plus de deux cents mètres et se trouve quasi en piémont du massif du Rougadou. La circonstance que le maire aurait accordé de nombreux de permis de construire dans ce secteur, entre la date de caducité du plan d'occupation des sols et celle d'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme, qui n'est au demeurant pas établie dès lors que seules cinq parcelles sont concernées, dont deux à proximité de la sienne, est sans incidence, de même que, compte tenu des permis délivrés pendant la période durant laquelle le règlement national d'urbanisme était applicable, le fait que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, dans un courrier du 23 février 2018 adressé au maire de Noves, revenir sur l'avis défavorable émis sur la demande de permis de construire d'une parcelle voisine en raison de ce qu'elle aboutissait à étendre les parties actuellement urbanisées de la commune. Enfin, M. K... ne peut sérieusement soutenir que sa parcelle constituerait une dent creuse, alors qu'elle supporte déjà sa maison d'habitation. Les appelants sont ainsi fondés à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à son annulation.
8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.
Sur l'application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
9. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce (...) ". Selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux (...) ".
10. Le vice affectant le permis litigieux, qui résulte de la localisation même du projet au sein d'une partie de la commune de Noves qui n'est pas urbanisée au sens de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, et n'est pas susceptible de faire l'objet d'une régularisation. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Il résulte de ce qui précède que M. J... et Mme P... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 du maire de Noves ainsi que celle du jugement du jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2023.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation de M. K... :
11. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. "
12. Il ne résulte pas de l'instruction que l'exercice de son droit au recours par M. J... et Mme P... contre le permis délivré à M. R... et à Mme F... et transféré à M. K... relève d'un comportement abusif de la part des appelants. En tout état de cause, l'annulation de l'arrêté attaqué s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par le M. K... sur le fondement de ces dispositions. Ses conclusions doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions de M. K... tendant à la suppression de passages injurieux, outrageants ou diffamatoires :
13. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
14. Le passage dont la suppression est demandée par M. K... n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. K... et de la commune de Noves respectivement une somme totale de 500 euros à verser à M. J... et Mme P... en application de ces dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à leur charge, dès lors qu'ils ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. K... et la commune de Noves sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 13 février 2019 du maire de la commune de Noves sont annulés.
Article 2 : M. K... et la commune de Noves verseront chacun à M. J... et Mme P... pris ensemble une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. K... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et des articles L. 741-2 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Noves sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. C... J... et Mme O... P..., à, à M. N... K..., à Mme S... Q..., à M. F... R..., à Mme A... F..., à la commune de Noves et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Copie en sera adressée au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Tarascon.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.
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N° 23MA02236
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