Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée NGE Génie Civil, la société par actions simplifiée EHTP et la société par actions simplifiée à associé unique NGE Fondations ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement la régie Eau d'azur et la Société du canal de Provence à leur verser la somme de 4 397 872,62 euros hors taxes, ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire aux fins de déterminer les causes de la désorganisation du chantier, les quantités réellement mises en œuvre par le groupement, les causes ayant justifié la réalisation de travaux supplémentaires et les conséquences dommageables en découlant pour le groupement, et en chiffrer le coût.
Par un jugement n° 1904345 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nice a condamné la régie Eau d'azur à verser une somme de 15 770,49 euros hors taxes aux sociétés NGE Génie Civil, EHTP et NGE Fondations, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2024, et un mémoire enregistré le 5 juillet 2024, les sociétés NGE Génie Civil, EHTP et NGE Fondations, représentées par Me Pietra, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il leur fait grief ;
2°) de condamner la régie Eau d'azur à leur payer la somme totale de 3 084 305,81 euros hors taxes, dont 61 963 euros au titre de la modification des hypothèses foncières et 2 930 943,50 euros au titre de la " sécurisation du planning " ;
3°) de condamner la Société du canal de Provence à leur payer la somme totale de 1 404 965,84 euros hors taxes, dont 91 399,31 euros hors taxes au titre des quantités réellement mises en œuvre et 1 313 566,53 euros hors taxes au titre des prix nouveaux liés aux travaux supplémentaires ;
4°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise ;
5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la régie Eau d'azur la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges auraient dû prescrire une expertise ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le projet souffrait d'une insuffisance d'études préalable et de défauts de conception ;
- ces défauts engagent la responsabilité du maître d'œuvre ;
- elles avaient droit au paiement des quantités réellement mises en œuvre ;
- elles sont fondées à engager la responsabilité du maître d'œuvre à ce titre ;
- les travaux résultant de la modification des hypothèses foncières doivent être payés ;
- les études géotechniques et la reconnaissance du terrain étaient insuffisantes ;
- ces défauts engagent la responsabilité extracontractuelle du maître d'œuvre ;
- elles ont dû sécuriser le planning ;
- elles ont droit à la rémunération des prestations supplémentaires réalisées à cette fin ;
- les pénalités de retard ne pouvaient lui être infligées ;
- subsidiairement, il y a lieu de prescrire une expertise.
Par deux mémoires en défense et en appel incident, enregistrés le 29 mai 2024 et le 29 août 2024, l'établissement public à caractère industriel et commercial Eau d'azur, représenté par la SELARL d'avocats Symchowicz, Weissberg et Associés, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a partiellement rejeté les demandes des sociétés appelantes ;
2°) de le réformer en tant qu'il a fait partiellement droit à ces demandes ;
3°) de mettre à la charge des sociétés appelantes la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une expertise est inutile ;
- les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés ;
- c'est à tort qu'il a été fait partiellement droit à la demande de première instance.
Par une lettre en date du 10 juin 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 31 décembre 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er juillet 2024.
Par ordonnance du 13 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Connaissance prise du mémoire enregistré le 19 mars 2025, présenté pour la société anonyme du canal de Provence, par Me Rouillier, postérieurement à la clôture de l'instruction, et non communiqué.
Vu :
- la décision du 6 février 2025 par laquelle le président de la Cour a désigné Mme Anne-Laure Chenal-Peter présidente par intérim de la 6ème chambre ;
- les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Nouis pour les sociétés appelantes, de Me Rosso pour la régie Eau d'azur et celles de Me Rouillier pour la Société du canal de Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Par contrat conclu le 22 septembre 2016, modifié par trois avenants, le régie Eau d'azur, établissement public à caractère industriel et commercial exploitant pour le compte de la métropole Nice Côte d'Azur le service public de l'adduction d'eau potable, a confié à un groupement momentané d'entreprises constitué des sociétés NGE Génie Civil, EHTP et NGE Fondations, moyennant un prix estimatif de 3 754 279,27 euros hors taxes, un marché public de travaux à prix unitaires ayant pour objet la réhabilitation et le confortement du tunnel de la Roquette du Var, qui assure l'alimentation en eau de l'agglomération niçoise, sous maîtrise d'œuvre de la Société du canal de Provence. Ce marché comportait également deux tranches conditionnelles, portant, d'une part, sur le démantèlement de l'aqueduc de Roche Abeï, et, d'autre part, sur la mise en place d'un pompage de by-pass complémentaire, et qui ont toutes deux été affermies par un ordre de service n° 1, notifié le 13 octobre 2016. La réception des travaux, prononcée le 3 décembre 2018, a fixé la date d'achèvement des travaux au 30 octobre 2018. Le 20 décembre 2018, le groupement a présenté son projet de décompte final, qui faisait apparaître, au titre de la dernière situation de travaux, un solde en sa faveur de 5 494 446,31 euros toutes taxes comprises. Le 22 janvier 2019, la régie Eau d'azur a notifié au groupement un décompte général du marché qui limitait la somme due au titre de la situation n° 23 à 146 081,48 euros toutes taxes comprises. Le 21 février 2019, le groupement a présenté un mémoire de réclamation, qui a été rejeté par la régie Eau d'azur le 15 mars 2019. Les trois sociétés membres du groupement ont alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à leur verser la somme de 4 397 872,62 euros hors taxes au titre du solde du décompte général du marché. Par le jugement attaqué, dont les sociétés relèvent appel en tant qu'il leur fait grief, le tribunal administratif de Nice a condamné la régie Eau d'azur à payer aux sociétés la somme de 15 770,49 euros hors taxes, correspondant à une demande de rémunération de prestations d'évacuation de déblais au prix unitaire du marché, et rejeté le surplus de la demande des sociétés.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le juge administratif peut rejeter sans motivation une demande tendant au prononcé d'une mesure d'instruction. Les sociétés appelantes ne peuvent donc utilement soutenir qu'en se bornant à relever qu'" il n'apparaît pas utile, en l'espèce, d'ordonner avant dire droit une expertise ", les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur jugement.
3. En deuxième lieu, les premiers juges, qui ont répondu à tous les moyens dont ils étaient saisis, n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés à l'appui de ces moyens.
4. En troisième lieu, compte tenu des motifs de leur jugement, les premiers juges, qui se sont estimés suffisamment instruits par les éléments versés au débat contradictoire, n'ont pas, en s'abstenant de prescrire une expertise, méconnu leur mission juridictionnelle.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de l'étendue du litige :
5. Les sociétés appelantes sollicitent seulement, en appel, d'une part, la condamnation de la régie Eau d'azur à leur verser, au titre du solde du décompte général du marché et en rémunération de travaux supplémentaires, la somme totale de 3 084 305,81 euros hors taxes, correspondant, en premier lieu, à une somme de 61 963 euros au titre de la modification des contraintes pesant sur l'aménagement de la voie d'accès au chantier (" modification des hypothèses foncières ") et, en second lieu, à une somme de 2 930 943,50 euros au titre de la " sécurisation du planning " et, d'autre part, la condamnation de la Société du canal de Provence à leur verser la somme totale de 1 404 965,84 euros hors taxes, correspondant, en premier lieu, à une somme de 91 399,31 euros hors taxes au titre des travaux réalisés mais restés impayés en raison d'une insuffisante évaluation des quantités par le maître d'œuvre et, en second lieu, à une somme de 1 313 566,53 euros hors taxes au titre des surcoûts induits par l'insuffisance du dossier géotechnique, par les défauts de conception et de préparation du projet et les défaut de reconnaissance de l'existant, ainsi que les modifications apportées au projet.
S'agissant de l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation imputées aux premiers juges :
6. Compte tenu de son office, il n'appartient pas au juge d'appel de censurer un jugement pour de tels motifs.
S'agissant du solde du décompte général dû par le maître de l'ouvrage :
- Quant au cadre juridique :
7. Dans le cas où le titulaire d'un marché public de travaux conclu à prix unitaires réalise des études, démolitions, terrassements ou constructions qui ne correspondent à aucune des prestations pour lesquelles des prix unitaires ont été stipulés, ces travaux modificatifs ou supplémentaires doivent donner lieu à une rémunération supplémentaire, à la condition que ces prestations supplémentaires ou modificatives aient été réalisées à la demande, y compris verbale, du maître de l'ouvrage ou du maître d'œuvre, ou, à défaut, qu'il soit établi que ces prestations étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.
8. En revanche, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à prix unitaires ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévisibles, exceptionnelles et extérieures aux parties, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. En revanche, le maître d'ouvrage public n'est pas tenu d'indemniser un intervenant du préjudice résultant de fautes commises par les fautes d'autres intervenants.
- Quant aux conséquences de la modification de l'accès au chantier :
9. Les sociétés appelantes sollicitent une somme de 57 813 euros en rémunération des travaux supplémentaires ou modificatifs réalisés en raison de la modification des hypothèses foncières régissant l'aménagement de l'accès au chantier.
10. Il résulte de l'instruction que le groupement a fondé son offre sur les conditions d'accès décrites à l'article 1.5.3 du cahier des clauses techniques particulières, tel que précisé par le plan cadastral et le plan des accès joint au dossier de consultation des entreprises. La solution n° 1 envisagée par le cahier des clauses techniques particulières retenait un accès au travers des parcelles privatives nos 273 et 276, puis suivant un chemin charretier à élargir, puis au travers des parcelles nos 188, 174, 172, 166, 165 et 1029. Le groupement se prévaut de ce que le maître de l'ouvrage a, le 14 septembre 2016, adressé au groupement un document " Mise au point " sur le formulaire de mise au point " OUV11 " modifiant les contraintes cadastrales, et modifiant l'article 1.5.3 du cahier des clauses techniques particulières en interdisant l'utilisation de la parcelle n° 174. De plus, lors du chantier, le groupement souligne que le géomètre mandaté par le maître de l'ouvrage a fait apparaître un décalage avec le tracé fourni dans le dossier de consultation des entreprises.
11. Ainsi que le prévoyait, s'agissant des procédures formalisées, le II de l'article 59 du code des marchés publics dans son édition de 2006, l'acheteur et l'attributaire d'un marché peuvent, avant la signature du marché, procéder à une mise au point des composantes de celui-ci, à la condition que cette mise au point ne soit pas susceptible, en modifiant les caractéristiques substantielles du marché, de fausser la concurrence ou d'avoir un effet discriminatoire.
12. Si de légères modifications des prestations prévues par le dossier de la consultation des entreprises ont été apportées au contrat, dans le cadre de la mise au point, avant la signature de celui-ci, le titulaire a accepté ces modifications en signant le contrat définitif. Les prestations qui lui ont été demandées ont ainsi été en tout point conformes à celles prévues dans ce contrat. Les sociétés appelantes ne sont dès lors pas fondées à solliciter un complément de rémunération de ce chef au titre des prestations supplémentaires ou modificatives.
13. Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande.
- Quant aux surcoûts induits par la " sécurisation du planning " :
14. Il résulte du mémoire de réclamation de la société que ces surcoûts, qui font l'objet des prix nouveaux PN 004a, PN 024, PN 049, PN 058, PN 059, PN 060, PN 061, PN 062, PN 072, PN 073, PN 074, PN 075 et PN 076, proposés par le groupement au cours de l'exécution de la tranche ferme, du prix nouveau PN 069 proposé par le groupement au cours de l'exécution de la tranche conditionnelle n° 1, ainsi que des demandes de rémunération complémentaire présentées à la fin du chantier, soit les sommes de 65 365 euros, 86 198 euros et 463 215,50 euros au titre de la tranche ferme et 55 284 euros au titre de la tranche conditionnelle n° 1, correspondent non à des modifications des prestations contractuelles, mais à des frais supplémentaires ou des pertes de rendement supportés par le groupement pour permettre la réalisation des prestations contractuelles dans les meilleurs délais.
15. A regarder les sociétés appelantes comme sollicitant l'indemnisation des frais engagés pour la réalisation de ces prestations sur le terrain des sujétions imprévues, une telle indemnisation ne peut leur être accordée, dès lors qu'il n'est pas établi que le retard du chantier ayant rendu nécessaire l'engagement de ces frais résulterait lui-même d'une cause extérieure aux parties. Par ailleurs, en se bornant à invoquer la responsabilité du maître de l'ouvrage, l'insuffisance de l'étude géotechnique et les fautes ou erreurs du maître d'œuvre, lui-même lié contractuellement au maître de l'ouvrage, les sociétés appelantes n'établissent aucune faute du maître d'ouvrage dans l'identification de ses besoins ou la direction des marchés.
16. Il en résulte que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté ces demandes.
- Quant aux pénalités de retard :
17. Si les sociétés développent dans leur mémoire en réplique un argumentaire relatif aux pénalités de retard, elles ne présentent aucune conclusion en ce qui concerne les pénalités de retard. Il n'y a donc pas lieu de répondre à cet argumentaire.
S'agissant de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'œuvre :
- Quant à l'étendue du litige :
18. Les sociétés appelantes sollicitent la condamnation du maître d'œuvre à leur verser une somme de 1 313 566,63 euros hors taxes correspondant, à hauteur de 1 176 527 euros, à des surcoûts induits par l'insuffisance du dossier géotechnique, et, à hauteur de 141 189,53 euros, à des surcoûts causés par les autres défauts de conception du projet.
19. En effet, les sociétés appelantes soutiennent, d'une part, qu'elles ont subi, en raison de l'insuffisance des études géotechniques fournies, des surcoûts, d'un montant total de 1 176 527 euros, correspondant à des travaux d'auscultation de la tête amont pour 12 495 euros (PN 015), à une étude de stabilité de la plateforme de stockage provisoire pour 4 150 euros (PN 025b), à des études géotechniques complémentaires des plans 206/207 pour 16 762 euros (PN 026), à la réalisation de protections en enrochements libres pour 29 825 euros (PN 029), à la réfection du talus de la parcelle n° 170 pour 40 040 euros (PN 030), à la réalisation d'une tranchée drainante pour 6 375 euros (PN 031), à l'installation d'un suivi topographique des talus et plateformes pour 3 710 euros (PN 032), à un levé et l'exploitation du suivi topographique des talus et plateforme pour 18 816 euros (PN 033), à la préparation des plateformes pour le déplacement de la base vie pour 4 605 euros (PN 034), au déplacement de la " base vie " pour 22 390 euros (PN 035), à la couverture des talus et au bétonnage de la risberme pour 35 805 euros (PN 036), à la mise en place de liernes sur les boulons d'ancrage de piédroit pour 50 060 euros (PN 040), à la réalisation d'essais d'ancrage préalable pour 2 450 euros (PN 041), à la réalisation de sondages de reconnaissance complémentaires pour 6 090 euros (PN 043), à l'installation d'un suivi topographique au droit des zones cintrées en galerie pour 19 313 euros (PN 045), à l'immobilisation d'un atelier de forage pour boulonnage de piédroit pour 17 145 euros (PN 047), au carottage de prélèvement et d'identification pour 6 160 euros (PN 050), à diverses plus-values pour des montants de 352 344 euros, 174 240 euros, 8 607,50 euros, 242 797,50 euros et 74 152 euros (PN 051 à 055), à une note de dimensionnement complémentaire pour un montant de 1 950 euros (PN 056), et à l'incidence et au pompage supplémentaire entre les PM 350 et 550 pour 18 540 euros (PN 057).
20. Les sociétés appelantes soutiennent, d'autre part, qu'elles ont dû supporter divers surcoûts, d'un montant total de 141 189,53 euros, en raison de défauts de conception du projet. Selon elles, ces défauts de conception trouvent leur origine dans l'absence de sondages précis et récents, l'absence de levé géométrique précis des ouvrages existants et l'absence de suivi du comportement des ouvrages, identifiés comme dégradés et évolutifs. Elles soutiennent avoir dû, pour corriger ces défauts de conception, réaliser des travaux non initialement prévus d'études pour un montant de 1 059 euros (PN 018), de scellement pour un montant de 249,15 euros (PN 019), de mise en place d'une casquette de protection pour un montant de 14 370 euros (PN 027), de dépose et d'évacuation d'un confortement pour un montant de 1 342 euros (PN 038), de démantèlement d'une structure existante pour un montant de 3 415 euros (PN 039), d'aménagement d'un entonnement pour un montant de 10 395 euros (PN 042), d'évacuation de rails et traverses en tranchée pour un montant de 4 275 euros (PN 046), de modification du matériel de marinage et d'approvisionnement en béton pour un montant de 2 260 euros (PN 048), de dégagement de cintres en présence d'armatures pour un montant de 13 053,04 euros (PN 079), de pose d'un dispositif réfléchissant pour un montant de 1 040 euros (PN 097), de changement de couleur de peinture pour un montant de 8 545,50 euros (PN 086), d'augmentation du calage et de changement de couleur pour un montant de 14 784 euros (PN 087), de fourniture du platelage pour un montant de 35 202 euros (PN 096), d'études et travaux supplémentaires portant sur le déversoir et les entonnements pour un montant de 4 427 euros, auxquels s'ajoutent des travaux réalisés par un sous-traitant pour un montant de 26 772,84 euros.
- Quant au cadre juridique :
21. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.
- Quant aux quantités impayées :
22. Le titulaire d'un marché à prix unitaires, qui a droit au paiement, par l'acheteur public, des prestations effectivement réalisées, ne peut rechercher, à ce titre, la responsabilité du maître d'œuvre qui a mal évalué les quantités de travaux, dès lors que les erreurs commises par ce dernier, à supposer même qu'elles puissent être regardées comme fautives, n'ont pu avoir pour effet de le priver de la rémunération à laquelle il a droit de la part de l'acheteur public en vertu des principes régissant la modification des contrats de marchés publics. Il en résulte que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à solliciter la condamnation de la Société du canal de Provence à leur verser la somme de 91 399,31 euros hors taxes qu'elles sollicitent et qui correspond aux travaux réalisés mais non pris en compte par le maître d'œuvre.
- Quant à l'insuffisance des études géotechniques et aux défauts de conception :
23. Les sociétés appelantes imputent à la Société du canal de Provence des fautes dans l'exercice de ses missions d'établissement du projet (" PRO ") et du dossier de consultation des entreprises (" DCE ").
24. A l'appui de leur argumentaire, les sociétés appelantes produisent un rapport d'expertise privé établi le 17 octobre 2022 par Mme A..., experte inscrite sur la liste des experts près la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
25. Ce rapport, s'agissant des études géotechniques, fait état " d'un contexte géologique très complexe qui aurait mérité une analyse structurale, des relevés de terrain sur site et des reconnaissances plus poussés ", et relève que " le document technique versé [dans le dossier de consultation des entreprises] ne reprend que des bribes de différents rapports ", que " les données géotechniques ne sont pas synthétisées ", qu'" il n'y a pas d'analyse synthétique des différentes campagnes réalisées en 1991 et 2010 et des caractéristiques des paramètres géotechniques à prendre en compte dans le projet ". Il indique par ailleurs qu'alors qu'il est d'usage, pour ce type de projet, que la mission réalisée au niveau de la réalisation du projet soit de type " G2 ", " on peut estimer que les éléments transmis correspondent à une mission G1 ES (...) qui est réalisée au stade d'une étude préliminaire ", et conclut que " le groupement ne semble pas avoir été en possession de tous les éléments nécessaires à l'estimation à la juste valeur du coût des travaux ". S'agissant des demandes indemnitaires du groupement, l'expert conclut que " la quasi-totalité des demandes relatives à des règlements complémentaires sont justifiables et recevables sur le principe ".
26. Par ailleurs, s'agissant des vices de conception résultant d'un défaut de reconnaissance des ouvrages extérieurs, correspondant aux prix nouveaux nos 18, 19, 27, 38, 39 et 42, l'expertise commandée par les sociétés appelantes, en pages 58 et suivantes, accrédite l'idée selon laquelle les surcoûts correspondant aux prix nouveaux nos 18, 19, 27 et 42 sont indemnisables dans leur principe au titre des aléas techniques.
27. Enfin, s'agissant des vices de conception résultant d'un défaut de reconnaissance des ouvrages du tunnel, correspondant aux prix nouveaux nos 46, 48, 79 et 97, cette même expertise, en pages 61 et suivantes, accrédite l'idée selon laquelle les prestations concernées par le prix nouveau n° 46, correspondant à la rencontre d'éléments de construction imprévus, sont indemnisables dans leur principe.
28. Toutefois, cette expertise, commandée par les sociétés membres du groupement, a été réalisée de manière non contradictoire, et ne procède pas à une analyse de la justification des surcoûts invoqués, qui ne sont indemnisables qu'à hauteur des frais supplémentaires supportés, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire, marge que les prix nouveaux incluent normalement. Il y a donc lieu, pour la Cour, de prescrire la réalisation d'une expertise pour déterminer, en premier lieu, si les éléments d'information fournis au groupement étaient en effet insuffisantes au regard de la nature du site, du projet et des règles de l'art, en deuxième lieu et le cas échéant, dans quelle mesure cette insuffisante est imputable au maître d'œuvre, et, en troisième lieu, le montant du préjudice subi par les différents membres du groupement, à l'exclusion de leurs sous-traitants admis au paiement direct, à moins qu'à ce stade de la procédure, le litige étant ainsi circonscrit par le présent arrêt avant dire droit, les parties ne préfèrent rechercher un accord, dans le cadre d'une médiation, sur la somme toutes taxes comprises due aux sociétés membres du groupement en indemnisation du préjudice subi par ces dernières.
Sur l'appel incident de l'établissement Eau d'azur :
29. L'établissement public conteste, par la voie de l'appel incident, la condamnation prononcée par le jugement attaqué, à hauteur de 15 770,49 euros hors taxes, au titre des prestations d'évacuation de déblais. En effet, les premiers juges ont, au point 6 de leur jugement, relevé que les requérantes ont sollicité, dans leur projet de décompte final, la rémunération de frais d'évacuation de déblais à hauteur d'un volume de 6 017,96 tonnes et que, si le maître d'œuvre a proposé de ramener ce volume à 4 490,35 tonnes après vérification des justificatifs annexés au projet de décompte, le groupement a produit, dans le cadre de sa réclamation, des justificatifs d'enlèvement de déblais pour un volume de 1 486,38 tonnes, dont il soutient sans être contredit qu'ils correspondent à des quantités non prises en compte au décompte.
30. Si, comme le soutient l'établissement public, le titulaire d'un marché public ne saurait réclamer le paiement de prestations qui n'ont pas été mentionnées dans son projet de décompte final, la circonstance que les quantités revendiquées dans ce projet de décompte final n'auraient pas été justifiées n'est pas de nature à faire obstacle à la présentation ultérieure d'une réclamation sur ce point.
31. Il résulte de ce qui précède que l'appel incident de l'établissement Eau d'azur ne peut être accueilli.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de l'appel principal dirigées contre la régie Eau d'azur, et celles de l'appel incident présenté par cet établissement public, sont rejetées.
Article 2 : La Société du canal de Provence et les sociétés appelantes sont invitées à indiquer à la Cour, dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt, si elles souhaitent entrer en voie de médiation pour convenir ensemble du montant de l'indemnité globale, toutes taxes comprises, due au groupement en indemnisation du préjudice résultant de l'insuffisance des études géotechniques et des vices de conception imputés au maître d'œuvre.
Article 3 : Dans le cas où l'accord de l'ensemble des parties est recueilli, le président de la formation de jugement désignera un médiateur, conformément, le cas échéant, au choix des parties, dans les conditions prévues par les articles L. 213-7 et suivants du code de justice administrative.
Article 4 : Dans le cas où l'accord de l'ensemble des parties n'est pas recueilli, ou dans l'hypothèse où cette médiation n'aboutit pas dans le délai qui sera imparti par la Cour, le président de la Cour désignera un expert, avec pour mission :
1°) de se faire communiquer tous documents utiles ;
2°) de déterminer dans quelle mesure les préjudices identifiés aux points 18 à 20 du présent arrêt sont la résultante de manquements du maître d'œuvre aux règles de l'art qui s'imposent à un maître d'œuvre, en donnant à la Cour, le cas échéant et en cas de pluralité des causes, toute indication de nature à évaluer la part de responsabilité du maître d'œuvre ;
3°) d'évaluer le montant du préjudice résultant de ces manquements, ce préjudice devant se limiter aux frais supplémentaires supportés par le groupement et justifiés par lui, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire.
Article 5 : L'expert accomplira sa mission, au contradictoire de l'ensemble des parties présentes à l'instance, dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il souscrira la déclaration sur l'honneur prévue à l'article R. 621-3. Il déposera son rapport, dans les conditions prévues par les articles R. 621-9 et R. 621-5-1, et en notifiera copie aux parties, dans le délai fixé par le président de la Cour.
Article 6 : Le jugement attaqué est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 7 : Tous les droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société NGE Génie Civil, à la société EHTP, à la société NGE Fondations, à la régie Eau d'azur et à la Société du canal de Provence.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, où siégeaient :
- Mme Anne-Laure Chenal-Peter, présidente,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Caroline Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2025.
N° 24MA00192 2