Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2402475 du 11 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mai 2024, M. B..., représenté par Me Fontana, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a présenté une première demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle qui a été rejetée pour caducité par décision du 28 juin 2024. Il a présenté une nouvelle demande qui a été rejetée par décision du 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau ;
- les observations de Me Ceraline, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant kosovar né le 13 octobre 1977 et entré sur le territoire français le 10 juillet 2022 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 14 février 2023. Il a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été déclarée irrecevable par une décision de l'OFPRA le 27 juin 2023. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". L'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Il ressort des termes de la décision en litige qu'après avoir visé les textes applicables à la situation de M. B... et notamment le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la convention internationale relative aux droits de l'enfant et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en considération les éléments relatifs aux conditions d'entrée et de séjour de M. B... sur le territoire français. Il a notamment fait état du rejet de la demande d'asile de l'intéressé, ainsi que de la situation personnelle et familiale de ce dernier en France. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, auquel il n'appartenait pas de faire état de l'intégralité des éléments propres à la situation de M. B..., a suffisamment motivé la décision contestée et examiné la situation personnelle de l'intéressé.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
5. M. B... soutient, avec la même argumentation qu'en première instance et sans critique utile du jugement, qu'il est hébergé avec son épouse et deux de leurs enfants par une association, qu'il apprend la langue française et que son fils mineur est scolarisé. Ces seuls éléments ne suffisent cependant pas à établir que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et aurait méconnu l'intérêt supérieur de son enfant mineur. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que M. B... est entré récemment sur le territoire français, en juillet 2022 selon ses déclarations, qu'il a vécu au Kosovo au moins jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans, et que lui et son épouse, qui fait également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, sont en situation irrégulière. La décision en litige n'a par ailleurs pas pour effet de priver l'enfant mineur de la présence de ses parents, alors que leurs deux autres enfants, dont l'un bénéficie de la protection subsidiaire en France et l'autre vit au Kosovo, sont majeurs. Enfin, M. B... ne fait état d'aucune circonstance caractérisant une insertion sociale ou professionnelle particulièrement notable. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris l'arrêté contesté en méconnaissance des stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation de l'intéressé.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
7. L'autorité administrative ne saurait légalement désigner comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un pays dans lequel il risque d'être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces stipulations conventionnelles peut être utilement invoqué par l'intéressé devant le juge de l'excès de pouvoir au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi. En revanche, il n'en va pas de même au soutien de conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même qui, en vertu de l'article L. 721-3 du même code, est une décision distincte de celle fixant le pays de renvoi.
8. L'arrêté contesté précise que M. B... pourra être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Kosovo, où réside notamment l'un de ses enfants, ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. S'il ressort des pièces du dossier que la cour nationale du droit d'asile (CNDA) a accordé le 7 septembre 2023 le bénéfice de la protection subsidiaire à l'un de ses fils majeurs, en raison d'un litige foncier né au sein de sa famille, cette circonstance ne suffit pas, au vu des pièces versées au dossier, à établir la réalité, la gravité et l'actualité des risques auxquels M. B... serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine, alors qu'au demeurant, l'appréciation portée par la CNDA ne s'impose pas, avec l'autorité de la chose jugée, dans le présent litige et que la demande d'asile du requérant a été définitivement rejetée par l'OFPRA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Fontane et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2025, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2025.
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