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28/05/2025 | FRANCE | N°25MA01238

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, Juge des référés, 28 mai 2025, 25MA01238


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution du certificat de permis de construire tacite, délivré le 28 octobre 2024 par le maire Calcatoggio à la SCI Sogno, pour l'extension et la surélévation, avec modification des façades, d'une maison existante, sur des parcelles

cadastrées section D n°s 2171 et 2172, situées au lieu-dit " Ancone ".



Par une ord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution du certificat de permis de construire tacite, délivré le 28 octobre 2024 par le maire Calcatoggio à la SCI Sogno, pour l'extension et la surélévation, avec modification des façades, d'une maison existante, sur des parcelles cadastrées section D n°s 2171 et 2172, situées au lieu-dit " Ancone ".

Par une ordonnance n° 2500542 du 24 avril 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu l'exécution de ce permis de construire tacite et a rejeté les conclusions présentées par la SCI Sogno sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2025 et un mémoire enregistré le 26 mai 2025 à

23 heures 23, la SCI Sogno, représentée par Me Mousny-Pantalacci, demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia le 24 avril 2025 ;

2°) de rejeter le déféré-suspension du préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le premier juge a commis une erreur de droit en jugeant que la tardiveté du déféré préfectoral était sans incidence sur la recevabilité de sa demande de suspension d'exécution ;

- contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, le préfet, qui a produit les pièces du dossier de demande à l'appui de sa demande de suspension d'exécution, a nécessairement reçu ce dossier dans la semaine suivant son dépôt en mairie ;

- le déféré préfectoral est tardif, faute pour le recours gracieux du 23 décembre 2024 d'avoir pu proroger le délai de recours contre le certificat de permis tacite qui ne pouvait plus être légalement retiré, peu important l'avis conforme défavorable émis avant la naissance de cette autorisation, compte tenu de l'autorité de chose jugée attachée au jugement annulant son retrait illégal ;

- les parcelles en cause, qui se situent au niveau du trait de délimitation de l'espace remarquable 2A18 identifié par la carte du plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), et qui, construites depuis 1989 et entourées de parcelles construites, sont situées dans un espace urbanisé, ne sont pas incluses dan un espace remarquable du littoral, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les palmiers plantés sur la propriété n'étant pas une espèce endémique de Corse et la villa ne présentant aucun intérêt architectural particulier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2025, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a donné délégation à M. A... pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux administratifs du ressort de la Cour.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A...,

L'instruction a été clôturée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 octobre 2022, la SCI Sogno a présenté au maire de la commune de Calcatoggio une demande de permis de construire en vue de l'extension et de la surélévation d'une maison existante de 164 m2, avec modification de ses façades, pour une surface de plancher supplémentaire de 45 m2, sur des parcelles cadastrées section D n°s 2171 et 2172, situées lieu-dit " Ancone ". Par un arrêté du 12 décembre 2022, pris sur avis conforme du préfet de Corse du

23 août 2022, le maire de Calcatoggio a refusé le permis de construire sollicité. Par un jugement du 15 octobre 2024, devenu définitif, le tribunal administratif de Bastia, saisi par la SCI Sogno, a annulé cet arrêté qu'il a qualifié de retrait d'un permis tacite né le 13 décembre 2022, et a enjoint à la commune de Calcatoggio de délivrer à la SCI un certificat de permis tacite. Le maire de Calcatoggio a délivré ce certificat le 28 octobre 2024. Par une ordonnance du 24 avril 2025, dont la SCI Sogno relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, saisi par le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a suspendu l'exécution de ce permis tacite.

Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article

L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. ".

3. Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, et susceptibles d'être déférés par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-6 du même code figure, au 6° : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ". Par ailleurs, l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme prévoit que, à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire et l'article L. 424-8 dispose qu'un tel permis tacite est exécutoire à compter de la date à laquelle il est acquis. Enfin, aux termes de l'article R. 423-7 du même code : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ".

4. S'il résulte des dispositions de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme rappelées ci-dessus qu'un permis de construire tacite est exécutoire dès qu'il est acquis, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a été transmis au représentant de l'Etat, les dispositions de cet article ne dérogent pas à celles de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites. Une commune doit être réputée avoir satisfait à l'obligation de transmission, dans le cas d'un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l'entier dossier de demande, en application de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme. Le délai du déféré court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l'hypothèse où la commune ne satisfait à l'obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. (CE, 22 octobre 2018, M. C..., n° 400779).

5. Toutefois, lorsqu'une commune a consulté les services de l'Etat pour recueillir leur avis sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, cette demande ne constitue ni une transmission faite aux services de l'Etat en application des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, ni une transmission au préfet au titre de l'obligation posée par l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme, et n'est donc pas de nature à faire courir le délai du déféré préfectoral (CE, 22 octobre 2024, Commune d'Aulnay-sur-Mauldre,

n° 467373).

6. D'autre part, lorsque le permis tacite a été retiré dans le délai de recours contentieux puis rétabli à la suite de l'annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la date à laquelle le permis ainsi rétabli fait à nouveau l'objet d'un affichage sur le terrain d'assiette du projet.

7. Lorsque le permis remis en vigueur du fait de l'annulation de son retrait par le juge a pour auteur l'une des autorités mentionnées à l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, il appartient à cette autorité de transmettre cette décision au représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement d'annulation. Le préfet dispose alors de la possibilité de déférer au tribunal administratif la décision ainsi remise en vigueur du fait de cette annulation s'il l'estime contraire à la légalité, dans les conditions prévues à l'article L. 2131-6 du même code cité au point 2 (CE, avis, 26 juillet 2018, M. B..., n° 419204).

8. Enfin, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, qui limitent le délai pendant lequel une autorisation de construire peut être retirée, spontanément ou à la demande d'un tiers, par l'autorité qui l'a délivrée, n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le représentant de l'Etat forme un recours gracieux jusqu'à l'expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, ni à ce que ce dernier délai soit interrompu par le recours gracieux (CE, 5 mai 2011, Ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

c/ Bertaud, n° 336893).

En ce qui concerne le déféré du préfet de Corse :

9. Il ne ressort ni des pièces soumises au premier juge, ni de celles produites par l'appelant à l'appui de sa requête, que dans le délai de sept jours prescrit par l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme le maire de Calcatoggio aurait transmis au préfet de la Corse-du-Sud l'entier dossier de demande présenté en mairie par la SCI Sogno le 13 octobre 2022. La seule circonstance qu'à l'appui de sa demande de suspension d'exécution, le préfet de la Corse-du-Sud a produit certaines des pièces de ce dossier n'est pas de nature à démontrer le respect par la commune de son obligation de transmission dans les conditions prévues à l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme.

10. Il est vrai, au vu des pièces du dossier de référé, non seulement que la commune de Calcatoggio a transmis le dossier de demande de permis de construire de la SCI Sogno au préfet de Corse le 13 décembre 2022, après la signature de l'arrêté refusant cette autorisation, mais encore que le maire de Calcatoggio a transmis au préfet de la Corse-du-Sud, le 5 novembre 2024, le certificat de permis de construire que le tribunal, annulant sa décision de refus du

12 décembre 2022, lui a enjoint de délivrer à la SCI Sogno. Le délai de recours contre le permis tacite de la SCI Sogno a donc commencé de courir le 6 novembre 2024 à l'égard du préfet par l'effet de la transmission de son certificat, et expirait en principe le 6 janvier 2024 à minuit.

11. Mais contrairement à ce que soutient l'appelante, et ainsi qu'il a été dit au point 8, l'impossibilité pour le maire de procéder de nouveau au retrait de cette autorisation n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le représentant de l'Etat puisse former un recours gracieux, jusqu'à l'expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, et à ce que le cours de ce délai soit interrompu par ce recours gracieux. Par suite, le recours gracieux formé par le préfet de Corse le 23 décembre 2024 contre le permis tacite né le

13 décembre 2022 et rétabli le 15 octobre 2024 a prorogé à son égard le délai de recours contentieux et sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 4 avril 2025 n'était pas tardive.

Sur le doute sérieux quant à la légalité du permis de construire tacite :

12. En l'état de l'instruction, le moyen tiré par le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-5 du code de l'urbanisme, tel que précisées par le PADDUC et sa cartographie des espaces remarquables du littoral corse, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'autorisation en litige, compte tenu à la fois de la nature et de l'importance du projet en cause, des caractéristiques de son terrain d'assiette et des motifs d'identification par le PADDUC de l'espace remarquable 2A18. Les moyens développés par la SCI Sogno à l'appui de sa requête d'appel, et tirés d'une part du caractère " nul et non avenu " de l'avis conforme défavorable rendu sur son projet par le préfet de Corse le 23 août 2022, et d'autre part du respect par son permis tacite des dispositions précitées au vu de l'imprécision de la cartographie des espaces remarquables annexée au PADDUC, des zones susceptibles de donner lieu à l'acquisition de terrains par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ainsi que des caractéristiques des lieux en cause, ne peuvent donc qu'être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Sogno n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu l'exécution de son permis de construire tacite dont l'existence a été certifiée par le maire de Calcatoggio le 28 octobre 2024. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SCI Sogno est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SCI Sogno, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud et à la commune de Calcatoggio.

Fait à Marseille, le 28 mai 2025.

2

N° 25MA01238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 25MA01238
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Suspension sursis

Analyses

Procédure - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé suspension (art - L - 521-1 du code de justice administrative).

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Avocat(s) : MOUSNY-PANTALACCI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;25ma01238 ?
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