Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... E... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 avril 2020 par lequel le maire de la commune de Menton a accordé à la société civile immobilière Les Jardins de l'Annonciade le permis de construire modificatif n° 00608315H001M02 en vue de diverses modifications et la création d'un ascenseur et de parkings sur un terrain cadastré section BE n° 8, 22, 378, 398 et 399 et situé 1833, route de l'Annonciade à Menton, ensemble la décision du 23 juillet 2020 par laquelle le maire de la commune de Menton a rejeté leur recours gracieux. Par un jugement n° 2003699 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2024, et des mémoires complémentaires enregistrés les 8 août 2024 et 10 février 2025, M. et Mme E..., représentés par Me Baudin, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler le permis de construire modificatif délivré le 21 avril 2020 et la décision qui a rejeté leur recours gracieux.
3°) de condamner in solidum la commune de Menton et la société BTSG, prise en la personne de M. A... C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SCCV, devenue la SCI Les Jardins de l'Annonciade, à leur verser la somme de 320 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Menton et de la société BTSG, prise en la personne de M. A... C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SCCV, devenue la SCI Les Jardins de l'Annonciade, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la création de 3 places de stationnement décidée par le promoteur, la SCCVI Les Jardins de l'Annonciade, a été réalisée par une extension sur leur jardin et se trouve non conforme à leur titre de propriété, et non conforme au permis de construire initial ;
- l'arrêté litigieux porte atteinte à la sécurité des biens et des personnes au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et du plan de prévention des risques de mouvements de terrain, en ce qu'il prévoit la non-réalisation d'ouvrages de retenue (murs de soutènement) prévus par le permis de construire initial pour permettre l'aménagement du relief pentu et la retenue des massifs de terre ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés de ce que l'extension illégale du parking sur leur jardin et l'emplacement illégal de la fosse septique sur leur lot privatif porte atteinte à leurs droits ;
- la société BTSG, prise en la personne de Maître A... C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV, devenue SCI Les Jardins de l'Annonciade et la ville de Menton doivent être condamnés à les indemniser à hauteur de la somme de 320 000,00 euros pour leur permettre de faire procéder à la réalisation du mur de soutènement en contrebas de leur maison, et de mettre ainsi un terme au danger pour les tiers, et pour eux-mêmes, de façon pérenne ;
- le permis de construire modificatif est en contradiction avec la disposition contractuelle de leur titre de propriété qui interdit à la SCI Les Jardins de L'Annonciade de modifier la consistance du bien qu'ils ont acquis et payé ;
- le permis de construire méconnaît l'article R 431-16 f) du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés les 10 avril et 19 septembre 2024, la commune de Menton, représentée par Me Barbaro, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une lettre en date du 28 mai 2025, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions indemnitaires dirigées contre la société BTSG liquidateur de la SCI Les Jardins de l'Annonciade, le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Menton, comme nouvelles en appel et l'irrecevabilité en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, comme ayant été soulevé plus de deux mois après la communication du premier mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public
- et les observations de M. E..., et de Me Copelovici représentant la commune de Menton.
Considérant ce qui suit :
1. Les époux E... ont acquis en l'état futur d'achèvement une villa sur la corniche André Tardieu, à Menton. Le maire de Menton a délivré à M. B... un permis de construire le 11 décembre 2015 pour la réalisation de deux villas. Ce permis de construire a été transmis à la SCICV Les Jardins de l'Annonciade en 2016. Le maire de Menton a délivré le 21 avril 2020 un permis de construire modificatif à la SCICV Les Jardins de l'Annonciade portant sur différentes modifications et notamment la création d'un ascenseur et l'aménagements de parkings. Les époux E... ont demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de ce permis de construire modificatif. Par un jugement du 30 novembre 2023, dont les requérants relèvent appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Les conclusions indemnitaires dirigées contre la SCICV Les Jardins de l'Annonciade, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, sont dirigées contre une personne morale de droit privé. Elles ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées comme formées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre la ville de Menton.
3. Les conclusions indemnitaires dirigées contre la ville de Menton sont nouvelles en appel et ne peuvent être, dès lors, que rejetées comme irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
4. Les requérants soutiennent que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'atteinte aux droits des tiers résultant de ce que le permis de construire modificatif autorise la réalisation de parkings sur leur partie privative et le déplacement de la fosse septique de l'ensemble des deux villas sur leur partie privative, à proximité de leur terrasse. Toutefois, il résulte des écritures de première instance que les requérants avaient évoqué ces difficultés en se référant au contentieux les opposant au constructeur devant les juridictions judiciaires et n'avaient pas, à cet égard, développé de moyens en ce qui concerne le permis de construire modificatif en litige. Le moyen tiré d'une omission à statuer ne peut dès lors qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-5 du code de justice administrative : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense ".
6. Il résulte des pièces du dossier que les requérants ont soulevé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R 431-16 f) du code de l'urbanisme plus de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Ce moyen est dès lors irrecevable et ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers. Dès lors, les moyens tirés de ce que le déplacement de la fosse septique de l'ensemble des deux villas sur le lot privatif des époux E... et la réalisation de places de parkings sur leur partie privative portent atteinte aux droits qu'ils tirent de leur acte de propriété sont sans influence sur la légalité du permis de construire modificatif contesté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
9. les requérants soutiennent que le permis de construire modificatif en litige supprime les murs de soutènement de leur jardin prévus par le permis de construire, et expose eux-mêmes et les tiers à un risque pour leur sécurité en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, et du plan de prévention des risques naturels de Menton.
10. Si la notice du dossier de demande de permis de construire modificatif ne mentionne pas expressément la suppression d'une partie des murs de soutènement du jardin de la villa des époux E..., il ressort de la comparaison entre le plan de masse du permis de construire initial du 11 décembre 2015 et du permis de construire modificatif en litige du 21 avril 2020 que ce dernier ne fait plus apparaitre une partie de ces murs. Le permis modificatif doit donc être regardé, dans le cas de l'espèce, comme ayant autorisé leur suppression. Il résulte du rapport établi par un expert auprès de la cour administrative d'appel de Marseille, qui n'a pas été réalisé de manière contradictoire mais qu'il appartient à la Cour de prendre en compte à titre d'élément d'information, et dont les conclusions ne sont pas utilement contestées en défense, que la réalisation des murs avait pour but de permettre de ramener les pentes à des inclinaisons correspondant aux règles de l'art et d'assurer la stabilité du terrain, et que la pente existante est susceptible de favoriser des glissements de terre vers l'aval avec pour conséquence la mise en danger des tiers. Dans ces conditions, en accordant ce permis de construire modificatif supprimant des murs de soutènement sans garantie de stabilité du projet, le maire de Menton a commis une erreur manifeste d'appréciation.
11. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".
12. Comme il a été dit au point 10 du présent arrêt, l'arrêté du maire de Menton du 21 avril 2020 est entaché du seul vice tiré de ce qu'il autorise la suppression d'une partie des murs de soutènement de la villa des époux E... en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Un tel vice peut être régularisé, dès lors que la modification à envisager, qui est limitée à une partie identifiable du projet, ne lui apporte pas un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il y a lieu, dès lors, de limiter à cette partie du projet la portée de l'annulation prononcée.Le délai dans lequel pourra être demandé au maire de la commune de Menton la régularisation de ce vice est fixé à quatre mois.
Sur les frais liés au litige :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions indemnitaires des époux E... dirigées contre la SCCVI Les Jardins de l'Annonciade sont rejetées comme formées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : L'arrêté du maire de Menton du 21 avril 2020 portant permis de construire modificatif est annulé en tant qu'il autorise la suppression d'une partie des murs de soutènement du jardin de la villa des époux E.... Le délai dans lequel pourra être demandé au maire de la commune de Menton la régularisation du vice retenu par la Cour est fixé à quatre mois.
Article 3 : Le jugement n° 2003699 du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la ville de Menton fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et Mme D... E..., à la commune de Menton et à la société BTSG, es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Les Jardins de l'Annonciade.
Copie en sera adressée au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 19 juin 2025.
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N°24MA00183