Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Tuilerie a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Tourves a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de la délibération du 24 février 2022 par laquelle le conseil municipal de Tourves a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et d'enjoindre au maire de la commune de Tourves d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme dans sa totalité, ou à défaut, en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section D n° 43, 2368, 2375, 2401, 2409, 2609, 2612, 2619, 2622 en zone N, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2203415 du 8 décembre 2023 le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 19 novembre 2024, la société La Tuilerie, représentée par Me Bertrand, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2023 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Tourves la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré du caractère incomplet du rapport de présentation ;
- le rapport de présentation est incomplet au regard de l'article R. 151-2 du code de l'urbanisme car il ne comporte pas la justification de la délimitation des zones prévue par l'article L. 151-9 de ce code ;
- le classement en zone naturelle des parcelles cadastrées section D n° 43, 2368, 2375, 2401, 2409, 2609, 2612, 2619 et 2622, propriétés de la société La Tuilerie est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires enregistrés les 29 octobre et 6 décembre 2024, la commune de Tourves, représentée par Me Nouis, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'avoir été formée dans le délai de recours contentieux ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public
- et les observations de Me Barnier, représentant la société la Tuilerie, et de Me Fremond, représentant la commune de Tourves.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Tuilerie a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Tourves a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de la délibération du 24 février 2022 par laquelle le conseil municipal de Tourves a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et d'enjoindre au maire de Tourves d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme dans sa totalité, ou à défaut, en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section D n° 43, 2368, 2375, 2401, 2409, 2609, 2612, 2619, 2622 et en zone N, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement 8 décembre 2023, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. La société requérante n'avait soulevé en première instance que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de ses parcelles opéré par le plan local d'urbanisme, et alléguait l'insuffisance du rapport de présentation uniquement comme un argument à l'appui de ce moyen. Le tribunal n'a donc commis aucune irrégularité en ne se prononçant pas sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, si dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire intervenant après l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, par la voie de l'exception ou sous la forme d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors qu'il résulte de ses termes mêmes que les règles qu'il fixe s'appliquent aux moyens soulevés par voie d'exception, et non pas aux moyens dirigés contre un refus d'abrogation, l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, qui prévoit que certains vices de procédure peuvent être soulevés contre un plan local d'urbanisme (PLU) sans condition de délai, ne fait pas obstacle à l'application des principes rappelés plus haut. Le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme révisé de Tourves, qui est un moyen de forme relatif à l'édiction de la délibération qui a approuvé ce document d'urbanisme, est dès lors sans influence sur la légalité de la décision de refus d'abrogation de cette délibération.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 243-2 du code de justice administrative : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".
5. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.
6. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".
7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
8. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section D n° 43, 2368,2375, 2401, 2409, 2609, 2612, 2619, 2622, propriétés de la requérante, constituent deux tènements d'environ 3 000 m² chacun, non bâtis et situés de part et d'autre du chemin des Gatiers, dans une zone d'urbanisation diffuse, intégrés par le plan local d'urbanisme de Tourves dans une vaste zone naturelle. Si la requérante fait valoir que ses terrains se trouvent à proximité de parcelles classées en zone à urbaniser UCb, ils sont situés dans un compartiment d'urbanisation distinct de cette zone, le ténement ne la jouxtant qu'en son extrémité nord-est. Si elle fait valoir que ce classement irait à l'encontre des objectifs de l'orientation n° 7 du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) de la commune de Tourves de " prendre en compte les grandes continuités écologiques régionales et locales en préservant et valorisant les espaces naturels et agricole du territoire ", cette orientation n'impose pas que les terrains situés en zone naturelle soient inclus dans la trame verte ou fassent l'objet d'une protection particulière. Par ailleurs, l'orientation n° 1 du PADD prévoit de maitriser le développement urbain et l'habitat. Si la société La Tuilerie estime aussi que ce classement est en contradiction avec le rapport de présentation, qui détermine en page 161 des critères de délimitation de l'enveloppe urbaine du plan local d'urbanisme révisé, ces dispositions n'ont pas de valeur normative faute d'avoir été reprises dans le règlement. Certes, il y a lieu pour la Cour de prendre en compte le rapport de présentation à titre d'élément d'information sur les intentions des auteurs du plan local d'urbanisme. En l'occurrence, ces critères de délimitation de l'enveloppe urbaine du plan local d'urbanisme révisé s'appliquent, selon le rapport de présentation, aux espaces présentant une certaine densité bâtie. Or les terrains dont le classement est critiqué, eux-mêmes non bâtis, sont situés dans un espace naturel de faible densité. Quand bien même des espaces ayant une densité bâtie supérieure auraient été classés en zone urbaine constructible, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant les terrains de la requérante en zone naturelle.
9. Il résulte de ce qui précède que la société La Tuilerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Tourves, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une quelconque somme à la société La Tuilerie. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge la société La Tuilerie la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Tourves à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société La Tuilerie est rejetée.
Article 2 : La société La Tuilerie versera à la commune de Tourves la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Tuilerie et à la commune de Tourves.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
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N°24MA00273
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