La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2025 | FRANCE | N°24MA00866

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 27 juin 2025, 24MA00866


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à lui verser la somme de 534 290 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis suite à sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 11 août 2016 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire.



La caisse primaire d'assurance maladie du Var, mise en cause par le tri

bunal, a indiqué ne pas entendre intervenir dans l'instance.



Par un jugement n° 200241...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à lui verser la somme de 534 290 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis suite à sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 11 août 2016 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var, mise en cause par le tribunal, a indiqué ne pas entendre intervenir dans l'instance.

Par un jugement n° 2002414 du 20 février 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024, M. B..., représenté par Me Mebarek, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 février 2024 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somme de 534 290 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa prise en charge le 11 août 2011 par le CHU de Nice n'a pas été conforme aux règles de l'art, ainsi que l'ont estimé les experts missionnés par la commission de conciliation et d'indemnisation ;

- la cour devra engager la responsabilité pour faute et sans faute du CHU de Nice ;

- s'agissant des préjudices définitivement évalués, il a droit au paiement des sommes suivantes : 8 100 euros au titre des frais divers, 300 000 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, 11 190 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 30 000 euros au titre des souffrances endurées, 50 000 euros à parfaire au titre du déficit fonctionnel permanent, 20 000 euros au titre du préjudice esthétique ;

- s'agissant des préjudices qui ne sont pas définitivement évalués, il conviendra de diligenter une expertise.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Var indique à la cour ne pas entendre intervenir à l'instance et précise que M. B... a été pris en charge au titre du risque maladie pour des débours provisoires d'un montant de 81 878,37 euros.

Par un mémoire, enregistré le 14 janvier 2025, le centre hospitalier universitaire de Nice, représenté par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- si sa responsabilité était engagée, les demandes indemnitaires de M. B..., auxquelles il conviendrait d'appliquer un taux de perte de chance qui ne pourrait être déterminé qu'après une nouvelle expertise, sont excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 20 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par le service des urgences de cet établissement le 11 août 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise diligenté par la commission de conciliation et d'indemnisation de Provence Alpes Côte d'Azur (CCI PACA), que M. B..., alors âgé de 19 ans, s'est présenté le 11 août 2016 à 17h48 aux services des urgences du centre hospitalier universitaire de Nice en exposant souffrir d'un déficit sensitif et d'une faiblesse du membre supérieur gauche depuis la veille à 20 heures. Les services concernés ont noté une plaie au pied gauche nécessitant des points et ont posé le diagnostic d'une névralgie cervico-brachiale gauche avec syndrome viral. M. B... est sorti le soir-même avec l'indication de voir son médecin traitant si la symptomatologie persistait au-delà de 48-72 heures. Dans les jours qui ont suivi, M. B... a présenté une aggravation du déficit moteur et de la douleur aux quatre membres, et, le 17 août 2016, son médecin traitant a mis en place un traitement dans l'hypothèse d'une hypokaliémie. Le 20 août 2016, M. B... a été conduit par ses parents aux urgences de la clinique du Parc Impérial à Nice puis a été transféré au service de neurologie du centre hospitalier universitaire de Nice où l'hypothèse diagnostique retenue a été celle d'une myélo-méningo-radiculite d'origine indéterminée. M. B... soutient qu'une hospitalisation dès le 11 août 2016 aurait pu minimiser ou empêcher les lourdes séquelles qu'il présente actuellement.

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise précité, que lors du passage aux urgences de M. B... le 11 août 2016, les services du centre hospitalier universitaire de Nice n'ont procédé à aucun test biologique ni aucune imagerie et qu'aucun avis neurologique n'a été requis alors que l'intéressé présentait des symptômes et signes neurologiques de focalisation non systématisés, orientant vers une hypothèse de souffrance du système nerveux périphérique. Dès lors et comme l'a jugé le tribunal, la prise en charge de M. B..., qui n'a pas été conforme aux règles de l'art, est fautive, ce que le centre hospitalier universitaire de Nice ne conteste d'ailleurs pas.

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. Il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise diligenté par la CCI PACA conclut qu'en raison de l'incertitude sur l'étiologie de la maladie, aucun élément ne peut établir qu'une prise en charge plus précoce de M. B... aurait pu minimiser les séquelles neurologiques dont il est atteint et en déduit qu'il n'existe aucune certitude qu'une hospitalisation lors de la première consultation aux urgences du centre hospitalier universitaire de Nice aurait modifié l'évolution de la pathologie neurologique de l'intéressé. Il n'est toutefois pas possible, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de déduire de telles conclusions qu'il est certain qu'il n'existait pour le patient aucune chance d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation. Il s'en suit que la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour apprécier si et dans quelle mesure la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Nice a été à l'origine chez M. B... d'une perte de chance d'éviter une aggravation de son état de santé, alors notamment que la nature de sa pathologie demeure incertaine.

7. Dans ces conditions et comme le soutient le requérant, l'expertise diligentée par la CCI PACA ne répond pas de manière complète et suffisamment étayée sur l'existence ou non d'un lien de causalité direct entre sa prise en charge au centre hospitalier universitaire de Nice le 11 août 2016 et les séquelles dont il demeure atteint. Elle ne permet, dès lors, pas à la cour de statuer en toute connaissance de cause ni d'évaluer, le cas échéant, l'ensemble des préjudices subis par l'intéressé.

8. Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins qui seront précisées dans le dispositif de la présente décision et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

9. Il résulte de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable. En l'espèce, il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var, bien que celle-ci ait fait valoir devant la cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. B..., procédé à une expertise médicale confiée à un expert en neurologie, en présence de M. B..., du centre hospitalier universitaire de Nice et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Article 2 : L'expert aura pour mission de :

1°) se faire communiquer l'entier dossier médical de M. B... ;

2°) procéder à la description de l'état de santé de M. B..., décrire son état de santé actuel et son état de santé antérieur, en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les séquelles en lien avec les manquements commis par le centre hospitalier universitaire de Nice lors de la prise en charge, le 11 août 2016, de M. B... ;

3°) indiquer précisément les séquelles de M. B... en relation directe et exclusive avec les manquements commis par le centre hospitalier universitaire de Nice lors de la prise en charge de celui-ci le 11 août 2016 ; à cet égard, déterminer, dans le cas où ces manquements ne seraient pas la cause directe des préjudices subis mais auraient fait perdre à M. B... des chances de les éviter, l'importance de cette perte de chance, en pourcentage ;

4°) préciser, notamment, la durée du déficit fonctionnel temporaire partiel ou total, la date de consolidation, le taux de déficit fonctionnel permanent et ses répercussions sur les conditions d'existence de M. B..., notamment, le cas échéant, sur le plan professionnel, et décrire l'ensemble des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis par M. B... du seul fait desdits manquements commis par le centre hospitalier universitaire de Nice lors de la prise en charge de celui-ci le 11 août 2016.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier universitaire de Nice et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Copie en sera adressée à la CPAM des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2025.

2

N° 24MA00866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00866
Date de la décision : 27/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : JUDICIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-27;24ma00866 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award