Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 11 juillet 2005, la requête présentée pour M. Mansour X, élisant domicile ..., par Me Kipfer, avocat ; M. X demande à la Cour :
- d'annuler le jugement, en date du 2 novembre 2004, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 28 octobre 2004, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé sa reconduite à la frontière, en désignant l'Algérie comme pays de destination ;
- d'annuler cet arrêté qui décide de sa reconduite à la frontière et qui fixe l'Algérie comme pays de renvoi ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 € en application des dispositions figurant à l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
M X soutient :
- que le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motif en constatant que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué avait été signé antérieurement à la transmission de l'invitation à quitter le territoire le concernant sans en tirer la conclusion que sa situation individuelle n'avait pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- que le tribunal a fait une fausse application de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 en considérant qu'elle ne trouvait pas à s'appliquer pour une reconduite à la frontière et la désignation du pays de renvoi ;
- que le tribunal a considéré, à tort, qu'il résultait ni de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet ne s'était pas interrogé sur la possibilité d'user de son pouvoir de régularisation pour ce qui le concernait ;
- que le tribunal ne devait pas écarter, compte tenu des éléments apportés, la circonstance qu'il risquait des peines ou des traitements dégradant en cas de retour en Algérie ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense produit par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête de M X aux motifs :
- que le tribunal a écarté à juste titre les circonstances que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 auraient été violées et que la situation personnelle de M X n'aurait pas fait l'objet d'un examen au titre de son pouvoir de régularisation ni prise en compte à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière ;
- que l'intéressé ne risquait aucun traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Algérie ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 24 mars 2006 du président de la Cour déléguant M. Robert Collier pour rendre les décisions ou statuer par ordonnance, en application des dispostions de l'aricle R. 222-33 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2006 :
- le rapport de M. Collier, premier conseiller délégué,
- les observations de Me Kipfer, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X est entré en France le 22 juillet 2000 et a demandé le bénéfice de l'asile territorial, qui lui a été refusé par une décision du ministre de l'intérieur en date du 7 mai 2001 ; que, par arrêté en date du 28 octobre 2004, après avoir été invité le 29 mai 2001 par le préfet du Bas-Rhin à quitter le territoire, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé de la reconduite à la frontière de M X ; que, par le jugement attaqué, a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision distincte désignant l'Algérie comme pays de destination ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté par le ministre de l'intérieur que si l'arrêté de reconduite à la frontière de M X précise que celui-ci n'allègue pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la date du 28 octobre 2004 à laquelle il a été pris le préfet de Meurthe-et-Moselle ne disposait ni du dossier de demande d'asile territorial de M X, ni de la décision du 29 mai 2001 lui notifiant le refus ministériel de lui accorder l'asile territorial ; que, dans ces conditions, M X est fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne s'est pas livré, avant de prendre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, à un examen particulier de sa situation et que cet arrêté est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 28 octobre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions figurant à l'article L761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... » ;
Considérant qu'il a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M X la somme de 1 500 € en application de ces dispositions ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 2 novembre 2004 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 28 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M X la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mansour X, au préfet de Meurthe-et-Moselle et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N°05NC00884