Vu la requête, enregistrée le 19 février 2007, présentée par le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE ; le préfet demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700110 du 22 janvier 2007 par lequel le président du Tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté préfectoral du 18 janvier 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Husne X ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'ont pas été méconnues ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas violé les dispositions de l'article
L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile ;
- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2007, présenté par Mlle X, qui conclut à la confirmation du jugement de première instance, donc au rejet de la requête présentée par le préfet de Meurthe-et-Moselle et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité dès lors que la décision de refus de titre de séjour du 25 août 2006 a été fondée sur un avis du médecin inspecteur pris irrégulièrement ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière est entaché d'illégalité dans la mesure où le préfet s'est borné à se conformer à l'avis du médecin inspecteur pour refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
- ledit arrêté a violé l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2007 :
- le rapport de M. Giltard, président,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité turque, a subi en janvier 2004 à l'hôpital Bicêtre au Kremlin-Bicêtre, une opération chirurgicale portant sur le fémur et le genou destinée à corriger en partie les séquelles orthopédiques graves d'une poliomyélite enfantine ; que si l'intéressée a fait valoir devant le premier juge que le chirurgien devait assurer un contrôle post-opératoire et que les plaques qui lui avaient été posées devaient être retirées dans les prochains mois, aucune date n'avait, en tout état de cause, été fixée, à la date de l'arrêté attaqué, pour procéder à cette intervention ; que, dans son avis du 18 juillet 2006, le médecin inspecteur de la santé publique mentionne que l'état de santé de Mlle X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée pourra bénéficier d'un traitement approprié en Turquie ; que, dans ces circonstances, en estimant, eu égard à l'affection dont est atteinte l'intéressée, que son état de santé ne justifiait pas qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait une juste application de ces dispositions ;
Considérant que c'est à tort que le président du Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur le motif tiré de la violation de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile pour annuler l'arrêté préfectoral du 18 janvier 2007 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X devant le Tribunal administratif de Nancy et la Cour ;
En ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de refus de titre de séjour :
Considérant que l'arrêté attaqué est fondé sur les dispositions de l'article L. 511-1, II 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile en vertu desquelles peut être reconduit à la frontière l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que Mlle X ne peut donc utilement, au soutien de son recours contre la mesure de reconduite à la frontière, exciper de l'illégalité de la décision en date du 25 août 2006 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui attribuer un titre de séjour ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : «Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (…). Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (…) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière.» ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, reprises sous les articles L. 511-1 à L. 511-3 et L. 512-1 à L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement serait illégale faute d'avoir été précédée des observations de Mlle X doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :
Considérant que Mlle X, qui a eu la possibilité, en application de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile, de déférer au président du tribunal administratif la décision préfectorale fixant le pays de renvoi, en même temps que l'arrêté de reconduite à la frontière, a bénéficié des dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, repris sous l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile, qu'elle ne peut par suite, pour les motifs qui viennent d'être indiqués à propos de la mesure de reconduite à la frontière, invoquer utilement les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si Mlle X fait valoir qu'en raison de l'aide apportée au parti politique KPIO, elle craint d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, dont les déclarations ne sont assorties d'aucun élément probant, courrait des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du Tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 18 janvier 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du président Tribunal administratif de Nancy en date du 22 janvier 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à Mlle Husne X.
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N° 07NC00246