Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2010, complétée par un mémoire enregistré le 24 janvier 2011, présentés par le PREFET DES VOSGES ;
Le PREFET DES VOSGES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000281 du 29 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, à la demande de M. A, d'une part, annulé l'arrêté en date du 13 janvier 2010 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, et, enfin, a condamné l'Etat à verser à l'intéressé la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy ;
3°) de condamner M. A à verser à l'Etat la somme de 200 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à M. A un titre de séjour pour raison de santé, dès lors que l'intéressé séjourne irrégulièrement en France, est dépourvu de ressources, d'attaches familiales, et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié et accessible au Kosovo ;
- M. A n'a pas apporté la preuve qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- si l'intéressé n'a pas suivi de traitement lors de son retour au Kosovo, cette circonstance ne démontre pas qu'il n'y a pas accessibilité aux soins ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 août 2010, présenté pour M. Bajram A, demeurant au Foyer d'accueil de la Voivre, 31-33 chemin de Cendrillon à Epinal (88000), par Me Koehl, avocat ;
Il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient ne pas pouvoir accéder aux soins nécessaires au Kosovo ; que le préfet, lorsqu'il a pris sa décision de refus, n'a procédé à aucune vérification sur sa prise en charge médicale, les documents produits étant postérieurs à la décision litigieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 19 novembre 2010, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,
- et les observations de Me Koehl, avocat de M. A ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé(...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé(...) ;
Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné audit article, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a effectué une demande de titre de séjour pour raisons médicales le 12 novembre 2009 ; que le médecin inspecteur de la santé publique a rendu, le 5 janvier 2010, un avis aux termes duquel si l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner à long terme des conséquences graves sur son état de santé, les soins nécessités par son état de santé doivent être poursuivis à vie, cette prise en charge actuelle peut être donnée dans son pays d'origine ; que M. A produit quatre certificats médicaux établis le 18 janvier 2010, le 16 février 2010, le 18 mars 2010 et le 23 mars 2010 indiquant qu'il souffre d'un diabète insulinodépendant, de troubles neurologiques consécutifs à une intervention chirurgicale réalisée en 2007 ainsi que d'apnée du sommeil, et qu'il n'a pas suivi de traitement approprié durant son séjour au Kosovo en 2008 ; que, toutefois, l'intéressé n'apporte pas d'élément circonstancié relatif aux soins exigés par sa pathologie à l'appui de son allégation générale selon laquelle il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, alors que le préfet, qui s'est approprié l'avis médical du 5 janvier 2010, soutient, sans être utilement contredit, que le domicile déclaré de M. A est situé à moins de 10 km du centre hospitalier de Ferizaj au Kosovo, centre traitant toutes les formes du diabète et que les médicaments nécessaires sont disponibles en pharmacie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur le motif tiré de la violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté en date du 13 janvier 2010 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français:
S'agissant du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions :
Considérant que, par un arrêté du 14 décembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet des Vosges a donné à M. Hugues Malecki, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département des Vosges, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
S'agissant du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision :
Considérant que la décision du 13 janvier 2010, qui fait état des circonstances de fait et des considérations de droit propres à la situation de M. A, satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a par ailleurs pas à faire l'objet d'une motivation formelle ;
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet des Vosges lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que ladite décision aurait méconnu lesdites dispositions doit être écarté ;
S'agissant du moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale , à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que, si M. A fait valoir qu'il est sur le sol français depuis 2003 et y a noué de nombreuses attaches amicales, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré illégalement sur le territoire national, a vécu dans son pays jusqu'à l'âge de 47 ans et n'établit pas avoir perdu tout lien avec le Kosovo, pays dans lequel il est retourné vivre en 2008 ; que, dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 13 janvier 2010 n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le PREFET DES VOSGES n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant du moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, l'intéressé n'entrant pas dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DES VOSGES n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
S'agissant du moyen tiré de l'exception d'illégalité du titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
S'agissant du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision :
Considérant que, par un arrêté du 14 décembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet des Vosges a donné à M. Hugues Malecki, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département des Vosges, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ;
Considérant que si M. A fait état de menaces au Kosovo, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il encourrait des risques en cas de retour au Kosovo ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES VOSGES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé son arrêté en date du 13 janvier 2010 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la partie perdante bénéficie du remboursement par l'autre partie des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions susmentionnées présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge M. A la somme que le PREFET DES VOSGES demande au titre des dispositions susmentionnées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1000281 du Tribunal administratif de Nancy en date du 29 juin 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Bajram A.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Epinal.
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10NC01138