Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2012 et complétée par un mémoire enregistré le 22 janvier 2013, présentée pour le Groupement Forestier de la Serva, représenté par son gérant et dont le siège est 10 rue des Dominicains à Nancy (54000) par Me Schamber, avocat ; Le Groupement forestier de la Serva demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803241-0803214 en date du 16 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 mai 2008 par lequel le préfet du Bas-Rhin a déclaré d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux des captages de la commune d'Ottrott, a déterminé les périmètres de protection autour desdits captages d'eau potable, a autorisé les travaux et installations de prélèvement d'eau et autorisé l'utilisation des eaux prélevées en vue de la consommation humaine ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet du Bas-Rhin en date du 21 juillet 2008 et, subsidiairement, les dispositions de l'article 4, de l'article 8.1.4, de l'article 8.1.6, de l'article 8.1.7, de l'article 8.1.11, de l'article 8.2.4, de l'article 8.6.1, de l'article 8.6.2 et d'ordonner une expertise et une étude hydrogéologique complémentaires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le Groupement forestier de la Serva soutient que :
- il n'est pas établi que le préfet du Bas-Rhin ait été saisi par la commune d'Ottrott d'un rapport établissant l'insuffisance de la ressource, de la description des travaux envisagés et des engagements mentionnés à l'article R. 412-20 et suivants du code forestier ;
- la collectivité publique aurait dû déposer une demande auprès du préfet, qui comprend un ensemble d'éléments visés à l'article R. 412-24 du code forestier, la procédure prévue aux articles R. 412-19 et suivants n'ayant pas été respectée ;
- la gestion équilibrée de la ressource en eau doit être compatible avec les droits d'exploitation des particuliers, notamment dans le cadre de la détermination des périmètres de protection ; la motivation retenue sera appréciée à l'aune des articles L. 211-1, L. 211-2 et L. 211-4-2 du code de l'environnement ;
- la démarche est en contradiction avec les articles R. 412-19 et suivants du code forestier, qui nécessitent de prendre en compte les contraintes propres à la gestion forestière dans le cadre des opérations de mise en place d'un captage ;
- la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté litigieux a donné lieu à la consultation de l'Office national des forêts sans consultation concurrente du Centre régional de la propriété forestière, ce qui a donné lieu à une inégalité de traitement entre gérant des forêts publiques ou privées ; il y a dès lors eu méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la charte de l'environnement ;
- le Tribunal n'a pas explicité les motifs pour lesquels la circulaire du 24 juillet 1990 devait être écartée de la discussion ;
- il convient de rattacher le moyen tiré des erreurs dans les visas de la décision attaquée et sur les autres pièces des critiques faites à la communication préalable de ses pièces par le préfet du Bas-Rhin, dès lors que les pièces jointes du préfet du Bas-Rhin en première instance étaient soit incomplètes, soit inexploitables ou erronées ;
- l'arrêté litigieux est incompatible avec le plan de gestion agréé et entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté litigieux n'est pas nécessaire et l'atteinte aux intérêts du groupement forestier est disproportionnée et retire au projet son caractère d'utilité publique ; l'évaluation des besoins n'a pas été réalisée de façon adaptée à la réalité des besoins de la consommation humaine mais dans la perspective d'une gestion touristique au détriment des intérêts de la gestion forestière, l'exploitation forestière constituant l'un des poumons économiques de la commune d'Ottrott ; les contraintes posées sont excessives au regard des intérêts de la protection et de la gestion de la ressource en eau ; de nombreuses dispositions de l'arrêté litigieux sont excessives et dépourvues de base légale notamment les articles 4 et 5, qui ne posent pas de limites aux prélèvements en eaux, ce qui peut être nocif pour le milieu et les forêts ; ce caractère excessif est révélé par le projet d'arrêté modificatif en date d'octobre 2008 ; l'expertise de M.A..., hydrogéologue agréé dans le Puy de Dôme, et celle de M. B..., ingénieur civil des forêts, révèlent les nombreuses erreurs et contradictions du travail de l'hydrogéologue ayant permis la préparation de l'arrêté litigieux ; l'arrêté réglemente les activités forestières sans égard pour le plan de gestion agréé et institue des contraintes excessives au regard d'une gestion forestière normale alors que les périmètres de protection imposés englobent 187 ha de forêts ; l'article 8.6 s'appliquerait à l'ensemble de cette surface ; le dimensionnement des périmètres rapprochés n'est pas satisfaisant dès lors que l'hydrogéologue ne fait pas référence au temps de transit des eaux et à la perméabilité du terrain notamment en ce qui concerne le temps de transit de 50 jours retenu par le guide du BRGM, considéré comme suffisant, soit pour filtrer, soit pour traiter les substances polluantes ; l'avis de l'hydrogéologue de 2006 relatif au forage du Burgenwald est plus contraignant que celui de 1997 alors même que le projet de 2006 était moins sensible aux effets de la pollution que celui de 1997 ; l'existence et la localisation des failles susceptibles d'accélérer la diffusion des substances polluantes n'ont pas été clairement étudiées ; la déclaration d'utilité publique n'est pas justifiée au regard de la balance à opérer entre les objectifs de gestion et protection de la ressource en eau et ceux de la gestion forestière ; la population à prendre en compte pour la commune d'Ottrott est de 1 500 habitants ; les premiers juges ont considéré sans preuve que les sols et le grès étaient vulnérables à la pollution susceptible d'être provoquée par l'exploitation forestière et liée aux traitements phytosanitaires, aux coupes rases avec une augmentation possible de la teneur en nitrates des eaux, au stockage et traitement sur place des bois ainsi qu'à la présence de voies de circulation ; les études passées révèlent l'absence d'incidence de la gestion forestière sur les captages ; l'arrêté litigieux impose une surface maximale de renouvellement des surfaces de 1 hectare par période de 5 ans, ce qui implique un temps de renouvellement de l'ensemble des surfaces de 930 ans, pour les 186 ha concernés ; les lacunes et imprécisions de l'arrêté en ce qui concerne les modalités de la répartition des surfaces à renouveler l'entachent d'illégalité ; les règles actuelles relatives au renouvellement des massifs conduisent à une gestion déséquilibrée et désordonnée de la ressource forestière ; de nombreuses dispositions de l'arrêté litigieux sont excessives et dépourvues de base légale, notamment :
- les articles 4 et 5, qui ne posent notamment pas de limites aux prélèvements en eaux, ce qui peut être nocif pour le milieu et les forêts ;
- les articles 8.1.4 et 8.2.4 posant des contraintes excessives sur le traitement des bois ;
- l'article 8.1.6 posant des contraintes excessives sur l'assainissement non collectif de la ferme de Rathsamhausen ;
- l'article 8.1.7 posant des contraintes excessives sur les constructions visées au regard de la réglementation imposée à la zone de Klingenthal ;
- l'article 8.1.11 posant des contraintes excessives en ce qui concerne la création de voies et pistes de circulation ;
- les articles 8.6.1 et 8.6.2 en ce qui concerne les modalités d'exploitation forestières imposant des contraintes excessives, notamment dès lors que la possibilité existe qu'il n'y ait pas de production de nitrates, ce qui fait perdre son objet à la réglementation critiquée ;
- l'article 8.2.12 sur les installations de transport et stockage, qui est excessif par sa généralité et contradictoire avec l'article 8.6.5 ;
- le principe d'égalité est méconnu tout particulièrement à l'aune de la comparaison entre les contraintes imposées au Groupement forestier de la Serva à Ottrott et celles qui régissent par exemple les activités sur le massif de la commune de Boersch et l'arrêté portant déclaration d'utilité publique de 2011 relatif aux captages protégés sur cette commune ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2012, présenté pour la commune d'Ottrott par Me Zaiger, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du Groupement Forestier de la Serva une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune d'Ottrott soutient que le CRPF n'avait pas à être consulté ; l'article 7 de la charte de l'environnement n'a pas été méconnu, une enquête publique ayant été organisée ; le Tribunal n'avait pas à expliciter les raisons pour lesquelles il a écarté l'application de la circulaire du 24 juillet 1990 ; les erreurs dans les visas étaient sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ; le Tribunal a répondu de façon justifiée au moyen tiré de l'incompatibilité de l'arrêté avec le plan de gestion agréé ; le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité n'est pas fondé ; le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 3 août 2009 est inopérant ; la demande d'expertise est inutile ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2012, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient qu'il s'en remet aux observations en défense du préfet du Bas-Rhin et que le moyen tiré des obligations non respectées par la commune d'Ottrott préalablement à la déclaration d'utilité publique n'est pas fondé ; les articles du code forestier dont se prévaut le Groupement Forestier de la Serva ne sont pas applicables et le moyen tiré de l'incompatibilité de l'arrêté avec les droits d'exploitation des particuliers n'est pas fondé pas plus que le moyen tiré des conditions irrégulières de consultation du CRPF et de l'Office national des forêts ou encore le moyen tiré de l'irrégularités des visas ou pièces ; il n'y a aucune incompatibilité entre la gestion de la ressource en eau organisée par l'arrêté litigieux et les activités forestières issues du plan de gestion agréé ; les prescriptions techniques contenues dans les différents articles de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin sont justifiées ; le requérant ne justifie pas de la situation comparable des données géologiques, hydrogéologiques et topographiques permettant de considérer qu'il y aurait un traitement discriminatoire et une méconnaissance du principe d'égalité dans les cas allégués ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Charte de l'environnement ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,
- et les observations de Me Schamber, avocat du Groupement forestier de la Serva, ainsi que celles de Me Maetz, avocat de la commune d'Ottrot ;
1. Considérant que le Groupement forestier de la Serva demande l'annulation du jugement en date du 16 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2008 par lequel le préfet du Bas-Rhin a déclaré d'utilité publique la dérivation des cinq sources et de deux forages situés sur le ban de la commune d'Ottrott, a déterminé les périmètres de protection autour des points de prélèvement, a autorisé les travaux et installations de prélèvement d'eau et autorisé l'utilisation des eaux prélevées en vue de la consommation humaine ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie au regard des dispositions des articles R. 412-19 et suivants du code forestier relatifs aux forêts de protection doivent être écartés comme inopérants dès lors qu'aucune forêt de protection n'est concernée par l'arrêté litigieux ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la consultation des centres régionaux de la propriété forestière dans le cadre de la procédure d'élaboration des arrêtés portant déclaration d'utilité publique relative à la dérivation des eaux et la détermination des périmètre de protection des captages d'eau potable ; que si les services de l'Office national des forêts ont quant à eux été sollicités par le service instructeur de la DDASS en vue de s'exprimer sur le projet d'arrêté préfectoral, il ressort des pièces du dossier que d'une part, le centre régional de la propriété forestière a également pu procéder à l'analyse dudit projet et soumettre son analyse au groupement requérant, lequel s'était vu notifier ledit projet pour observations préalablement à l'enquête publique ; que, d'autre part, il n'est aucunement établi que l'avis de l'Office national des forêts aurait eu une influence défavorable aux intérêts des gestionnaires et propriétaires de forêts privées de nature à caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité ; que le groupement requérant, en se bornant à se prévaloir des dispositions de l'article 7 de la charte de l'environnement pour critiquer la procédure de consultation suivie et la différence de traitement entre propriétaires et exploitants et des forêts publiques et privées, ne met pas la Cour à même d'apprécier la portée de son argument ; qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que le préfet du Bas-Rhin ait sollicité l'avis de l'Office national des forêts et non celui du Centre régional de la propriété forestière préalablement à l'édiction de son arrêté, n'est en l'espèce pas de nature à vicier la procédure d'élaboration de l'arrêté litigieux ;
4. Considérant, en troisième lieu, que le groupement requérant ne produit pas d'éléments suffisamment précis à l'appui de son moyen, à supposer même qu'il l'invoque, tiré de l'irrégularité de la réponse donnée par le Tribunal concernant l'application de la circulaire du 24 juillet 1990 de nature à permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien fondé ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1321-2 du code de la santé publique : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. / Lorsque les conditions hydrologiques et hydrogéologiques permettent d'assurer efficacement la préservation de la qualité de l'eau par des mesures de protection limitées au voisinage immédiat du captage, l'acte portant déclaration d'utilité publique peut n'instaurer qu'un périmètre de protection immédiate. (...)/ L'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines détermine, en ce qui concerne les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols existant à la date de sa publication, les délais dans lesquels il doit être satisfait aux conditions prévues par le présent article et ses règlements d'application. (...) Des actes déclaratifs d'utilité publique déterminent, dans les mêmes conditions, les périmètres de protection autour des points de prélèvement existants et peuvent déterminer des périmètres de protection autour des ouvrages d'adduction à écoulement libre et des réservoirs enterrés (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 1321-13 du même code : " Les périmètres de protection mentionnés à l'article L. 1321-2 pour les prélèvements d'eau destinés à l'alimentation des collectivités humaines peuvent porter sur des terrains disjoints. A l'intérieur du périmètre de protection immédiate, dont les limites sont établies afin d'interdire toute introduction directe de substances polluantes dans l'eau prélevée et d'empêcher la dégradation des ouvrages, les terrains sont clôturés, sauf dérogation prévue dans l'acte déclaratif d'utilité publique, et sont régulièrement entretenus. Tous les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols y sont interdits, en dehors de ceux qui sont explicitement autorisés dans l'acte déclaratif d'utilité publique. A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées. A l'intérieur du périmètre de protection éloignée, peuvent être réglementés les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols qui, compte tenu de la nature des terrains, présentent un danger de pollution pour les eaux prélevées ou transportées, du fait de la nature et de la quantité de produits polluants liés à ces travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols ou de l'étendue des surfaces que ceux-ci occupent " ;
6. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée ou à des intérêts généraux, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; que le Groupement forestier de la Serva fait valoir que l'opération litigieuse n'est pas nécessaire et que les inconvénients qu'elle présente excèdent les avantages qui sont censés la justifier, notamment au regard des nombreuses erreurs entachant la délimitation des périmètres et des contraintes excessives posées à l'exploitation forestière des bois concernés par l'arrêté litigieux ;
7. Considérant, d'abord, qu'il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté litigieux, le préfet du Bas-Rhin a autorisé la réalisation d'un captage supplémentaire via le forage du Bürgenwald destiné à l'alimentation en eau potable de la commune d'Ottrott, laquelle dispose ainsi d'un approvisionnement couvrant les besoins actuels habituels et lui permettant, grâce au nouveau forage, de préserver une marge de sécurité tant vis-à-vis des pics de consommation en période estivale et de fréquentation touristique que des perspectives de développement de la commune à moyen terme, la population ayant régulièrement crû depuis le début des années 1980 ;
8. Considérant ensuite que la détermination des périmètres de protection rapprochée propres aux différentes points de captage a été réalisée sur le fondement des études de vulnérabilité produites en 1997 et 1998 par deux bureaux d'études spécialisés et de deux avis émis en 1997 et août 2006 par l'hydrogéologue agréé par le préfet du Bas-Rhin révélant la vulnérabilité desdits captages et la nécessité de les protéger efficacement des risques de pollution issus, notamment, des activités relatives à l'exploitation forestière qui prédominent dans ce secteur ; que la vulnérabilité découle pour l'essentiel de l'existence de formations superficielles peu épaisses en certains endroits ainsi que de la présence de nombreuses fissures et failles du sol et sous-sol lui-même en forte pente et situés en amont des captages ce qui favorise le possible écoulement de substances polluantes vers les points de captage dans des délais ne permettant ni la résorption naturelle des substances nocives, ni l'adoption de mesures adaptées ; que l'extrapolation réalisée par un expert hydrogéologue sur le fondement des résultats issus du forage de Klingenthal pour l'évaluation des " valeurs de transmissivité " ne peut être retenue que dans le cas d'une similitude de structure géologique, qui n'est pas établie, notamment en ce qui concerne la consistance et le nombre de failles ou l'épaisseur du couvert filtrant ; que si l'expert retenu par le Groupement forestier de la Serva se prévaut également de l'erreur méthodologique consistant à étendre le PPR à l'aval de sources s'écoulant gravitairement sur une distance ramenée à un maximum de 200 mètres et qu'une telle erreur n'a pas été sérieusement contestée, une telle erreur n'est toutefois pas de nature à remettre en cause le sens et la teneur générale des analyses ayant conduit à la détermination des périmètres de protection rapprochée ; qu'enfin, la circonstance que la possibilité d'appeler des eaux depuis l'aval du forage vers l'Est par rabattement n'ait pas été exploitée pour déterminer les périmètres en aval n'est pas en soi de nature à invalider la détermination desdits périmètres de protection situés en amont ; que, de façon générale, les questionnements et analyses de l'expert mandaté par le Groupement forestier de la Serva ne permettent pas de démontrer le caractère erroné des principales hypothèses de travail, validées par les différentes visites de terrain effectuées par les deux bureaux d'études et l'hydrogéologue agréé par le préfet du Bas-Rhin et qui sont relatives à la structure et aux caractéristiques géologiques et hydrogéologiques du terrain du projet, notamment en ce qui concerne la problématique des failles et l'épaisseur du couvert filtrant ; que l'analyse critique de l'arrêté en date du 20 mai 2008 et des quatre études et avis précités émanant de l'hydrogéologue sollicité par le Groupement forestier de la Serva, ne permet donc pas de remettre en cause le constat de vulnérabilité précédemment établi par les bureaux d'études et l'hydrogéologue agréé par le préfet du Bas-Rhin sur la base des travaux théoriques complétés par des visites de terrain ;
9. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que les prescriptions contenues dans l'arrêté préfectoral et régissant notamment les conditions d'exploitation forestières au sein des périmètres de protection rapprochés visent à protéger la ressource en eau issue des captages des sources de pollution susceptibles de l'affecter ; que le groupement forestier de la Serva, s'il ne conteste pas l'utilité du périmètre et des prescriptions relatives aux périmètres de protection immédiats, critique néanmoins certaines prescriptions relatives aux périmètres de protection rapprochée affectant les conditions de l'exploitation forestière qu'il effectue sur une surface de près de 200 hectares ; qu'à cet égard et contrairement à ce qui est soutenu, le plan de gestion que le groupement forestier de la Serva met en oeuvre et qui a été agréé par le centre régional de la Propriété forestière en 2006 pour une durée de 18 ans ne permet pas de garantir en soi l'effectivité de la protection devant être assurée pour les points de captages concernés par l'arrêté en date du 20 mai 2008 ; que le groupement requérant ne peut donc s'en prévaloir à l'appui de sa contestation de l'utilité publique du projet contesté dont la légalité n'est au demeurant pas conditionnée par le respect de ce plan de gestion ; que, par ailleurs, le constat selon lequel les forêts favoriseraient la protection de la ressource en eau dès lors que ne pourraient s'y trouver des activités de nature agricole ou industrielle jugées plus polluantes que l'exploitation forestière, n'est pas par lui-même de nature à établir l'inutilité des mesures de protection envisagées dans les captages situées en zone forestière ; qu'il en va de même de la circonstance que, jusqu'à présent, l'exploitation menée n'aurait pas eu de conséquences négatives sur l'alimentation en eau potable émanant des cinq sources et du forage de Klingenthal de la commune d'Ottrott ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les inconvénients de l'arrêté contesté, lesquels tiennent aux contraintes posées à l'exploitation forestière dans un périmètre de protection rapprochée étendu couvrant près de 200 hectares autour des points de captage et forages concernés, ne sont pas excessives au regard de la nécessité de préserver la couverture des besoins croissants d'alimentation en eau potable de la commune d'Ottrott et le maintien d'un bon niveau de qualité de la ressource ; que le Groupement forestier de la Serva n'est donc pas fondé à soutenir que le caractère excessif desdits inconvénients prive l'opération litigieuse de son utilité publique ;
11. Considérant que le Groupement forestier de la SERVA soutient par ailleurs que de nombreuses prescriptions contenues dans l'arrêté du 20 mai 2008 instituent des contraintes excessives pour l'exploitation forestière qu'il réalise ; qu'à cet égard il ressort des pièces du dossier que la prescription relative à l'interdiction de la création de voies de circulation posée aux articles 8.1.11, 8.2.10 et 8.3.12 n'a pas pour objet, ainsi que l'ont précisé le préfet en première instance puis le ministre en appel, d'interdire la création de pistes forestières dès lors que la condition d'éloignement de 150 mètres par rapport à un point de captage est assurée ; que l'interdiction relative à l'installation d'ouvrages de transport et de stockage d'hydrocarbures et de produits chimiques de synthèse n'apparaît pas excessive au regard de la nécessité de préserver les captages des sources de pollution les plus graves, aucune installation de ce type n'existant d'ailleurs dans le périmètre de protection litigieux à la date de l'arrêté critiqué ; que cette interdiction issue de l'article 8.2.12 ne s'avère en rien contradictoire avec l'autorisation de stockage temporaire et sous strictes conditions de sécurité des mêmes substances en vue de ne pas contraindre excessivement les conditions d'exploitation forestière ; que la prescription de l'article 8.1.4 et 8.2.4 relative à l'interdiction du traitement des bois et forêts abattus dans le périmètre de protection rapprochée, sauf cas de force majeure, laquelle doit s'entendre comme proscrivant l'usage de produits polluants et notamment les produits phytosanitaires, est justifiée au regard du caractère vulnérable de la ressource visée par les captages et de l'impact nocif sur la qualité de l'eau qu'engendrerait l'infiltration de telles substances dans le milieu environnant ; qu'il n'est pas établi que l'équilibre écologique du secteur, notamment en ce qui concerne la faune et la flore, subisse un impact négatif en raison de l'absence de limitation des prélèvements opérés grâce aux captages litigieux, lesquels sont opérationnels depuis de nombreuses années hormis le forage de Bürgenwald ; qu'en tout état de cause, l'arrêté critiqué limite à un total de 1310 m3/jour, décliné par ailleurs pour chaque point de captage, le débit maximum autorisé pour le prélèvement et la distribution des eaux souterraines captées ; que le groupement forestier de la Serva n'est donc pas fondé à soutenir que les prescriptions contenues aux articles 4 et 5 de l'arrêté contesté sont irrégulières, faute d'avoir prévu une telle limitation ; qu'eu égard aux différences régissant la nature et la situation géographique et hydraulique des constructions situées dans les zones A et B du PPR de Klingenthal, le Groupement forestier de la Serva ne peut utilement soutenir que la ferme de Rathsamhausen subirait un traitement discriminatoire au regard des restrictions plus limitées opposées aux constructions du lotissement de Klingenthal ; qu'enfin, le groupement requérant ne produit aucun élément de nature à étayer ses allégations relatives au caractère coûteux et contraignant de la mise en place d'un dispositif d'évacuation des eaux en dehors du périmètre de protection rapprochée alors qu'il est constant que la ferme de Rathsamhausen se situe à 400 mètres en amont de la source S5, ce qui expose ladite source à un risque particulier de pollution, notamment en cas d'interruption ou de mauvais fonctionnement du dispositif de traitement des eaux usées réalisé, lequel n'est d'ailleurs pas opérationnel ; qu'il s'ensuit que le groupement n'est pas fondé à soutenir que la prescription contenue à l'article 8.1.6 est disproportionnée au regard de l'objectif de maintien de la salubrité publique poursuivi ;
12. Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article 8.6.1 de l'arrêté litigieux relatif aux activités forestières réglementées sur l'ensemble des périmètres de protection rapprochée : " La coupe à blanc dans un peuplement en régénération naturelle, sauf en cas de dépérissement forestier et de chablis, doit être réalisée selon les règles suivantes : -elle ne devra pas excéder un hectare par périodes de 5 ans ; -chaque surface ne devra pas excéder un hectare en un ou plusieurs lots ; -pendant 5 ans, deux lots ne pourront pas être contigus." ; qu'aux termes de l'article de l'article 8.6.2 " La coupe à blanc dans un peuplement faisant l'objet d'une replantation, sauf en cas de dépérissement forestier et de chablis, doit être réalisée selon les règles suivantes ; -elle ne devra pas excéder 1 hectare d'un seul tenant ; -la surface cumulée ne devra pas excéder 3 hectares par an ; -le cumul des surfaces coupées ne devra pas excéder 5 hectares pour une période de 5 ans " ; que, pour critiquer les prescriptions contenues aux articles 8.6.1 et 8.6.2 précités relatives aux modalités d'exploitation forestières pour les coupes et régénérations, le Groupement forestier de la Serva se prévaut des analyses réalisées par un hydrogéologue et un ingénieur civil des forêts, qui indiquent qu'outre l'impact quantitatif limité de la nitrification des sols au regard de l'enjeu lié à la potabilité de l'eau captée, les études de vulnérabilité ou les deux avis de l'hydrogéologue agréé par le préfet du Bas-Rhin ne font état d'aucun élément précis de nature à expliquer et justifier les limitations apportées aux conditions d'exploitation forestière, via les modalités contenues dans l'arrêté pour la réalisation des coupes à blanc tant en régénération naturelle que pour les plantations faisant l'objet d'une replantation ; qu'à cet égard, le ministre se borne à se référer de manière générale à la circonstance que, par ses écritures, le groupement forestier de la Serva ne nierait pas la nitrification résultant des coupes à blanc, cet effet ayant été lui-même noté par l'hydrogéologue agréé, et que la prescription ne serait pas aussi contraignante que le groupement requérant l'allègue ; qu'au regard de la critique circonstanciée émanant du Groupement forestier de la Serva, lequel établit notamment l'impact très faible de la nitrification attribuée aux coupes à blanc sur le maintien d'une ressource en eau de qualité et en l'absence d'éléments probants susceptibles de justifier la nécessité ainsi que, en tout état de cause, la proportionnalité des prescriptions critiquées au regard des contraintes qu'elle pose pour l'exploitation du massif forestier dans leur rédaction actuelle, ledit groupement est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité en tant qu'il fixe les prescriptions relatives aux coupes à blanc dans les termes énoncés aux articles 8.6.1 et 8.6.2 ;
13. Considérant que les moyens tirés de l'absence de périmètre de protection éloignée et de la méconnaissance du principe d'égalité entre exploitants forestiers doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Groupement forestier de la Serva est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 16 novembre 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 mai 2008 par lequel le préfet du Bas-Rhin a déclaré d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux des captages de la commune d'Ottrott, a déterminé les périmètres de protection autour desdits captages d'eau potable, a autorisé les travaux et installations de prélèvement d'eau et autorisé l'utilisation des eaux prélevées en vue de la consommation humaine, mais seulement en tant que ledit arrêté contient des prescriptions illégales dans les termes et selon les modalités visés aux articles 8.6.1 et 8.6.2 relatifs aux coupes à blancs ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Groupement forestier de la Serva, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune d'Ottrott demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros au Groupement forestier de la Serva au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 20 mai 2008 est annulé en tant qu'il comporte des prescriptions relatives aux coupes à blanc selon les modalités énoncées aux articles 8.6.1 et 8.6.2.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au Groupement forestier de la Serva une somme de 1 000 € (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête du Groupement forestier de la Serva est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Ottrott tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au Groupement forestier de la Serva, à la commune d'Ottrott et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
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