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02/07/2015 | FRANCE | N°13NC00020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 13NC00020


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire droit du 30 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a joint les requêtes présentées, sous les n° 13NC00010 et 13NC00020, par la commune de Jettingen et par M. B...D...contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 0800406 du 30 août 2011, a annulé ce jugement, a condamné la commune de Jettingen à verser une provision de 3 000 euros à M. B...D...et a ordonné une expertise en vue de déterminer l'étendue des préjudices dont ce dernier demande réparation.

L'expert a remis son rapport le 2

9 décembre 2014.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2015, la société Nov...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire droit du 30 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a joint les requêtes présentées, sous les n° 13NC00010 et 13NC00020, par la commune de Jettingen et par M. B...D...contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 0800406 du 30 août 2011, a annulé ce jugement, a condamné la commune de Jettingen à verser une provision de 3 000 euros à M. B...D...et a ordonné une expertise en vue de déterminer l'étendue des préjudices dont ce dernier demande réparation.

L'expert a remis son rapport le 29 décembre 2014.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2015, la société Novadal conclut, par les mêmes motifs, aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

L'instruction a été close à la date du 22 avril 2015 par une ordonnance du 20 mars 2015.

Par un mémoire, enregistré le 21 avril 2015, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) de condamner la commune de Jettingen à lui verser la somme totale de 97 130,25 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de condamner la commune de Jettingen aux entiers dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D...soutient que :

- il a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 1 357 euros ;

- son déficit fonctionnel partiel doit être évalué à 13 773,25 euros ;

- les souffrances endurées et son préjudice esthétique sont évalués, respectivement, à 15 000 euros et 7 000 euros ;

- son préjudice scolaire et professionnel, son préjudice d'agrément et son préjudice moral sont évalués, pour chacun de ces chefs de préjudice, à 20 000 euros.

L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 22 avril 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2015, la commune de Jettingen, représentée par MeA..., conclut, par les mêmes motifs, aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

La commune de Jettingen fait valoir, en outre, que les préjudices allégués ne sont pas établis.

Vu :

- les pièces du dossier dont il ressort que la requête a été communiquée à la Muta Santé, pour laquelle il n'a pas été formulé d'observations ;

- l'ordonnance du 2 février 2015 par laquelle le président de la cour administrative d'appel a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme totale de 1 482 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour M.D....

1. Considérant que M. B...D...a été victime le 19 juillet 2004, alors qu'il était âgé de 9 ans, d'une fracture au genou droit en manipulant une table de ping-pong en béton, située sur le terrain de jeux de la commune de Jettingen ; que, par un jugement du 30 août 2011, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, saisi par les parents de M.D..., a condamné la commune à leur verser la somme de 3 000 euros en réparation des dommages subis par leur enfant et a rejeté les appels en garantie formés par la commune de Jettingen contre les sociétés Novadal et Atout Sport, respectivement fabricant et fournisseur de la table de ping-pong ; que, par un arrêt avant-dire droit du 30 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a joint les requêtes présentées par la commune de Jettingen et par M. B...D..., devenu majeur, contre le jugement du 30 août 2011 puis, après avoir annulé ce jugement pour irrégularité, a retenu la responsabilité de la commune de Jettingen dans la survenue des dommages subis par M.D..., l'a condamnée à verser une provision de 3 000 euros à la victime et a ordonné une expertise en vue de déterminer l'étendue des préjudices dont celle-ci demande réparation ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices personnels temporaires :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la cour, qu'à la suite de la fracture dont il a été victime, M. D...a subi plusieurs périodes d'hospitalisation, du 19 juillet au 10 août 2004, du 5 au 7 septembre 2004, du 10 au 13 juillet 2005, du 19 au 21 juillet 2007 et du 18 au 27 novembre 2010, pendant lesquelles il a présenté un déficit fonctionnel total ; qu'il a également subi, du 11 août 2004 au 4 septembre 2004 et du 1er janvier 2005 au 20 avril 2011, des périodes d'incapacité partielle pendant une durée totale supérieure à six ans ; qu'il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par M. D...en conséquence de sa fracture en l'évaluant à 20 000 euros ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les souffrances endurées par M.D..., qui a fait notamment l'objet d'interventions chirurgicales les 20 juillet 2004, 5 août 2004, 6 septembre 2004, 11 juillet 2005, 20 juillet 2007 et 19 novembre 2010, sont évalués par l'expert à 5 sur une échelle de 0 à 7 ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce chef de préjudice doit être fixé à 15 000 euros ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. D...a subi, avant la consolidation de son état, un préjudice esthétique temporaire résultant notamment de l'utilisation de cannes anglaises pendant plus de quatorze mois ; que ce chef de préjudice se distingue de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 2 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices personnels permanents :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise, notamment des conclusions du sapiteur, médecin psychiatre, que les perturbations psychologiques alléguées par M. D... ne sont pas imputables à l'accident du 19 juillet 2004 et aux soins pratiqués jusqu'en 2011 ; qu'en revanche, il ressort de ce même rapport que cet accident est à l'origine de séquelles physiques, malgré la consolidation de l'état de santé de l'intéressé, fixée au 21 avril 2011 par l'expert ; que celui-ci, chirurgien orthopédiste, évalue à 5 % le déficit fonctionnel permanent dont M. D...est resté affecté ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 6 000 euros ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et du certificat médical du 21 avril 2015 produit par M.D..., que les séquelles physiques dont ce dernier reste affecté ont pour effet de limiter ses activités sportives ; que le préjudice d'agrément ainsi subi par l'intéressé doit être évalué à 5 000 euros ;

7. Considérant, en troisième lieu, que le préjudice esthétique permanent de M.D..., résultant des cicatrices laissées par les interventions chirurgicales précitées, sont évaluées à 1,5 sur une échelle de 0 à 7 par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 1 000 euros ;

8. Considérant, en dernier lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice moral subi par M. D...à la suite de l'accident dont il a été victime doit être évalué à 6 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices scolaire et professionnel :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des propres déclarations de M. D... au cours des opérations d'expertise, que la scolarité suivie par l'intéressé au collège n'a pas été perturbée par l'accident du 19 juillet 2004 et les soins nécessités par son état ; que M. D... ayant choisi ensuite de préparer un baccalauréat professionnel en vue de devenir paysagiste, il ne lui a pas été possible de mener sa période d'apprentissage jusqu'à son terme et de se présenter aux épreuves du baccalauréat en raison de l'intervention chirurgicale du 19 novembre 2010, elle-même suivie d'un arrêt de travail jusqu'au mois de mai 2011 ; qu'en revanche, il n'est pas établi que les séquelles physiques dont M. D...est resté affecté seraient incompatibles avec les fonctions de paysagiste et lui auraient ainsi interdit de se présenter à nouveau aux épreuves du baccalauréat ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice scolaire et professionnel subi par l'intéressé en lui allouant une somme de 5 000 euros à ce titre ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par M. D...s'établissent à la somme totale de 60 000 euros ; que, compte tenu de la provision allouée à l'intéressé par l'arrêt avant-dire droit du 30 janvier 2014, d'un montant de 3 000 euros, il y a lieu de condamner la commune de Jettingen à lui verser la somme de 57 000 euros ;

Sur les appels en garantie formés par la commune de Jettingen :

11. Considérant, en premier lieu, que la commune de Jettingen demande la condamnation de la société Novadal, fabricant de la table de ping-pong à l'origine des dommages subis par M. D..., à la garantir du montant des réparations mises à sa charge ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la société Novadal n'entretient aucun lien contractuel avec la commune de Jettingen, laquelle a commandé la table litigieuse à la société Atout Sport ; que la circonstance que la commune ait installé un ouvrage fabriqué par la société Novadal n'a pas pour effet, à elle seule, de faire participer cette société à une opération de travaux publics ; que, par suite, l'appel en garantie tendant à la condamnation de cette société, personne privée, à réparer les conséquences dommageables de l'accident du 19 juillet 2004 ne relève pas de la compétence du juge administratif ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que les dommages ne sont pas imputables à la conception ou aux conditions de fabrication de la table de ping-pong, mais à son installation défectueuse par les services municipaux ;

12. Considérant, en second lieu, que la commune appelle également la société Atout Sport à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, en reprochant à cette société de ne pas lui avoir procuré les informations et les éléments nécessaires à une installation appropriée de la table de ping-pong ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la société mise en cause a fourni à la commune une notice de montage mentionnant l'ensemble des informations nécessaires à une installation correcte de l'ouvrage et indiquant de façon suffisamment précise les éléments indispensables pour fixer les plateaux de la table au piétement en béton et assurer l'ancrage de celui-ci au sol ; que si certains de ces éléments n'étaient pas fournis avec la table de ping-pong, ainsi qu'il était indiqué dans la notice, il appartenait aux services de la commune de se les procurer afin d'assurer la stabilité de l'ouvrage ; que, par suite, les conclusions présentées par la commune de Jettingen tendant à être garantie de ses condamnations par la société Atout Sport ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

14. Considérant que, par une ordonnance du 2 février 2015, les frais d'expertise exposés devant la cour ont été liquidés et taxés à la somme totale de 1 482 euros, dont 900 euros au titre des honoraires de l'expert, chirurgien orthopédiste, et 582 euros au titre des honoraires du sapiteur, médecin psychiatre, lequel a bénéficié dès le 10 septembre 2014 d'une allocation provisionnelle mise à la charge de la commune de Jettingen ; qu'il y a lieu de mettre l'ensemble de ces honoraires à la charge définitive de la commune de Jettingen ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. D...et des sociétés Novadal et Atout Sport, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que la commune de Jettingen demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Jettingen une somme de 1 500 euros à verser à M.D..., ainsi qu'une somme d'un même montant à verser à chacune des deux sociétés ;

D E C I D E :

Article 1er : La commune de Jettingen est condamnée à verser à M. D...une somme de 57 000 (cinquante-sept mille) euros.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Jettingen tendant à être garantie par la société Novadal sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 482 (mille quatre cent quatre-vingt deux) euros, sont mis à la charge de la commune de Jettingen.

Article 4 : La commune de Jettingen versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à M.D..., ainsi qu'une somme d'un même montant à chacune des sociétés Novadal et Atout Sport, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Jettingen, à M. B... D..., à la société Novadal, à la société Atout Sport et à la Muta santé.

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N° 13NC00010, 13NC00020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00020
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Absence ou existence du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP ; GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP ; GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;13nc00020 ?
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