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07/04/2016 | FRANCE | N°15NC00372

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 15NC00372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme totale de 1 298 880,32 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge par l'établissement de santé le 7 mars 2005.

Par un jugement n° 1202010 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015, et un mémo

ire en réplique enregistré le 27 juillet 2015, Mme H...D..., épouse de M. G... F...décédé le 19 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme totale de 1 298 880,32 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge par l'établissement de santé le 7 mars 2005.

Par un jugement n° 1202010 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 27 juillet 2015, Mme H...D..., épouse de M. G... F...décédé le 19 juillet 2013, et MM. B...et C...F..., fils du requérant, représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 décembre 2014 ;

2°) à titre principal, d'ordonner une expertise médicale en vue de se prononcer sur les fautes médicales alléguées et l'étendue des préjudices dont il est demandé réparation ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à leur verser la somme totale de 1 298 880,32 euros en réparation des préjudices subis par leur époux et père à la suite de la prise en charge de ce dernier le 7 mars 2005 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- une nouvelle expertise est nécessaire dès lors que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif ne disposait pas du scanner préopératoire, que cet expert ne s'est pas prononcé sur l'indication opératoire et la durée de l'intervention, qu'il n'était pas spécialisé en chirurgie vasculaire et que ses conclusions sont contredites par une contre-expertise du chef du service de chirurgie vasculaire des hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

- le service dans lequel M. F...a été pris en charge a fait l'objet d'une fermeture administrative à la suite d'une enquête diligentée par l'agence régionale de santé de Lorraine ;

- il ressort de la contre-expertise précitée que le syndrome de revascularisation présenté par M. F...est imputable à la durée anormalement longue de l'intervention, que cette complication a été prise en charge avec retard et que l'intervention s'est déroulée en dehors de toutes les normes définies pour la spécialité de chirurgie vasculaire ;

- un défaut d'information et une indication opératoire erronée sont également imputables au centre hospitalier ;

- le déficit fonctionnel permanent, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément s'établissent, respectivement, à 87 500 euros, 124 780 euros, 20 000 euros, 6 000 euros et 25 000 euros ;

- les frais d'aménagement du domicile et l'incidence professionnelle sont évalués, respectivement, à 40 000 euros et 995 600,32 euros.

Par un courrier enregistré le 15 juin 2015, la caisse du régime social des indépendants informe la cour qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 22 juin 2015 et le 2 novembre 2015, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Le centre hospitalier fait valoir que :

- tant les deux experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif que les deux autres experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine concluent à l'absence de faute médicale ;

- trois de ces experts étaient spécialisés en chirurgie cardiaque et vasculaire ;

- une nouvelle expertise présenterait un caractère frustratoire ;

- les requérants ne démontrent pas qu'une faute aurait été commise au regard des connaissances médicales à la date de l'intervention chirurgicale ;

- les dommages subis à la suite de l'intervention trouvent leur origine dans l'état antérieur du patient ;

- les requérants ne justifient pas du montant des préjudices allégués, lesquels doivent en toute hypothèse faire l'objet d'un prorata en raison du décès de M.F... ;

- le déficit fonctionnel temporaire ne saurait faire l'objet d'une évaluation sur la base de 8 000 euros par mois ;

- le préjudice professionnel ne peut faire l'objet d'une capitalisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour les requérants.

1. Considérant que M.F..., né le 9 août 1953, qui souffrait de pathologies vasculaires évolutives, a été pris en charge le 7 mars 2005 par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville en vue du traitement chirurgical d'un anévrisme de l'aorte abdominale ; qu'à la suite de cette opération, un syndrome des loges est apparu au niveau du membre inférieur droit, nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale le 8 mars 2005 ; que M. F...a été transféré le 9 mars 2005 à l'hôpital militaire Legouest de Metz où il est resté hospitalisé jusqu'au 7 avril 2005 pour y subir plusieurs opérations en raison, notamment, de l'apparition d'un syndrome des loges au membre inférieur gauche ; que M.F..., qui était resté atteint de troubles neuromoteurs et sensitifs au niveau des deux membres inférieurs, a recherché la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que la demande d'indemnisation présentée par l'intéressé, décédé le 19 juillet 2013, a été rejetée par un jugement du tribunal administratif en date du 23 décembre 2014 ; qu'en leur qualité d'héritiers, l'épouse et les deux fils de M. F...relèvent appel de ce jugement et, à titre principal, sollicitent une nouvelle expertise médicale et, à titre subsidiaire, réitèrent devant la cour les conclusions tendant à la condamnation de l'établissement de santé à verser la somme totale de 1 298 880,32 euros en réparation des préjudices subis par leur époux et père ;

Sur la demande tendant à ce qu'une nouvelle expertise médicale soit ordonnée :

2. Considérant que, sur saisine de M.F..., le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné une expertise le 10 avril 2008 et en a confié la mission à un médecin spécialiste des maladies cardiaques et vasculaires, assisté d'un praticien chef de service de chirurgie cardiaque et vasculaire ; que les requérants contestent les conclusions du rapport déposé le 27 mars 2009 à la suite de cette mission d'expertise, au motif notamment que les experts n'auraient pas disposé de l'ensemble des pièces du dossier médical et auraient omis de soumettre leurs conclusions aux parties avant de déposer leur rapport définitif ; que toutefois, il résulte de l'instruction que M. F... a également saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine d'une demande tendant à la réparation de ses préjudices ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1142-9 du code de la santé publique, le président de la commission régionale a prescrit le 9 juillet 2010 une mission d'expertise confiée à deux médecins spécialisés, selon les termes de la mission, en chirurgie cardio-vasculaire et en anesthésie-réanimation et infectiologie ; qu'il n'est pas établi que ces deux experts, eu égard à leurs spécialités, n'auraient pas présenté les compétences nécessaires pour se prononcer sur les conditions dans lesquelles M. F... a été pris en charge par le centre hospitalier, ni n'auraient disposé des éléments du dossier médical nécessaires à l'examen de la situation médicale de l'intéressé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les opérations d'expertise conduites dans le cadre de la procédure de règlement amiable n'auraient pas été contradictoires ; qu'ainsi, compte tenu des conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations d'expertise devant la commission régionale et du contenu du rapport déposé devant celle-ci, la mesure sollicitée par les requérants ne présente pas de caractère utile, ainsi que l'ont estimé, par ailleurs, les premiers juges qui se sont fondés sur les conclusions des experts désignés par la commission ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine, que l'aorte abdominale de M. F...présentait un anévrisme de 50 millimètres de diamètre, dont le traitement nécessitait une intervention chirurgicale afin d'éviter le risque d'une rupture ; que selon les experts désignés par la commission régionale, la mise en oeuvre, par le chirurgien du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, d'une mise à plat-greffe au moyen d'une prothèse bifurquée aorto-bi-iliaque avec réimplantation de l'artère mésentérique était médicalement justifiée ; qu'il n'est pas établi qu'une technique chirurgicale alternative, au moyen d'une endoprothèse aortique, aurait été possible à la date à laquelle M. F...a été opéré, alors que les experts précisent que la chirurgie endovasculaire n'était pas validée en 2005, et que l'état de santé de l'intéressé n'aurait, en tout état de cause, pas permis de recourir à cette nouvelle technique chirurgicale ; que si les requérants font état de la fermeture administrative, au cours de l'année 2010, du service de chirurgie dans lequel M. F...a été pris en charge, il ne résulte pas de l'instruction que le chirurgien ayant procédé à l'intervention n'aurait pas disposé des compétences requises en chirurgie vasculaire ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le centre hospitalier régional de Metz-Thionville aurait commis une faute médicale en décidant de procéder à une intervention chirurgicale le 7 mars 2005 ou en utilisant une technique chirurgicale inadaptée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction notamment du rapport d'expertise précité, que la technique opératoire a été rendue très difficile par l'obésité du patient, la profondeur du champ opératoire et les calcifications affectant les vaisseaux sanguins du patient, notamment l'aorte abdominale sous rénale et les deux iliaques, justifiant une durée d'intervention de près de huit heures et un clampage de l'aorte pendant trois heures quinze ; que, dans ces conditions, si les lésions ischémiques affectant les membres inférieurs, et par conséquent les séquelles dont le patient est resté atteint, sont imputables à la durée du clampage aortique, il n'est pas établi que le chirurgien du centre hospitalier aurait commis une faute dans la conduite de l'intervention chirurgicale ; qu'à cet égard, les experts désignés par la commission régionale précisent que les soins, les investigations et les actes annexes ont été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque à laquelle ils ont été pratiqués ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte encore du rapport d'expertise précité que l'ischémie affectant les membres inférieurs à la suite de l'intervention chirurgicale du 7 mars 2005 a eu pour effet d'augmenter la pression à l'intérieur des loges et a aggravé les lésions musculaires et neurologiques de M.F... ; que, selon les experts, l'aponévrotomie, qui permet seule de contrôler le développement d'un syndrome des loges, doit être réalisée dans les six heures de l'installation de celui-ci afin d'éviter d'éventuelles séquelles, celles-ci devenant fréquentes, malgré l'intervention chirurgicale, entre douze et vingt-quatre heures après le diagnostic du syndrome ; que M. F... est sorti de la salle d'opération le 7 mars 2005 vers 22 heures 30 et a été extubé le lendemain matin vers 9 heures ; que le patient ne s'est plaint de crampes au niveau du mollet droit que dans l'après-midi du 8 mars 2005, indiquant l'installation d'un syndrome des loges, ainsi qu'il ressort du compte-rendu établi le 9 mars 2005 par le professeur Pitti qui a pris en charge le patient à l'hôpital militaire de Legouest ; qu'il résulte de l'instruction que des écho-doppler ont été réalisés afin de contrôler l'état du malade et que l'intervention chirurgicale par aponévrotomie à la jambe droite a été réalisée au centre hospitalier de Metz-Thionville le 8 mars 2005 à 19 heures, soit vingt heures après sa sortie du bloc opératoire, mais quelques heures seulement après la manifestation des premiers symptômes du syndrome des loges ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les complications observées chez M. F...à la suite de l'intervention portant sur l'anévrisme aortique auraient été prises en charge avec retard ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'un manquement d'un établissement de santé à son obligation d'information n'engage sa responsabilité que dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l'intervention ; qu'il résulte du rapport d'expertise déposé devant la commission régionale que l'état de santé de M. F...nécessitait une intervention chirurgicale en urgence afin d'éviter une rupture de son anévrisme aortique, laquelle pouvait intervenir à tout moment ; que l'intéressé ne pouvait se soustraire à cette intervention qui était impérieusement requise ; que, dans ces conditions, le défaut d'information reproché au centre hospitalier, à le supposer établi, n'a fait perdre à M. F...aucune chance d'échapper au risque lié à l'intervention et qui s'est réalisé ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande présentée par M.F... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D...épouseF..., à M. C... F..., à M. B... F..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville et à la caisse du régime social des indépendants de Lorraine.

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