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12/05/2016 | FRANCE | N°14NC01089

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 12 mai 2016, 14NC01089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Poulingue a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à lui verser la somme de 407 990,01 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 29 octobre 2010 au titre du solde du lot n° 6 " façades polycarbonates " du marché conclu le 27 novembre 2006 en vue de la construction de quatre bâtiments universitaires.

Par un jugement n° 1002

040 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Poulingue a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à lui verser la somme de 407 990,01 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 29 octobre 2010 au titre du solde du lot n° 6 " façades polycarbonates " du marché conclu le 27 novembre 2006 en vue de la construction de quatre bâtiments universitaires.

Par un jugement n° 1002040 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a condamné la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " au paiement d'une somme de 162 025,01 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010, capitalisés à compter du 29 octobre 2011 et, d'autre part, a condamné la Sarl Lipsky-Rollet Architectes à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à hauteur de 95 % des condamnations prononcées à son encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2014, la Sarl Lipsky-Rollet Architectes, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 avril 2014 ;

2°) de réduire la condamnation de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " au paiement d'une somme de 3 788,52 euros au titre des travaux supplémentaires n° 17 et 30 et de la condamner, en conséquence, à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à hauteur de cette seule somme ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- hormis les travaux supplémentaires n° 17 et 30 d'un montant de 3 788,52 euros toutes taxes comprises (TTC), les travaux supplémentaires dont le tribunal administratif a accordé le paiement étaient déjà compris dans le marché global et forfaitaire conclu entre la société Poulingue et la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " ;

- hormis pour les travaux supplémentaires n° 17 et 30 d'un montant de 3 788,52 euros TTC imputables à une erreur de conception de sa part, elle n'a commis aucune faute impliquant qu'elle soit condamnée à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " d'une condamnation au paiement de travaux supplémentaires ;

- elle ne peut être tenue de garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " du paiement de travaux supplémentaires indispensables dont le coût aurait en tout état de cause dû être pris en charge par le maître d'ouvrage ;

- les articles 16 et 17 du cahier des clauses administratives particulières prévoient un seuil de tolérance de 2 % sur le coût de réalisation des travaux, ce qui implique qu'elle ne pourrait être condamnée à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " que si les travaux supplémentaires dont le paiement serait accordé par la cour excédaient ce seuil de tolérance.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 mai 2015 et le 16 octobre 2015, la société Poulingue, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) subsidiairement, par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement en tant que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à 162 025,01 euros le montant des travaux supplémentaires dus par la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " au titre du solde du marché ;

- de porter à la somme de 329 875,25 euros, ou subsidiairement 320 276,45 euros, le montant des travaux supplémentaires dus au titre du solde du marché et de majorer cette condamnation, d'une part, par les intérêts dus au titre du retard de mandatement du solde du marché et, d'autre part, par les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010, capitalisés à compter du 29 octobre 2011 ;

- de condamner solidairement la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " et la Sarl Lipsky-Rollet Architectes au paiement des frais d'expertise et des frais d'avocat exposés dans le cadre du référé constat et du référé expertise ;

3°) de condamner solidairement la Sarl Lipsky-Rollet Architectes et la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel de la Sarl Lipsky-Rollet Architectes est irrecevable faute de moyen dirigé contre le jugement ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la totalité les travaux supplémentaires dont elle demande le paiement n'est pas comprise dans le marché initial ; tous les travaux dont elle demande le paiement ont été indispensables ou utiles ;

- elle a droit au paiement d'intérêts moratoires résultant du remboursement tardif par la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " de la retenue de garantie opérée dans le cadre du marché ;

- ses conclusions d'appel incident sont recevables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2015, la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes ", représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions d'appel incident de la société Poulingue.

Elle soutient que :

- la requête de la Sarl Lipsky-Rollet Architectes et les conclusions d'appel incident de la société Poulingue sont irrecevables faute de comporter des moyens critiquant le jugement ;

- subsidiairement, le tribunal n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant une partie des demandes d'indemnisation présentées par la société Poulingue ;

- la condamnation de la société Lipsky-Rollet Architectes à la garantir à hauteur de 95% des condamnations prononcées à son encontre est justifiée par les erreurs commises par le maître d'oeuvre.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la société Poulingue contre la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes ", en l'absence d'aggravation de sa situation à l'issue de l'appel principal présenté par la société Lipsky-Rollet Architectes contre la communauté d'agglomération.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Lipsky-Rollet Architectes tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il condamne la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à verser une somme de 162 025,01 euros TTC à la société Poulingue au titre des travaux supplémentaires et tendant à ce que la condamnation de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " soit limitée à 3 788,52 euros, le garant n'étant pas admis à demander la réformation du jugement en tant qu'il a condamné le maître d'ouvrage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant la Scp Dufay-Suissa-C... -Werthe, représentant la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes ".

1. Considérant que la communauté d'agglomération troyenne a conclu, le 27 novembre 2006, un marché public pour la construction d'un campus universitaire de quatre bâtiments dans le centre ville de Troyes ; que le lot n° 6 " façades polycarbonates " a été confié à la société Poulingue pour un prix global et forfaitaire de 899 505,08 euros hors taxes ; que la société à responsabilité limitée (Sarl) Lipsky-Rollet Architectes a été chargée de la maîtrise d'oeuvre ; qu'après réception et levée des réserves, la société Poulingue a transmis au maître d'oeuvre son projet de décompte final dans le cadre duquel elle a demandé le paiement d'une somme de 329 965,25 euros au titre de travaux supplémentaires ; que la société Poulingue a, le 4 mars 2010, transmis le décompte général signé accompagné d'un mémoire en réclamation pour le paiement des travaux supplémentaires ; que cette réclamation ayant été rejetée le 3 mai 2010, la société Poulingue a saisi, le 29 octobre 2010, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération troyenne, dénommée désormais " Le Grand Troyes ", à lui verser la somme de 407 990,01 euros toutes taxes comprises, correspondant au remboursement de la retenue de garantie à hauteur de 4 995,86 euros et au paiement de travaux supplémentaires pour un montant de 394 530,80 euros, majorée des intérêts moratoires pour un montant de 8 463,35 euros, ceux-ci étant capitalisés et produisant eux-mêmes intérêts ; que, par jugement du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donné acte du désistement de la société Poulingue en ce qui concerne ses conclusions tendant à la restitution de l'original de la caution bancaire et au remboursement de la retenue de garantie, condamné la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à payer à la société Poulingue, au titre des travaux supplémentaires, la somme de 162 025,01 euros toutes taxes comprises majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010, les intérêts échus le 29 octobre 2011 et à chaque échéance annuelle ultérieure étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts et a condamné la Sarl Lipsky-Rollet Architectes à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à hauteur de 95 % des condamnations prononcées à son encontre ; qu'il a également mis à la charge de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " et de la Sarl Lipsky-Rollet Architectes les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 13 235,24 euros, respectivement à hauteur de 661,75 euros et de 12 573,49 euros ; que la Sarl Lipsky-Rollet Architectes relève appel de ce jugement ; que, par la voie de conclusions d'appel incident, la société Poulingue demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses prétentions indemnitaires ;

Sur l'appel principal de la société Lipsky-Rollet Architectes :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il condamne la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " au paiement de travaux supplémentaires :

2. Considérant que si la Sarl Lipsky-Rollet Architectes, qui a été condamnée à garantir partiellement la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " des indemnités dues à la société Poulingue au titre des travaux supplémentaires, est recevable à demander la décharge de cette garantie en invoquant tous moyens de nature à établir que les sommes mises à la charge de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " ne sont pas justifiées, elle n'est, en revanche, pas recevable à faire appel du jugement attaqué en tant qu'il porte condamnation du maître de l'ouvrage ; que, par suite, les conclusions de la société Lipsky-Rollet Architectes tendant à la réformation du jugement attaqué en tant que le tribunal a condamné la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à payer à la Sarl Poulingue la somme de 162 025,01 euros doivent être rejetées comme irrecevables ;

En ce qui concerne les conclusions de la Sarl Lipsky-Rollet Architectes tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il la condamne à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à hauteur de 95 % des condamnations prononcées à son encontre et mis à sa charge une partie des frais d'expertise :

S'agissant des fins de non recevoir opposées :

3. Considérant que la requête de la société Lipsky-Rollet Architectes contient l'énoncé des faits et l'exposé de moyens conformément aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la société Poulingue et la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " doit être écartée ;

S'agissant du fond du litige :

4. Considérant, d'une part, que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ;

5. Considérant, d'autre part, que le coût des travaux nécessaires pour réaliser dans les règles de l'art un ouvrage propre à sa destination est à la charge du maître d'ouvrage ;

Quant à la nécessité de réaliser les travaux supplémentaires pour construire un ouvrage conforme à sa destination et la prise en charge de leur coût par le maître de l'ouvrage :

6. Considérant, en premier lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la société Poulingue au titre des travaux supplémentaires n° 17 une somme de 4 261,30 euros hors taxes ; qu'il résulte du devis présenté par la société Poulingue pour ces travaux supplémentaires qu'ils n'ont porté que sur le rez-de-chaussée de ces bâtiments et qu'elle a déduit le prix de l'isolant initialement prévu qu'elle n'a pas mis en oeuvre ; que la société Lipsky-Rollet Architecte admet avoir commis une faute de conception ayant engendré une partie de ces travaux supplémentaires, à concurrence de 1 261, 30 euros hors taxes ; qu'il résulte de l'instruction que, pour le surplus, la mise en oeuvre de l'isolant Foamglass en pieds de façade du rez-de-chaussée des bâtiments du restaurant universitaire et de la maison des étudiants par la société Poulingue à la demande du bureau de contrôle constitue des travaux indispensables, d'un montant de 3 000 euros hors taxes, dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la Sarl Poulingue, une somme de 2 477,52 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 18 A correspondant à la pose de stores extérieurs intégrés aux façades en polycarbonate simple peau ; qu'il résulte de l'instruction que ces éléments, qui ont été mis en oeuvre par la société Poulingue sur un ordre de service du 21 avril 2008 du maître d'oeuvre, n'étaient pas prévus par les stipulations initiales du marché, dont le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) relatif au lot n° 6 prévoyait seulement des brises soleil simple peau intégrés aux façades polycarbonates, mais étaient prévus par le CCTP du lot n° 7 " protection solaires et occultations " ; que ces travaux, qui relevaient par conséquent d'un autre lot, constituent des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la Sarl Poulingue, une somme de 4 725,10 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 19 correspondant à la réalisation d'une étude thermique relative à l'ossature métallique du bâtiment Cube ; que l'article 3.10.2 du CCTP du lot " chauffage ventilation climatisation " stipule que 1'entreprise titulaire de ce lot devra

" vérifier la conformité à la RT 2000 et établir les notes de calcul des coefficients Ubat, Ubatref, Cbat, Cbat ref Rose pour les bâtiments climatisés et confort thermique d'été pour les bâtiments non climatisés, au moyen d'un logiciel de calcul (...) en fonction des caractéristiques des parois et matériaux réellement mis en oeuvre (...) " ; que l'article 1.2 du CCTP du lot "façades polycarbonates" intitulé "définition de la prestation" précise de manière générale que la prestation de ce lot comprend la réalisation des études, calculs et plans détaillés complémentaires au document établi par le maître d'oeuvre, sans qu'un plan précis ou une étude soient mis expressément à sa charge ; qu'il résulte de l'instruction que les façades du bâtiment Cube sont composées d'un bardage isolé double peau qui n'a pas à être ventilé par une lame d'air et que la réalisation de l'étude thermique de l'ossature métallique du bâtiment Cube relevait initialement du lot chauffage ventilation climatisation et n'était pas prévue par le marché ; que ces travaux constituent des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la société Poulingue au titre des travaux supplémentaires n° 20 une somme d'un montant de 2 582,90 euros hors taxes ; qu'aux termes de l'article 2.1 du CCTP : " les sections données sont indicatives et constituent des minima. Il appartient à l'entrepreneur de les vérifier et de produire la note de calcul justifiant notamment leur résistance aux effets du vent. Les sections définitives seront vues en accord avec l'architecte. Toutefois, les sections ayant fait l'objet d'un pré-dimensionnement, elles constituent un objectif architectural à respecter. L'utilisation de matériaux présentant une meilleure performance mécanique peut ainsi être demandée pour maintenir les rapports de proportion définis par les architectes " ; que si le marché prévoyait initialement que les auvents des bâtiments du restaurant universitaire et de la maison des étudiants seraient en bois, ils ont finalement été réalisés en métal à la demande de la société Poulingue afin de concilier les exigences du projet architectural avec les contraintes requises de résistance au vent ; que ce changement a été accepté par la maîtrise d'oeuvre par un courriel du 21 février 2008 sous réserve que cette modification n'ait pas d'incidence sur le prix, puis, dans les mêmes conditions, par le maître d'ouvrage par un courrier 7 juillet 2008 ; que ces travaux constituent des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la société Poulingue une somme de 77 280 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 29 correspondant au démontage et remontage partiel des façades des bâtiments du restaurant universitaire et de la maison des étudiants qui ont été effectués afin de permettre le remplacement de contreplaqués du lot charpente et la création d'évacuations d'eau de pluie décoratives ; qu'en vertu de l'article 10 "exécution des travaux" du préambule du CCTP, " 1'entrepreneur devra s'assurer, avant toute mise en oeuvre, qu'aucune malfaçon ou erreur d'un autre corps d'état l'ayant précédé ne porte préjudice à ses travaux " ; que selon l'article 11 du même document contractuel, " l'entrepreneur vérifiera, tant au niveau de la conception que de l'exécution, que les ouvrages exécutés ou réalisées par d'autres corps d'état permettent une bonne réalisation de ses propres prestations " ; qu'ainsi, si la société Poulingue avait bien l'obligation, dans la limite de ses compétences techniques, de s'assurer qu'il n'y avait pas de malfaçons avant de poser les façades en polycarbonates, il résulte cependant de l'instruction qu'après la réception des travaux de charpente, la maîtrise d'oeuvre a constaté la présence de taches sur les contreplaqués constituant le support des façades en polycarbonate ; qu'elle a alors demandé à la société Poulingue de procéder à la dépose des façades qu'elle avait posées afin de permettre à la société Houot, titulaire du lot charpente, de poncer et revernir les panneaux de bois altérés ; que la société Poulingue a ensuite remonté les façades polycarbonates ; que ces travaux supplémentaires de dépose et pose de façades polycarbonates d'un montant de 77 280 euros constituent dès lors des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

11. Considérant, en sixième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la société Poulingue une somme de 1 746 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 34 correspondant au remplacement des pattes en tôle électro-zinguée qui avaient reçu une couche de peinture antirouille puis une couche de peinture métallisée mises en oeuvre par la société Poulingue ; que le maître d'oeuvre a demandé à celle-ci de procéder au remplacement de ces pattes, qui n'étaient pas conformes à celles initialement prévues par le marché, par des pattes galvanisées à chaud ; que, par conséquent, ces travaux constituent des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

12. Considérant, en septième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la société Poulingue une somme de 22 848 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 36 correspondant à 260 heures d'études pour le remplacement d'auvents en bois par des auvents métalliques et à 220 heures d'études pour l'adaptation des attaches VEA ; que ces études ont porté sur des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

13. Considérant, en huitième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à verser à la société Poulingue une somme de 2 004 euros HT au titre des travaux supplémentaires n° 37 correspondant à un complément d'habillage de finitions à l'intérieur du bâtiment de la Maison des Etudiants ; que la société Poulingue a établi qu'il existait un vide à combler entre la façade et la charpente en raison d'un changement dans la forme des plinthes imposé au lot charpente dans l'exécution des travaux ; que le comblement de ce vide constitue des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

14. Considérant, en neuvième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à indemniser la société Poulingue au titre des travaux supplémentaires n° 40 consistant en la réalisation d'une étude de faisabilité de détails de mise en oeuvre des grilles de ventilation haute et basse ; qu'il résulte de l'instruction que la société Poulingue avait signalé au maître d'oeuvre que les pièces du marché ne précisaient pas si elle avait la charge de cette étude ou si elle relevait du lot " chauffage ventilation climatisation ", la façade du bâtiment Cube ne comportant pas de lames de ventilation ; qu'en l'absence de réponse du maître d'oeuvre, la société Poulingue a réalisé des études de faisabilité non prévues au marché qui constituent des travaux indispensables d'un montant de 1 362,30 euros hors taxes dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

15. Considérant, en dixième lieu, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été condamnée à payer à la société Poulingue la somme de 1 887,89 euros hors taxes au titre de travaux supplémentaires n° 41 correspondant à la pose d'une couvertine haute sur le pignon ouest dès lors que cet élément, qui relevait initialement du lot étanchéité et non du lot façades polycarbonates, a été mis en oeuvre par la société Poulingue pour assurer provisoirement puis définitivement l'étanchéité du pignon ouest, en raison de la carence de l'entreprise chargée du lot étanchéité ; que ces travaux constituent des travaux indispensables dont la réalisation était nécessaire pour la construction dans les règles de l'art d'un ouvrage conforme à sa destination ;

16. Considérant, en dernier lieu, que si la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " soutient que la société Lipsky-Rollet Architectes doit être néanmoins condamnée à la garantir du paiement de l'ensemble des travaux supplémentaires mentionnés aux points 6 à 15 sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre à raison des fautes commises lors de la conception de l'ouvrage en ne les prévoyant pas, elle n'établit cependant pas qu'elle aurait, compte tenu du coût de ces travaux supplémentaires, renoncé à son projet de construction d'un campus universitaire de quatre bâtiments ou modifié celui-ci en prévoyant un ouvrage excluant ces travaux supplémentaires ; que si la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " fait également valoir que le maître d'oeuvre a commis une faute contractuelle en ne l'alertant pas, durant l'exécution des travaux, du dépassement du montant du marché, elle n'établit toutefois ni qu'elle aurait en conséquence interrompu les travaux, ni qu'elle aurait conclu un avenant de sorte que le montant des travaux initialement prévus par le contrat ne soit pas dépassé ; que dès lors que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " aurait pris de toute façon en charge leur coût, la Sarl Lipsky-Rollet est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " de sa condamnation à payer à la société Poulingue les sommes correspondant aux travaux supplémentaires mentionnés aux points 6 à 15 ;

Quant aux autres travaux supplémentaires :

17. Considérant que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a également été condamnée à verser à la société Poulingue une somme de 6 154 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 32 correspondant au remplacement d'habillages détériorés par le personnel qui a utilisé les bâtiments universitaires dès la rentrée de septembre 2008, alors que la réception des travaux n'a été prononcée que le 24 juin 2009 avec effet rétroactif au 8 avril 2009 ; qu'il n'a cependant été procédé à aucun constat au mois de septembre 2008 pour arrêter l'état des ouvrages avant leur mise en service ; qu'en l'absence de faute commise par le maître d'oeuvre à l'origine de ces dégradations, la société Lipsky-Rollet Architectes ne saurait être tenue de garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " du paiement de ces travaux de réfection ; que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a en outre été condamnée à payer à la société Poulingue une somme de 5 492 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 41 correspondant aux modifications apportées au calage entre les poteaux métalliques du pignon ouest du bâtiment gymnase ; qu'il est constant qu'une mauvaise implantation du bâtiment gymnase a conduit à un défaut d'alignement du bâtiment gymnase avec le bâtiment Cube et que cette malfaçon est le fait de l'entreprise chargée du lot maçonnerie ; qu'il résulte d'un compte-rendu de chantier produit par la société Poulingue, que, pour corriger ce défaut d'alignement, il lui a été demandé par le maître d'oeuvre de prévoir un calage différent entre les poteaux métalliques du pignon ouest ; que ces travaux n'étaient pas indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art mais ont été simplement utiles à la communauté d'agglomération ; qu'il résulte de l'instruction que le défaut d'alignement à l'origine de cette modification n'est pas imputable à la maîtrise d'oeuvre ; que, par suite, la société Lipsky-Rollet Architectes est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à garantir la communauté d'agglomération du paiement des travaux supplémentaires n° 32 et 41 ;

18. Considérant, enfin, que la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " a été également condamnée à verser à la société Poulingue une somme de 1 895,80 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires n° 30 correspondant à l'utilisation d'écrous borgnes pour la fixation des montants de bois de façade sur les PRS à R+1 au lieu des écrous simples initialement prévus d'un montant de 3 788,52 euros ; que la société Lipsky-Rollet Architectes admet avoir commis une erreur de conception ayant donné lieu à ce surcoût et accepte de garantir intégralement la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " du paiement de ces travaux ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Lipsky-Rollet Architectes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à concurrence de 95 % du paiement à la société Poulingue d'une somme de 132 821,01 euros hors taxes correspondant aux travaux supplémentaires 17, 18 A, 19, 20, 29, 32, 34, 36, 37, 40 et 41 de ce marché ;

Sur les conclusions d'appel incident présentées par la société Poulingue :

20. Considérant que la société Lipsky-Rollet Architectes, appelant principal, demande, ainsi qu'il a été dit, la réformation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il l'a condamnée à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " des condamnations prononcées à son encontre au titre du solde du lot n° 6 du marché public pour la construction de quatre bâtiments du campus universitaire du centre-ville de Troyes ; que la société Poulingue n'ayant pas interjeté appel au principal dans le délai prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses prétentions indemnitaires portent sur un litige distinct et sont, par suite, irrecevables ;

Sur les dépens :

21. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ;

22. Considérant que par deux ordonnances, du 13 janvier 2012 et du 7 juin 2012, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, fait droit à une demande de référé constat présentée par la société Poulingue en vue de la levée des réserves émises par le maître d'ouvrage et, d'autre part, fait droit à sa demande d'expertise ; que l'expert désigné a rendu son rapport le 26 juillet 2012 aux termes duquel il a considéré que ces réserves n'étaient pas justifiées ; que les frais d'expertise taxés et liquidés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'élèvent à 6 042,84 euros pour l'instance n° 1200031 et 7 192,40 euros en ce qui concerne l'instance n° 1200034 ; qu'il y a lieu de mettre ces frais intégralement à la charge de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes ", qui succombe dans la présente instance ; que la société Lipsky-Rollet Architectes est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a mis une somme de 12 573,49 euros à sa charge au titre des frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Lipsky-Rollet Architectes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à verser à la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " et à la société Poulingue les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " à verser la somme de 1 500 euros à la société Lipsky-Rollet Architectes et une somme identique à la société Poulingue ;

D É C I D E :

Article 1er : La société Lipsky-Rollet Architectes est condamnée à garantir la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " du paiement à la société Poulingue des travaux supplémentaires n° 17 à concurrence de 1 261,30 euros (mille deux cent soixante et un euros treize centimes) hors taxes et des travaux supplémentaires n° 30 pour 1 895,30 euros (mille huit cent quatre vingt quinze euros et trente centimes) hors taxes.

Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 13 235,24 euros (treize mille deux cent trente cinq euros vingt quatre centimes) sont mis à la charge de la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes ".

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 avril 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " est condamnée à verser une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros à la société Lipsky-Rollet Architectes et une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros à la société Poulingue au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lipsky-Rollet Architectes, à la communauté d'agglomération " Le Grand Troyes " et à la société Poulingue.

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N° 14NC01089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01089
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix - Rémunération des architectes et des hommes de l'art.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : BILLET MOREL BILLET-DEROI THIBAUT SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-12;14nc01089 ?
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