Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de déclarer le centre hospitalier de Sarreguemines entièrement responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée le 11 avril 1994 et d'ordonner un complément d'expertise.
Par une ordonnance n° 1401351 du 17 décembre 2014, la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 7 janvier 2015, 15 janvier 2015 et 19 mai 2016, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance n° 1401351 de la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2014 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Sarreguemines à l'indemniser des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée le 11 avril 1994 ;
3°) d'ordonner un complément d'expertise ;
4°) de mettre les entiers frais et dépens à la charge du centre hospitalier de Sarreguemines ;
5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Elle soutient que :
- le tribunal a, à tort, écarté l'application des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique dès lors que le nouveau délai de prescription fixé par ces dispositions était immédiatement applicable en vertu de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 et qu'elle n'a eu connaissance de la nature et de l'ampleur des conséquences dommageables de l'intervention qu'elle a subie que le 2 juillet 2010, à la suite de la remise du rapport d'expertise ;
- elle a adressé le 13 novembre 2013 une demande préalable à l'établissement hospitalier, qui lui a opposé une décision de rejet implicite ;
- l'expert, dans son rapport remis au tribunal, a conclu à l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire, d'un déficit fonctionnel permanent et de préjudices personnels dont elle demande réparation ;
- elle sollicite une nouvelle expertise en vue de quantifier son déficit fonctionnel permanent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2015, le centre hospitalier de Sarreguemines, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a fait courir le délai de prescription à compter de la date de consolidation et a retenu que la créance dont se prévaut la requérante était définitivement prescrite le 1er janvier 1999, avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;
- l'expertise sollicitée serait frustratoire.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, appelée en la cause, n'a pas produit de mémoire.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 85 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mai 2015.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a entaché son ordonnance d'irrégularité :
- d'une part, en rejetant la demande de Mme A...sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative alors que le motif retenu de la prescription de la créance n'est pas un motif d'irrecevabilité manifeste mais relève de l'examen au fond de la demande indemnitaire ;
- d'autre part, en s'abstenant de communiquer la demande de Mme A...à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle à laquelle la requérante est affiliée.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le rapport de l'expert ;
- l'ordonnance de taxation du 9 juillet 2010 par laquelle le président du tribunal administratif de Strasbourg a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 650 euros.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dhiver,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...a été hospitalisée les 11 et 12 avril 1994 au centre hospitalier de Sarreguemines où elle a été opérée d'un kyste sacro coccygien ; qu'estimant que les épisodes infectieux qu'elle a présentés à partir de 1995 étaient en lien avec cette hospitalisation, Mme A...a sollicité, en décembre 2009, une expertise auprès du tribunal administratif de Strasbourg ; que l'expert, désigné par le juge des référés le 15 février 2010, a remis son rapport le 8 juillet 2010, dans lequel il exclut tout lien de causalité entre l'hospitalisation d'avril 1994 et les infections dont a souffert Mme A...ultérieurement ; que, dans ce même rapport, l'expert fixe la consolidation de l'état de santé de l'intéressée, à la suite de l'intervention chirurgicale du 11 avril 1994, à la date du 1er août 1994, indique que Mme A...a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel du 13 avril au 30 mai 1994 et évalue les douleurs endurées et le préjudice esthétique subi du fait de l'intervention ; que Mme A...a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en lui demandant de condamner le centre hospitalier de Sarreguemines à réparer les préjudices résultant de l'intervention chirurgicale du 11 avril 1994 tels qu'ils ont été décrits par l'expert et d'ordonner une expertise complémentaire en vue de quantifier son déficit fonctionnel permanent ; que Mme A...relève appel de l'ordonnance du 17 décembre 2014 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mai 2015 ; que, dès lors, sa demande tendant à obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : "Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...)4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) " ;
4. Considérant que l'examen du moyen soulevé en défense opposant au demandeur la prescription relève de l'examen au fond de la demande et ne constitue pas une irrecevabilité manifeste ; que, par suite, la présidente du tribunal administratif de Strasbourg ne pouvait, ainsi qu'elle l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter comme manifestement irrecevable la demande indemnitaire de Mme A...au motif que la créance dont elle se prévaut est atteinte par la prescription quadriennale ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la mise en la cause de la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle :
6. Considérant qu'il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, qui a été mise en cause par la cour ;
Sur la prescription :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " ; que, s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées ; qu'il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage " ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 101 de la même loi, ces dispositions sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que, toutefois, le législateur n'a pas entendu rendre la prescription décennale applicable aux actions dirigées contre des établissement publics de santé au titre de créances indemnitaires qui, à la date de publication de la loi du 4 mars 2002, étaient déjà atteintes par la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que la consolidation de l'état de Mme A...à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 11 avril 1994 au centre hospitalier de Sarreguemines est intervenue le 1er août 1994, ce que la requérante ne conteste pas ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que cette date doit être retenue pour déterminer le point de départ du délai de prescription ; que ce délai a commencé à courir le 1er janvier 1995 et s'est achevé, par application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, le 31 décembre 1998 ; qu'il ne peut être fait application de la prescription décennale instituée par la loi du 4 mars 2002 dès lors qu'à la date d'entrée en vigueur de celle-ci, la prescription des créances dont Mme A...invoque le bénéfice était déjà acquise et que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ni les dispositions de l'article 101 de cette loi ni aucune autre disposition n'ont eu pour effet de relever de la prescription ces créances d'ores et déjà prescrites ; qu'il s'ensuit que la prescription régulièrement opposée par le centre hospitalier de Sarreguemines doit être accueillie ;
Sur les frais d'expertise :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 40 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2010 applicable à la date du référé expertise et de l'ordonnance de taxation des frais : " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée. / Le bénéficiaire de l'aide est dispensé du paiement, de l'avance ou de la consignation de ces frais. / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat " ; qu'aux termes de l'article 42 de la même loi : " Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions de l'article 75. / Le juge peut toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat. / Dans le même cas, le juge peut mettre à la charge du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, demandeur au procès, le remboursement d'une fraction des sommes exposées par l'Etat autres que la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle des avocats et des officiers publics et ministériels " ;
11. Considérant que les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de 650 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juillet 2010 ; que ces frais, avancés par l'Etat en application des dispositions de l'article 40 de la loi du 10 juillet 1991, ont été mis à la charge provisoire de l'Etat ; que Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 85 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mai 2015 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application du dernier alinéa de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de Mme A...les frais d'expertise à hauteur de 97 euros ; que, pour le surplus s'élevant à 553 euros, ces frais doivent être laissés à la charge de l'Etat ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A...tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'ordonnance n° 1401351 de la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2014 est annulée.
Article 3 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle.
Article 4 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 5 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Etat à hauteur de 553 euros et de Mme A... à hauteur de 97 euros.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au centre hospitalier de Sarreguemines et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle.
Copie en sera adressée à l'expert.
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N° 15NC00009