Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le GAEC piscicole du Saulnois a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Bourdonnay à lui verser une somme de 31 931,44 euros en réparation des préjudices subis lors de la pollution de l'étang d'Ommeray dans lequel il élevait des poissons, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2012.
Par un jugement n° 1301048 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune à verser au GAEC piscicole du Saulnois une somme de 31 911,78 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2012, ainsi qu'une somme de 4 669,02 euros au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la cour :
I° - Sous le n° 15NC01900, par une requête enregistrée le 31 août 2015, la commune de Bourdonnay, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de première instance du GAEC piscicole du Saulnois ;
3°) de mettre à la charge du GAEC piscicole du Saulnois une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, faute de préciser le fondement juridique de sa demande de condamnation ;
- c'est à tort qu'il est demandé à la commune l'entière réparation du préjudice alors que d'autres sources de pollution, notamment agricoles, ont pu contribuer à la mort des poissons ;
- la part de responsabilité de la commune est infime ;
- il serait contraire au principe pollueur payeur de reconnaître la responsabilité de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2016, le GAEC piscicole du Saulnois, représenté par Mes A...et associés conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourdonnay une somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- la commune ne présente aucun moyen de nature à remettre en cause le jugement en se bornant à reprendre, pour le reste, les moyens présentés devant le tribunal administratif ;
- les condamnations prononcées par le tribunal administratif l'ont été à bon droit, alors que la commune n'a pas contesté le rapport d'expertise devant le tribunal administratif, que le préjudice existe et que son étendue est démontrée.
II°- Sous le n° 15NC01901, par une requête et un mémoire enregistrés le 1er septembre 2015 et le 12 novembre 2015, la commune de Bourdonnay représentée par Me B..., demande à la cour d'ordonner la suspension du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2015 et de réserver les dépens.
Elle soutient que :
- le règlement de la somme que le tribunal administratif l'a condamnée à verser la placerait dans une situation économique difficile et même irrémédiablement compromise ;
- la demande de première instance était irrecevable faute de préciser le fondement juridique de la demande de condamnation ;
- c'est à tort qu'il est demandé à la commune l'entière réparation du préjudice alors que d'autres sources de pollution, notamment agricole, ont pu contribuer à la mort des poissons ;
- la part de responsabilité de la commune est infime ;
- il serait contraire au principe pollueur payeur de reconnaître la responsabilité de la commune ;
- le montant du préjudice est excessif
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 octobre 2015 et le 6 janvier 2016, le GAEC piscicole du Saulnois représenté par Mes A...et associés conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourdonnay une somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune aux entiers frais et dépens.
Il soutient que :
- la commune ne justifie pas que le jugement risque de comporter des conséquences difficilement réparables ;
- la commune ne présente aucun moyen sérieux de nature à remettre en cause le jugement en se bornant à reprendre, pour le reste, les moyens présentés devant le tribunal administratif ;
- les condamnations prononcées par le tribunal administratif l'ont été à bon droit, alors que la commune n'a pas contesté le rapport d'expertise devant le tribunal administratif, que le préjudice existe et que son étendue est démontrée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour le GAEC piscicole du Saulnois.
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 juillet 2007, une mortalité importante a été constatée dans la pisciculture exploitée par le GAEC piscicole du Saulnois dans l'étang d'Ommeray situé entre les communes d'Ommeray et de Bourdonnay.
2. A la suite du rapport établi le 14 novembre 2011 par l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, le GAEC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de la commune de Bourdonnay à l'indemniser de son préjudice.
3. Le 2 juillet 2015, le tribunal administratif a condamné la commune à verser au GAEC une somme de 31 911,75 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2012 en réparation de ses préjudices, ainsi qu'au remboursement des dépens.
4. Par la requête n° 15NC01900 la commune de Bourdonnay interjette appel de ce jugement et par la requête n° 15NC01901 elle en demande le sursis à exécution.
5. Les requêtes n° 15NC01900 et 15NC01901 sont dirigées contre un même jugement et on fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
6. La commune soutient que la demande de première instance du GAEC piscicole du Saulnois était irrecevable faute de préciser le fondement juridique de sa demande.
7. Toutefois, dans sa demande, le GAEC se référait au rapport de l'expert judiciaire qui concluait que la pollution de l'étang d'Ommeray, qui avait conduit à la mort des poissons, était due aux rejets des effluents domestiques de la commune dans un des cours d'eau qui alimentait l'étang. Ainsi, le GAEC a invoqué l'existence d'un fait générateur de responsabilité, à savoir la pollution de l'étang dont il a été victime, et devait être regardé comme invoquant la faute de la commune de nature à engager sa responsabilité. En conséquence, le moyen de la commune doit être écarté.
Sur la responsabilité :
8. La commune, qui indique ne pas contester la réalité du dommage subi par le GAEC, ni le fait que le rejet de ses eaux dans le cours d'eau alimentant l'étang d'Ommeray occasionnait une pollution, fait valoir cependant que la principale source d'eutrophisation des eaux est l'activité agricole et que les conclusions du rapport de l'expert judiciaire ne précisent pas les différentes sources de pollution accumulées dans les eaux de l'étang qui peuvent être responsables des dommages, ainsi que l'indique un expert qu'elle a consulté. Elle fait ainsi valoir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas jugé que d'autres facteurs étaient à l'origine du dommage.
9. Cependant, il est constant qu'en 2007, les eaux usées en provenance de la commune se déversaient dans un ruisseau qui alimentait l'étang exploité par le GAEC et que les traitements des effluents n'a été mis en place qu'ultérieurement par la commune. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, non utilement contredit par le rapport du spécialiste consulté par la commune qui ne comporte pas de conclusions précises applicables à la situation d'espèce, que l'eutrophisation des eaux de l'étang a été causée par des apports en matière organiques par le biais du ruisseau qui recueillait les rejets de la commune et que la composition de ces apports confirmait le caractère domestique des rejets. Si l'expert judiciaire mentionne qu'on ne peut exclure des rejets agricoles et d'élevage, il précise toutefois que les bovins étaient en pâture en d'autres lieux au mois de juillet. Si l'expert n'exclut pas la combinaison avec d'autres facteurs comme le climat ou la composition des sédiments, il précise qu'ils ne sont que des facteurs "déclenchant" pour un étang fragilisé par le déversement de matières organiques qui a conduit l'étang à se comporter comme un lagunage.
10. La circonstance que l'expert judiciaire, nommé trois ans après les faits, n'a pu constater lui même l'état des eaux lors de la pollution n'est pas de nature à enlever toute valeur à ses conclusions, alors qu'il a pu tenir compte des analyses, faites par un laboratoire agréé, des échantillons prélevés par un des gérants du GAEC en présence du maire de Bourdonnay le 21 juillet 2007, dans des conditions de prélèvement, de conservation et de remise au laboratoire qui n'apparaissent pas comme ayant pu fausser les résultats desdites analyses.
11. Ainsi, il est établi que le système de collecte des eaux de la commune est à l'origine de la dégradation des eaux de l'étang qui a conduit à une forte et soudaine mortalité des poissons le 21 juillet 2007.
12. Le GAEC a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par le réseau d'évacuation des eaux usées de la commune qui est à l'origine directe de ses préjudices. Il est ainsi fondé à rechercher la responsabilité de la commune dès lors que l'existence de son préjudice et le lien de causalité directe avec l'insuffisance des ouvrages d'assainissement est établi.
13. Eu égard à cette qualité du tiers du GAEC, la commune, dont les ouvrages ont causé les préjudices, ne peut, en tout état de cause, utilement faire valoir le fait du tiers dans la survenance du dommage. Sa responsabilité est donc engagée pour la totalité du dommage subi.
Sur le montant du préjudice :
14. La commune soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a confirmé l'évaluation effectuée par l'expert, alors que le GAEC a lui-même ramassé les poissons morts en l'absence de témoins, que les quantités ne reposent que sur ses affirmations et que la production annoncée comme perdue au titre de l'année 2007 est irréaliste au regard des productions des deux années précédentes.
15. Toutefois, il résulte de l'instruction que le chiffre de perte de 2 720 kg de poissons le 21 juillet 2007 résulte d'une pesée effectuée le 23 juillet suivant en présence d'un huissier dont le constat figure au dossier. Si la composition des pertes en fonction des différentes espèces provient d'une évaluation, celle-ci a été faite par un organisme spécialisé en pisciculture qui a à la fois évalué cette composition et les pertes de récolte en novembre 2007 en raison de la mortalité de juillet 2007. L'expert judiciaire a retenu ces chiffres après les avoir contrôlés. Ainsi, la commune, par ses affirmations générales, n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'évaluation du préjudice effectuée par le tribunal administratif compte tenu des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert judiciaire.
16. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bourdonnay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser au GAEC piscicole du Saulnois une somme en principal de 31 911,78 euros.
Sur la requête n° 15NC01901 :
17. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête de la commune de Bourdonnay tendant à l'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête tendant au sursis à exécution de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du GAEC piscicole du Saulnois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Bourdonnay au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune le paiement au GAEC du Saulnois d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15NC01901.
Article 2 : La requête n° 15NC01900 de la commune de Bourdonnay est rejetée.
Article 3 : La commune de Bourdonnay versera au GAEC piscicole du Saulnois une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bourdonnay et au GAEC du Saulnois.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 15NC01900-15NC01901