Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M.A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2015 par lequel le préfet du Jura a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1501622 du 21 décembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 22 mars 2016 sous le n° 16NC00498, complétée par un mémoire enregistré le 8 juin 2016, M. A... B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de cette délivrance, de lui octroyer un récépissé dans un délai de huit jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet, qui n'établit pas l'absence de communauté de vie, a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2016, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2016.
II. Par une requête enregistrée le 24 mars 2016 sous le n° 16NC00523, M. A... B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens exposés plus haut, sous la requête enregistrée sous le n° 16NC00498, sont de nature à entraîner l'annulation de ce jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2016, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1975, est entré en France le 21 octobre 2013, sous couvert d'un visa de long séjour, afin de rejoindre son épouse de nationalité française, avec laquelle il s'est marié le 7 mars 2013 au Maroc ; que le titre de séjour délivré à l'intéressé en sa qualité de conjoint de français a été renouvelé pour la période du 9 octobre 2014 au 8 octobre 2015 ; que, le 4 août 2015, M. B...a présenté au préfet du Jura une demande tendant au renouvellement de ce titre de séjour pour une année supplémentaire ; que, par un arrêté du 10 septembre 2015, le préfet du Jura a rejeté cette demande au motif que la communauté de vie des époux avait cessé et a assorti sa décision de refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ainsi que d'une décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourrait être reconduit d'office ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le requérant relève appel du jugement du 21 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, et, dans l'attente qu'il soit statué sur ses conclusions d'appel, sollicite de la cour qu'elle ordonne le sursis à l'exécution dudit jugement ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français (...) " ;
3. Considérant que, pour estimer que M. B...ne remplissait plus, à la date de la décision contestée, la condition d'une communauté de vie ininterrompue depuis le mariage, le préfet du Jura s'est fondé sur les déclarations de l'épouse du requérant auprès des services de la préfecture au début de l'année 2015 et sur les conclusions d'une enquête administrative réalisée au cours du mois d'août 2015 par la direction départementale de la sécurité publique du Jura ; que, toutefois, s'il ressort des pièces des dossiers que, au lendemain d'une altercation avec M.B..., son épouse a fait part de son intention d'engager une procédure de divorce auprès des services de la préfecture, il n'est pas contesté qu'aucune démarche n'a été entreprise par l'un ou l'autre des époux en vue d'une séparation ; qu'en outre, les enquêteurs de la direction départementale de la sécurité publique ont limité leurs investigations au domicile déclaré par M. B...à Lons-le-Saunier, alors que l'intéressé et son épouse disposent, pour des raisons professionnelles, de deux domiciles, l'un dans la ville précitée et l'autre dans la commune de Saint-Claude ; qu'en outre, si les enquêteurs n'ont pas été en mesure d'identifier le nom du requérant et de son épouse sur les interphones et boîtes aux lettres de l'immeuble correspondant à leur adresse de Lons-le-Saunier, et ont recueilli le témoignage d'un voisin ayant déclaré ne pas connaître le couple, ces éléments ne suffisent pas à établir l'absence de vie commune entre M. B...et son épouse, lesquels produisent de nombreuses attestations concordantes justifiant de leur communauté de vie à la date de la décision contestée ; qu'il ressort encore des pièces des dossiers que les époux ont un compte bancaire commun, que le bail du logement situé à Lons-le-Saunier a été conclu à leurs deux noms le 1er octobre 2014, qu'ils ont reçu quittance pour le loyer dû pour ce logement au cours des mois d'août et de septembre 2015 et qu'ils ont été imposés à la taxe d'habitation, pour ce même logement, au titre de l'année 2015 ; qu'il n'est pas établi que la situation professionnelle précaire de l'épouse du requérant ne permettrait pas la location des deux logements situés à Lons-le-Saunier et à Saint-Claude, nécessaires à la vie commune des époux ; qu'ainsi, le préfet ne démontre pas que la communauté de vie de M. B...et de son épouse avait cessé à la date de la décision contestée ; que dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le préfet du Jura a méconnu les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour ; qu'il s'ensuit que cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura du 10 septembre 2015 refusant de renouveler son titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
Sur les conclusions tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement attaqué :
5. Considérant que le présent arrêt procède, à la demande de M.B..., à l'annulation du jugement attaqué ; que par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de l'intéressé tendant au sursis à l'exécution de ce jugement, qui est devenue sans objet ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté du préfet du Jura ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B...un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Jura de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16NC00523 de M.B....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1501622 du 21 décembre 2015 et l'arrêté du 10 septembre 2015 par lequel le préfet du Jura a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Jura de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Bertin, avocate de M.B..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
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N° 16NC00498, 16NC00523