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14/12/2017 | FRANCE | N°17NC00677

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 17NC00677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté en date du 22 juin 2016 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1602111 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté en date du 22 juin 2016 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1602111 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 mars, 6 et 18 juillet 2017, Mme D..., représentée par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 février 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A...C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour emporte l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante turque, est entrée sur le territoire Schengen le 1er mai 2012 sous couvert d'un visa délivré par les autorités grecques. Sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire a été rejetée par un arrêté du préfet du Doubs du 12 mai 2014, arrêté qui a été annulé par le tribunal administratif de Besançon par un jugement du 23 septembre 2014. A la suite de ce jugement, Mme D...a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an. Par un arrêté du 22 juin 2016, le préfet du Doubs a refusé à Mme D...le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme D...fait appel du jugement du 21 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 juin 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d' une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence ". L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé alors en vigueur : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois ".

3. Mme D...a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en se prévalant des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans son avis émis le 15 mars 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a indiqué que l'état de santé de Mme D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié en Turquie. En dépit de cet avis, le préfet du Doubs a, par l'arrêté attaqué du 22 juin 2016, refusé à Mme D...la délivrance de la carte de séjour temporaire qu'elle avait sollicitée au motif qu'" elle peut bénéficier d'un traitement approprié en Turquie, son pays d'origine, et ainsi y poursuivre les soins dont elle a besoin ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des documents médicaux produits par Mme D...qu'elle a été opérée en 2003 en Turquie d'un adénome parathyroïdien gauche. Cette première opération a été reprise en France en 2013. Outre l'ablation de sa glande thyroïde et de ses glandes parathyroïdes, Mme D... souffre également de céphalées chroniques en lien avec une maladie migraineuse et des tassements vertébraux et d'une fracture de la clavicule gauche.

6. Pour s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté, le préfet s'est fondé sur un courriel du 27 mai 2016 émanant du conseiller santé auprès du directeur général de la direction générale des étrangers en France selon lequel Mme D... peut bénéficier en Turquie du traitement hormonal substitutif qui lui est nécessaire.

7. Il ressort des pièces produites par le préfet que le traitement par Mimpara dont bénéficie Mme D...à raison de son hyperparathyroïdie est disponible en Turquie. Le préfet ne produit toutefois aucun élément de nature à établir que Mme D...pourrait bénéficier en Turquie d'un traitement approprié pour ses autres pathologies. Dans ces conditions, MmeD..., qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable, est fondée à soutenir que la décision du 22 mai 2016 par lequel le préfet lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique, comme le demande MmeD..., que sa demande soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par MmeD....

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Mme D... n'ayant pas déposé de demande d'aide juridictionnelle, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, les conclusions tendant à ce soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me A...C...de la somme de 2 000 euros ne peuvent qu'être rejetées.

Par ces motifs :

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 février 2017 et l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme D...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de Mme D...présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Doubs.

5

N° 17NC00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00677
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ERDEM DEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-14;17nc00677 ?
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