Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI du Vieux Moulin a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Migneville a implicitement rejeté sa demande tendant à la suppression ou au déplacement du banc et de la pierre implantés sur la place de la Fontaine.
Par un jugement n° 1503644 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistré le 19 décembre 2016 et 21 juillet 2017, la SCI du Vieux Moulin, représentée par la SCP Joffroy-Litaize, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du maire de Migneville ;
3°) d'enjoindre à la commune de Migneville de supprimer ou déplacer la pierre et le banc implantés sur la place de la Fontaine afin de rétablir l'accès par tous véhicules et engins agricoles dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Migneville une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner la commune à lui verser une somme de 290 euros TTC à titre de remboursement du coût du constat d'huissier dressé le 28 mai 2015.
Elle soutient que :
- la place de la Fontaine est un usoir au regard de l'immeuble situé sur la parcelle n° 20 appartenant à la SCI du Vieux Moulin dès lors qu'elle le borde sur un côté ;
- en conséquence, elle dispose d'un droit de circulation sur cet usoir ;
- en tout état de cause, si la cour ne qualifiait pas la place d'usoir, devraient s'appliquer les dispositions relatives aux voiries qui donnent aux riverains des aisances de voirie et notamment un droit d'accès qui constitue une liberté fondamentale ; la SCI peut revendiquer un droit d'accès par la place de la Fontaine dès lors qu'elle n'a pas d'autre possibilité d'accéder à la parcelle n° 19 et que la parcelle n° 17 qui se situe entre la place et la parcelle n° 19 lui appartient également ;
- la décision de rejet du maire est illégale dès lors que la décision de placer un banc et des pierres sur la place relève de la compétence du conseil municipal et non du maire, qu'elle doit être prise après avis ou accord des riverains, qu'elle crée une sujétion excessive pour la SCI du Vieux Moulin et qu'elle porte une atteinte excessive et illégale à ses droits ;
- la décision d'implanter le banc et la pierre est discriminatoire et entachée de détournement des pouvoirs de police par le maire, dès lors qu'il ressort des circonstances dans lesquelles elle a été prise qu'elle ne visait qu'à gêner la jouissance de la parcelle cadastrée AA 19 lui appartenant et a été motivée par l'animosité du maire à l'égard du gérant de la SCI.
Par des mémoires en défense, enregistré les 1er juin, 15 et 22 septembre 2017, la commune de Migneville, représentée par MeA..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de la SCI du Vieux Moulin une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SCI du Vieux Moulin ne justifie pas d'un droit lésé lui donnant intérêt à agir ;
- en effet, d'une part, le régime des usoirs n'est pas applicable ; en premier lieu parce que la commune de Migneville est située en Meurthe-et-Moselle où aucune codification des usages locaux à caractère agricole n'a été approuvée par le conseil départemental ainsi que l'exige l'article L. 511-3 du code rural et de la pêche maritime ; en tout état de cause, la place, qui est ouverte à l'usage de tous et n'est pas une bande de terrain longeant un immeuble ou une route, ne peut être regardée comme un usoir et fait partie du domaine public communal du fait de son affectation à l'usage direct du public, ainsi que le démontre la présence ancienne de la fontaine sur la place ;
- d'autre part, la SCI du Vieux Moulin n'est pas privée d'un droit d'accès dont elle ne dispose pas, dès lors que les places publiques ne sont pas ouvertes à la circulation générale, que le canal sur lequel elle passe également n'est pas désaffecté, qu'elle pourrait plus facilement passer par la parcelle AA 20 qui lui appartient ou par le pont qui traverse le canal et donne accès à la parcelle n° 22 qui lui appartient également ;
- les aménagements litigieux répondent à une finalité d'intérêt général, la propreté de la place justifiant qu'il soit fait obstacle au passage des véhicules depuis le canal, la SCI disposant d'autres accès à sa parcelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la commune de Migneville.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI du Vieux Moulin est propriétaire d'une parcelle non bâtie dans la commune de Migneville, cadastrée section AA n° 19. Cette parcelle est séparée de la voie publique, la rue du Moulin, par une place dite de la Fontaine et une parcelle cadastrée section AA n° 17 qui correspond à un canal. Le gérant de la société, M. B...accédait à cette parcelle en véhicule en empruntant la place et en franchissant la parcelle n° 17 comportant peu d'eau. En 2015, le maire de la commune a décidé de poser à l'arrière de la place, le long de la parcelle n° 17, un banc et une pierre sculptée qui ont pour effet d'empêcher l'accès à la parcelle n° 19. La SCI du Vieux Moulin, faisant valoir qu'elle ne dispose plus d'aucun accès à sa parcelle, a saisi le tribunal administratif de Nancy d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté sa demande tendant à la suppression du banc et de la pierre. La SCI du Vieux Moulin interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, la société requérante soutient que la place de la Fontaine constitue un usoir ce qui lui confère un droit de passage par cette place pour accéder à sa propriété.
3. D'une part, la société du Vieux Moulin ne peut utilement se prévaloir de la codification des usages locaux adoptée par délibération du conseil général de la Moselle le 9 janvier 1961, qui définit la notion et le régime de l'usoir, dès lors que la commune de Migneville se situe en Meurthe-et-Moselle.
4. D'autre part, de nombreux villages de l'est de la France comportent, entre les limites de la voie publique et celles des propriétés privées construites de part et d'autre de la voie, des dépendances domaniales traditionnellement appelées usoirs. En raison de l'usage auquel ils sont affectés, les usoirs, qui répondent aux besoins propres des riverains comme à ceux des non riverains qui peuvent y circuler, font partie du domaine public communal. Les droits coutumiers d'usage attachés à ces usoirs, qui comprennent, pour les riverains, le droit d'utiliser cette partie du domaine public comme chemin d'accès vers leurs immeubles et la possibilité d'y déposer ce qui est nécessaire à leur exploitation sans que cette utilisation interdise de façon permanente la circulation des autres usagers, ne sauraient faire obstacle à la faculté dont dispose l'autorité administrative, gestionnaire du domaine public, de procéder, dans un but d'intérêt général, aux aménagements requis de ces parties du domaine public.
5. Il est constant, que la parcelle cadastrée section AA n° 19, qui ne comporte que de la végétation, n'est pas construite. Ainsi, la SCI du Vieux Moulin ne peut invoquer les usages relatifs aux usoirs qui s'appliquent aux propriétés bâties. De plus, cette parcelle ne longe pas la voie publique dont elle est séparée par un canal et par une place qui constitue une promenade, lesquels n'ont pas pour objet de répondre aux besoins de circulation des riverains, même si M. B...avait pris l'habitude de les emprunter en véhicule pour accéder à sa propriété.
6. En deuxième lieu, la SCI du Vieux Moulin fait valoir qu'elle est également propriétaire d'une parcelle construite cadastrée section AA n° 20, située en bordure de la rue du Moulin et contiguë à la place de la Fontaine. Elle soutient que les riverains occupant des maisons implantées en façade principale ou en façade latérale sur cette parcelle, en bordure de voie publique, disposent d'un droit sur l'usoir les séparant de la rue du Moulin, il y a lieu de considérer également qu'elles disposent d'un droit de même nature sur les parcelles situées le long de leurs façades latérales et donc sur la place de la Fontaine qui longe une des façades latérales d'un des immeubles et qui doit être regardée comme un usoir. Elle fait ainsi valoir que M. B...pourrait revendiquer un droit à l'utiliser en tant qu'usoir pour accéder à la parcelle n° 19 située derrière la place.
7. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, un usoir sépare un immeuble de la voie publique. La façade latérale de l'immeuble située sur la parcelle n° 20 n'est pas implantée le long de la voie mais le long de la place de la Fontaine, qui la sépare d'autres constructions, et non de la rue du Moulin. Dans ces conditions, la place de la Fontaine ne saurait constituer un usoir au regard de la parcelle n° 20.
8. En troisième lieu, la SCI du Vieux Moulin soutient qu'elle peut au moins revendiquer un droit d'accès au titre d'une aisance de voirie. Toutefois, comme il a été dit ci-dessus, la parcelle n° 19 longe un canal et la place de la Fontaine qui a la nature de promenade et non de voie publique. Ainsi, la société requérante ne peut soutenir disposer d'une aisance de voirie. Pour les mêmes motifs, elle ne peut davantage soutenir qu'elle est privée d'un accès à la voie publique, ce qui porterait atteinte à son droit d'accès qui constitue une liberté fondamentale.
9. En quatrième lieu, la SCI du Vieux Moulin fait valoir que la mesure porte une atteinte excessive à ses droits en l'empêchant d'accéder à sa parcelle. A supposer même que la parcelle de la société soit réellement enclavée et ne dispose d'aucun autre accès, il lui appartient de mettre en oeuvre les règles relatives à l'accès des propriétés enclavées, sans pour autant pouvoir revendiquer un droit de passage par la place de la Fontaine.
10. En cinquième lieu, la société requérante soutient qu'elle fait l'objet d'une décision discriminatoire et entachée de détournement de pouvoir. A l'appui de ce moyen, elle fait valoir que le maire s'est arrogé une compétence du conseil municipal dans le but de nuire à son gérant.
11. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le maire aurait pris cette décision dans le but mentionné par la société requérante, étranger à l'intérêt public, alors que la commune indique sans être contredite qu'elle a procédé à un aménagement partiel du revêtement de la place et que le passage de véhicules et notamment d'engins agricoles destinés à entretenir la végétation et les arbres, est incompatible avec le maintien de la propreté de la place. En outre, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier, que le maire aurait agi sans l'accord du conseil municipal, qui est compétent pour délibérer sur les conditions générales d'administration du domaine public communal ou par animosité à l'égard du gérant de la SCI du Vieux Moulin. Le détournement de pouvoir allégué n'est donc pas établi.
12. Il résulte de ce qui précède que la SCI du Vieux Moulin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et de condamnation de la commune à lui rembourser les frais d'un constat d'huissier ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Migneville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCI du Vieux Moulin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
14. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la SCI du Vieux Moulin une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Migneville au titre des mêmes dispositions.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI du Vieux Moulin est rejetée.
Article 2 : La SCI du Vieux Moulin versera à la commune de Migneville une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Vieux Moulin et à la commune de Migneville.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC02790