Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le préfet des Vosges a décidé son transfert vers la Pologne, ainsi que l'arrêté du 26 septembre 2017 qui l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1702554 du 3 octobre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 octobre 2017 et 17 octobre 2017, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 3 octobre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 26 septembre 2017 prises à son encontre par le préfet des Vosges ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile renouvelable durant toute la procédure de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant des écritures produites en première instance par le préfet :
- le préfet ne justifie pas de la délégation du signataire de ces écritures ;
S'agissant de la décision de transfert :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- le préfet ne pouvait prendre à son encontre une décision de remise mais une décision de transfert ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- sa notification méconnaît des dispositions des articles L. 111-8 et L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert.
La requête a été communiquée au préfet des Vosges, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...A..., ressortissant turc né le 12 septembre 1992, relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le préfet des Vosges a décidé son transfert vers la Pologne, responsable de l'examen de sa demande d'asile ainsi que de l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel il a été assigné à résidence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 4 septembre 2017, publié au recueil des actes de la préfecture du même jour, le préfet des Vosges a donné délégation en cas d'absence ou d'empêchement de MmeF..., directrice de la citoyenneté et de la légalité, à M. C...E..., chef du bureau des étrangers, adjoint à la directrice, pour signer toutes correspondances ou documents, à l'exception de courriers ministériels et parlementaires. Par suite, le mémoire en défense produit en première instance et signé par M. C...E...au nom du préfet n'était pas irrecevable.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 septembre 2017 :
3. En premier lieu, les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée en se fondant sur un arrêté du préfet des Vosges du 13 juin 2016 donnant délégation de signature à Mme Claire Wanderoild, secrétaire générale de la préfecture des Vosges, pour signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Vosges, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions en matière de police des étrangers. Cet arrêté, en sa qualité d'acte réglementaire faisant nécessairement l'objet d'une publication, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 32 du 14 juin 2016 de la préfecture des Vosges, librement consultable. Par suite, le préfet n'était pas tenu de le produire aux débats et pour le même motif, le tribunal pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. A... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Visabio " a indiqué que M. A... a bénéficié le 19 décembre 2016 d'un visa C délivré le 19 décembre 2016 par le poste consulaire turc en représentation en Pologne et valable du 23 décembre 2016 au 30 janvier 2017. Le préfet des Vosges, en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, a saisi les autorités polonaises le 8 juin 2017 d'une demande de reprise en charge, et celles-ci ont donné leur accord le 12 juin 2017. Bien que l'article 1er de l'arrêté contesté mentionne que M. A... " est remis " aux autorités polonaises, il ressort des termes de cette décision qu'elle a été prise en application des dispositions des articles L. 742-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux décisions de transfert, qu'elle vise expressément, et après avoir mis en oeuvre les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet des Vosges a pris à son encontre non une décision de remise mais une décision de transfert.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile, et en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié le 31 mai 2017, avec l'assistance d'un interprète en langue turque, d'un entretien individuel au cours duquel il a pu faire valoir ses observations. En outre, s'il soutient que le résumé de cet entretien ne porte pas la signature de l'interprète ni le nom, la qualité et la signature de la personne ayant mené l'entretien, ces mentions ne sont pas requises par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ". Aux termes de l'article L. 111-9 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des articles L. 111-7 et L. 111-8 et définit notamment les conditions dans lesquelles les interprètes traducteurs sont inscrits sur la liste prévue au dernier alinéa de l'article L. 111-8 et en sont radiés ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 26 septembre 2017 a été notifiée à M. A...le 28 septembre 2017 avec le concours par téléphone d'un interprète en langue turque. Même si M. A...soutient que ces modalités de notification méconnaissent les dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de justification par le préfet quant à la nécessité de recourir à l'assistance d'un interprète par téléphone ainsi que les dispositions de l'article L. 111-9 du même code en l'absence d'inscription de l'interprète sur la liste prévue au dernier alinéa de l'article L. 111-8 de code, ces critiques sont sans incidence sur la légalité de la décision faisant l'objet de cette notification. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-8 et L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
Sur la décision d'assignation à résidence :
9. Ainsi, qu'il a été dit ci-dessus, M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision de transfert qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 17NC02407