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20/11/2018 | FRANCE | N°16NC02148

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16NC02148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Saint-Avold à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1503300 du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2016, un mémoire en réplique enregistré le 22 février 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 22 m

ars 2017, Mme A...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Saint-Avold à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1503300 du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2016, un mémoire en réplique enregistré le 22 février 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 22 mars 2017, Mme A...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juillet 2016 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Avold à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Avold la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Saint-Avold a commis une faute en s'abstenant de mettre fin aux faits de harcèlement moral dont elle est victime ;

- sa mise à l'écart, la réduction de ses attributions, les griefs injustifiés qui lui sont adressés, les remarques humiliantes dont elle fait l'objet, la surveillance tatillonne mise en place par l'administration, le refus de lui accorder la protection fonctionnelle, les conditions dans lesquelles elle a été mutée et la discrimination syndicale dont elle fait l'objet sont constitutifs d'un harcèlement moral ;

- ce harcèlement est à l'origine d'une dégradation de son état de santé reconnue imputable au service et justifiant l'allocation d'une indemnité de 100 000 euros.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 27 décembre 2016 et le 7 avril 2017, la commune de Saint-Avold, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

L'instruction a été close à la date du 15 juin 2018 par une ordonnance du 28 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la commune de Saint-Avold.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., adjoint administratif territorial, exerçait les fonctions de responsable de la médiathèque municipale de Saint-Avold depuis 1996 lorsqu'elle a fait l'objet, le 20 juin 2012, d'une " note de service " du maire de la commune l'affectant avec effet immédiat au service des archives municipales. Cette décision prononçant le changement d'affectation de Mme D...a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 décembre 2014, confirmé par un arrêt n° 15NC00288 du 25 février 2016 de la présente cour. En exécution du jugement rendu en sa faveur, l'intéressée a retrouvé ses fonctions de responsable de la médiathèque municipale le 13 janvier 2015. Par un courrier du 13 mai 2015, Mme D...a demandé à la commune de Saint-Avold le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison du harcèlement moral dont elle s'estime victime dans le cadre professionnel, ainsi qu'une indemnisation de 70 000 euros en réparation de ce harcèlement. La collectivité territoriale a rejeté cette demande par une décision du 27 mai 2015. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la commune à réparer ses préjudices pour un montant de 100 000 euros. Elle relève appel du jugement du 28 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Mme D...soutient que, depuis sa réintégration en qualité de responsable de la médiathèque, elle a été progressivement déchargée de ses activités professionnelles afin de la mettre à l'écart des autres agents. Il ressort toutefois des éléments produits par l'administration, qui ne sont pas utilement contredits par l'intéressée, que celle-ci a retrouvé l'essentiel de ses fonctions de responsable après son retour à la médiathèque le 13 janvier 2015, notamment ses fonctions d'encadrement des trois autres agents du service, la gestion matérielle et comptable de la médiathèque et la programmation et l'organisation des actions d'animation. La requérante ne produit pas aux débats les courriels ou le compte-rendu dont elle fait état dans ses écritures et qui démontreraient selon elle la volonté de sa hiérarchie de la mettre à l'écart. Si l'évaluation des trois agents du service a été temporairement confiée, en 2016, au directeur du centre culturel dont relève la médiathèque plutôt qu'à MmeD..., supérieure hiérarchique directe de ces agents, la commune de Saint-Avold justifie cette circonstance par une réorganisation des services culturels consécutive à la reprise en régie de la salle de spectacle municipale, qui a rendu nécessaire une redéfinition des objectifs de l'ensemble des agents par un même évaluateur. L'administration fait valoir en outre que l'ensemble des agents du centre culturel ont été évalués dans les mêmes conditions par le directeur du centre, quel que soit le responsable intermédiaire sous l'autorité duquel ils se trouvaient. Au demeurant, l'évaluation des trois agents de la médiathèque a de nouveau été confiée à Mme D...en 2017. Il n'est pas établi, par ailleurs, que la commune refuserait de confier des stagiaires à la requérante alors qu'elle produit sur ce point une décision affectant un stagiaire à la médiathèque en lui confiant les fonctions de tutrice.

5. Les éléments apportés à l'instance par Mme D...ne démontrent pas que l'administration s'opposerait de façon systématique aux projets et actions d'animation qu'elle souhaite mettre en oeuvre dans le cadre de ses fonctions de responsable de la médiathèque. Si la requérante fait plus particulièrement état des réserves exprimées par ses supérieurs hiérarchiques sur une demande tendant au bénéfice d'heures supplémentaires, présentée par elle-même et ses collègues, afin d'organiser une vente de livres le 22 mai 2016, il ne ressort pas des échanges de courriels qu'elle produit sur ce point que lesdites réserves auraient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

6. Mme D...soutient faire l'objet d'une surveillance tatillonne et de remarques humiliantes et injustifiées sur son travail. Toutefois, il n'est pas établi, au vu des pièces versées au dossier, que les projets de courrier et de bons de commande préparés par Mme D...lui seraient systématiquement retournés " barrés " ou assortis de corrections injustifiées. Si elle fait valoir sur ce point qu'un bon de commande préparé les 4 et 5 mars 2015 lui a été retourné sans justification, l'administration indique que ce bon n'a pu être validé par l'autorité hiérarchique en l'absence d'engagement budgétaire préalable. La note de service du 11 mars 2015, établie postérieurement aux bons de commande préparés par la requérante, se borne à rappeler la nécessité d'un tel engagement préalable conformément à la réglementation comptable et budgétaire en vigueur et ne révèle pas de la part de l'administration une volonté d'imposer à Mme D...une règle nouvelle dans le but de faire obstacle à ses commandes de fournitures. Le refus du directeur général des services de serrer la main de Mme D...lors d'une réunion, dans un contexte de forte tension entre l'administration et le syndicat auquel appartient l'intéressée, ne révèle pas en tant que tel un agissement constitutif d'un harcèlement moral. La convocation de la requérante au commissariat de police le 22 mai 2015 fait suite à un dépôt de plainte par l'un de ses collègues qui lui reprochait d'avoir consulté son compte de messagerie professionnel sans autorisation et n'est pas imputable à l'administration.

7. La requérante allègue que sa notation a été abaissée sans produire à l'instance de documents propres à en attester. L'administration produit en revanche le compte-rendu d'évaluation de l'intéressée, établi au titre de l'année 2015, dont il ressort que l'ensemble des aptitudes et compétences exigées pour le poste sont parfaitement acquises selon l'évaluateur. Dans ces conditions, il n'est pas démontré que l'administration aurait baissé la notation de Mme D...de façon injustifiée dans le seul but de lui nuire.

8. Si Mme D...soutient avoir fait l'objet d'un avancement d'échelon à la durée maximale en 2016 alors qu'elle a bénéficié avant 2012 d'avancements à la durée minimale, il résulte des éléments produits par la commune de Saint-Avold que l'intéressée a été proposée à plusieurs reprises à la promotion interne en qualité de rédactrice territoriale de 2009 à 2011, qu'elle a été promue au grade d'adjointe administrative principale de 2ème classe en février 2016 et qu'elle a été nommée rédactrice territoriale en octobre 2016. Il n'est pas démontré, au vu des éléments produits sur ce point par l'administration, que la requérante aurait subi un retard de carrière par rapport à ses collègues. L'administration justifie que MmeD..., contrairement à ce qu'elle soutient, a reçu une indemnité d'administration et de technicité au titre de l'année 2015 et explique le versement de cette indemnité au cours de l'année suivante par la circonstance que son montant était subordonné aux mérites et résultats de l'agent en 2015, lesquels n'ont pu être appréciés qu'au vu du compte-rendu d'évaluation lui-même établi au début de l'année 2016.

9. La requérante fait état de la décision du 20 juin 2012 l'affectant au service des archives, qui a été annulée par le juge administratif au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une consultation de la commission administrative paritaire et n'était pas justifiée par l'intérêt du service. Elle produit à l'instance le jugement du tribunal correctionnel de Sarreguemines du 17 mars 2014, confirmé par la cour d'appel de Metz le 9 septembre 2015, qui condamne le maire de Saint-Avold à une peine d'amende pour avoir décidé son changement d'affectation à raison de son appartenance syndicale. Si le changement d'affectation de Mme D...et la discrimination syndicale retenue par le juge judiciaire à l'encontre du maire de Saint-Avold sont susceptibles, le cas échéant, de révéler une faute de la commune, il n'est pas pour autant établi qu'ils constitueraient des agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

10. Il résulte de ce qui précède que les faits de harcèlement moral invoqués par Mme D... ne sont pas établis. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la commune de Saint-Avold serait engagée à raison de tels faits ou pour avoir refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle contre ces mêmes faits.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Avold, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme D...demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...le versement de la somme que la commune de Saint-Avold demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Avold présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et à la commune de Saint Avold.

2

N° 16NC02148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02148
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CABAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-20;16nc02148 ?
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