Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1701774 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté contesté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 décembre 2017, le préfet de la Marne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1701774 du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Le préfet soutient que l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu, dès lors que la convocation adressée à M. B... avait pour objet des examens complémentaires et non son audition devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2018, M. C... B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à son avocate une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 20 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 24 octobre 1980, déclare être entré sur le territoire national le 19 novembre 2015. A la suite du rejet de sa demande d'asile, il a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 25 août 2017, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
2. Le préfet de la Marne relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Pour annuler le refus de séjour et, par voie de conséquence, les autres décisions portées par l'arrêté en litige, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que, la convocation de M. B... devant le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 10 août 2017 ne mentionnant pas la possibilité d'être assisté d'un médecin ou d'être entendu avec l'aide d'un interprète, l'intéressé a été privé d'une garantie prévue par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Selon le premier alinéa de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité ". Aux termes du cinquième alinéa du même article : " Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal ".
6. Contrairement aux dispositions du cinquième alinéa de l'article R. 313-23 précité, relatif à la convocation de l'intéressé devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, les dispositions du premier alinéa de cet article ne prévoient pas que l'étranger puisse être assisté d'un interprète et d'un médecin à l'occasion des examens auxquels le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration estime nécessaire de procéder pour l'élaboration de son rapport médical. Il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée le 17 juillet 2017 à M. B... par le service médical de la direction territoriale de Reims de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait pour seul objet de lui faire subir un examen clinique dans ses locaux le 10 août suivant, comme le prévoient les dispositions du premier alinéa de l'article R. 313-23 précité. Dès lors, cette convocation ne saurait être irrégulière du seul fait qu'elle ne mentionnait pas la possibilité pour l'intéressé d'être assisté d'un interprète et d'un médecin.
7. Par suite, le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 précité.
8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne que devant la cour en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
9. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". En vertu du troisième alinéa de l'article R. 313-23 du même code, le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège.
10. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". Au bas de la dernière page de ce modèle figure un espace où l'auteur du rapport médical doit apposer sa signature et son cachet.
11. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis son avis au vu d'un rapport médical qui n'a pas été établi conformément au modèle figurant à l'annexe B et qui, en particulier, ne comporte ni la signature, ni le cachet de son auteur. M. B...soutient que ces omissions empêchent de vérifier que l'auteur du rapport médical est bien un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que le collège de médecins était régulièrement composé.
12. En l'absence d'éléments apportés à cet égard par l'administration, qui est seule à même de les produire, et n'a pas donné suite à la mesure d'instruction de la cour qui l'invitait à le faire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège de médecins ne comprenait pas le médecin auteur du rapport médical. Dans ces conditions, M. B... ne peut qu'être regardé comme ayant, en l'espèce, été privé d'une garantie. Par suite, l'irrégularité du rapport médical est de nature à entacher d'illégalité la décision de refus de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. Dès lors, M. B... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté attaqué.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté litigieux. Dès lors, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et au rejet de la demande présentée par M. B... doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 20 mars 2018. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A...de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par le préfet de la Marne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
2
N° 17NC03101