La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2019 | FRANCE | N°17NC01751-17NC01753-17NC01754

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17NC01751-17NC01753-17NC01754


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la société de fait STEF A...J et S a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008, pour un montant de 22 342 euros.

D'autre part, MM. C...et D...A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxq

uels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008, pour des montants respe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la société de fait STEF A...J et S a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008, pour un montant de 22 342 euros.

D'autre part, MM. C...et D...A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008, pour des montants respectifs de 7 780 euros et 4 982 euros.

Par un jugement n° 1500579,1500580,1500581 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2017 sous le n°17NC01753, la société de fait STEF A...J et S, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 mai 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008, pour un montant de 22 342 euros.

Elle soutient que :

- en se bornant à reprendre les arguments du vérificateur relatifs à des années d'imposition antérieures, l'administration n'établit pas qu'au cours des années 2007 et 2008, l'activité artisanale des deux frères A...ait perduré sous la forme d'une société de fait ;

- M. C...A...justifie notamment avoir poursuivi son activité en qualité de salarié en 2008 ;

- l'administration n'a pas davantage prouvé que les intéressés avaient dépassé les seuils requis pour bénéficier des régimes de franchise de taxe sur la valeur ajoutée et de micro-entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société de fait ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 février 2018, la société de fait STEF A...J et S conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

II.) Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2017 sous le n°17NC01751, M. D...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 mai 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, pour un montant de 4 982 euros.

Il soutient que :

- en se bornant à reprendre les arguments du vérificateur relatifs à des années d'imposition antérieures, l'administration n'établit pas qu'au cours des années 2007 et 2008, l'activité artisanale des deux frères A...ait perduré sous la forme d'une société de fait ;

- M. D...A...justifie notamment avoir poursuivi son activité en qualité de salarié en 2008 ;

- l'administration n'a pas davantage prouvé que les intéressés avaient dépassé les seuils requis pour bénéficier des régimes de franchise de taxe sur la valeur ajoutée et de micro-entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 février 2018, M. D...A...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

III.) Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2017 sous le n°17NC01754, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 mai 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels des rappels d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, pour un montant de 7 780 euros ;

Il soutient que :

- en se bornant à reprendre les arguments du vérificateur portant sur une période postérieure, l'administration n'établit pas qu'au cours des années 2007 et 2008, l'activité artisanale des deux frères A...ait perduré sous la forme d'une société de fait ;

- M. C...A...justifie notamment avoir poursuivi son activité en qualité de salarié en 2008 ;

- l'administration n'a pas davantage prouvé que les intéressés avaient dépassé les seuils requis pour bénéficier des régimes de franchise de taxe sur la valeur ajoutée et de micro-entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 février 2018, M. C...A...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'une enquête menée sur le fondement de l'article 80 G du livre des procédures fiscales au cours du mois de janvier 2006 dans l'entreprise de couverture-zinguerie de MM. D...et C...A...relative aux années 2003 à 2004, l'administration a considéré que l'activité de ces derniers, officiellement déclarée selon le régime de la micro-entreprise, s'exerçait en réalité sous la forme d'une société de fait, et, compte tenu de l'addition des chiffres d'affaires annuels respectifs de ses deux associés, était soumise au dépôt des déclarations requises de chiffres d'affaires et à la taxe sur la valeur ajoutée. Les recours contentieux dirigés contre les rappels d'impositions dus au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2006 ont été définitivement rejetés par des arrêts de la cour administrative d'appel de Nancy des 10 mai 2012 et 2 octobre 2014. Le service en a tiré les conséquences pour les années ultérieures et invité la société de fait STEF A... J et S à déposer une déclaration de chiffre d'affaires par mises en demeure du 27 juin 2008 pour l'année 2007 et du 29 juin 2009 pour l'année 2008. La société n'ayant pas régularisé sa situation, les bénéfices réalisés au titre de ces deux années ont été évalués d'office sur la base du chiffre d'affaires déclaré par chacun des deux frères en application de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. D'une part, par propositions de rectification du 21 décembre 2010 pour l'année 2007 et du 15 décembre 2011 pour l'année 2008, l'administration a notifié à MM. A...les rappels d'impôt sur le revenu correspondants assortis des pénalités y afférentes. D'autre part, par propositions de rectification des mêmes jours, la société de fait s'est vu notifier selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis des pénalités y afférentes au titre de la période d'imposition correspondant aux années 2007 et 2008. La société de fait STEF A...J et S et MM. A...relèvent appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes de décharge des rappels d'impositions susmentionnés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". L'article L. 73 du même livre dispose que : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ". Son article L. 193 prévoit par ailleurs que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ", et son article R. 193-1 que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

3. Si en vertu de ces dispositions, la preuve du caractère exagéré des impositions incombe au contribuable, il appartient en revanche à l'administration fiscale de faire la preuve de la validité de l'engagement d'une procédure d'imposition d'office. En l'espèce, le service a mis en oeuvre les procédures susmentionnées d'évaluation et de taxation d'office pour absence de dépôt par la société de fait STEF A...J et S des déclarations de chiffre d'affaires et de bénéfices industriels et commerciaux légalement requises. La régularité du recours aux procédures d'imposition d'office, qui est subordonnée à l'établissement de manquements aux obligations déclaratives de l'entreprise concernée, implique nécessairement que l'administration apporte la preuve de l'existence, au cours de la période litigieuse des années 2007 à 2008, d'une société de fait entre les frèresA.... En conséquence, indépendamment de la procédure suivie, il incombe à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour justifier de l'existence d'une société de fait, laquelle est subordonnée à la réunion de trois éléments, à savoir la participation de deux ou plusieurs personnes aux apports faits à cette entreprise, la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi que leur participation aux résultats, qu'il s'agisse de bénéfices ou de pertes.

4. En second lieu, l'article 8 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) ". L'article 293 B du même code prévoit que : " I.-Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, (...), bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires supérieur à : (...) b. 27 000 euros s'ils réalisent d'autres prestations de services (...) ". Enfin, son article 50-0 relatif au régime de la micro-entreprise prévoit que : " 1. Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 76 300 euros hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, ou 27 000 euros hors taxes s'il s'agit d'autres entreprises, sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices. (...) 2. Sont exclus de ce régime : (...) b. Les contribuables qui ne bénéficient pas des dispositions du I (1) de l'article 293 B. Cette exclusion prend effet à compter du 1er janvier de l'année de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ; c. Les sociétés ou organismes dont les résultats sont imposés selon le régime des sociétés de personnes défini à l'article 8 (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que pour tenir pour établie la continuation de l'activité de couvreur des frères A...par l'entremise d'une société de fait, le service s'est exclusivement fondé sur les conclusions des contrôles portant sur des années antérieures au litige, et un précédent jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ayant admis l'existence d'une telle société entre les intéressés pour les années 2003, 2004 et 2006. L'administration, estimant " qu'aucun élément nouveau n'est venu modifier les conditions d'exploitation décrites par l'administration au titre des années 2003, 2004 et 2006 ", a considéré qu'il y avait dès lors également lieu de " mettre à jour " le dossier fiscal de la société de fait et de ses " associés " pour les années 2007 et 2008 en litige.

6. Cette seule affirmation dénuée de tout élément de preuve relatif aux modalités d'exercice par les frères A...de leur activité au cours des années 2007 et 2008 ne saurait toutefois suffire à démontrer la persistance de la société de fait, ce que les intéressés nient par ailleurs. Dans ces circonstances, c'est à tort qu'après les avoir mis en demeure de souscrire les déclarations exigées des exploitants soumis au régime du bénéfice réel simplifié, l'administration a évalué d'office leurs bases d'imposition, en totalisant les recettes déclarées par chacun d'eux. Appréciés individuellement, les montants de chiffres d'affaires respectifs des intéressés n'excédaient pas les seuils prévus par les dispositions précitées des articles 293 B et 50-0 du code général des impôts, de sorte qu'ils pouvaient prétendre à la franchise de taxe sur la valeur ajoutée et au régime de micro-entreprise, et n'étaient donc pas astreints au dépôt de déclarations dites CA 12 et de bénéfices industriels et commerciaux prévu à l'article 53A.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1500579,1500580,1500581 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : M. C...A...est déchargé des rappels d'impôt sur le revenu et des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à raison de sa part dans une société de fait, ainsi que des pénalités correspondantes, au titre des années 2007 et 2008.

Article 3 : M. D...A...est déchargé des rappels d'impôt sur le revenu et des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à raison de sa part dans une société de fait, ainsi que des pénalités correspondantes, au titre des années 2007 et 2008.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MM. C...et D...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC01751,17NC01753,17NC01754


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01751-17NC01753-17NC01754
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Calcul de la taxe - Franchise et décote.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS IFAC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-21;17nc01751.17nc01753.17nc01754 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award