Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL JAPM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1503595 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 15 décembre 2017 et 20 juin 2018, la SARL JAPM, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en refusant de lui communiquer les justificatifs des tarifs de location recueillis, des années de référence et des fiches de location obtenues, l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification est entachée d'un défaut de motivation dès lors que le tarif de location fixé par l'administration ne correspond pas à la méthode de reconstitution annoncée par l'administration dans la proposition de rectification ; la proposition de rectification est insuffisamment motivée concernant les tarifs de location utilisés pour la reconstitution ;
- les termes de comparaison utilisés par l'administration ne sont pas pertinents ;
- les sociétés ayant servi de termes de comparaison supportent des frais qu'elle n'a pas à supporter, justifiant la fixation d'un tarif inférieur à ces sociétés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL JAPM ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) JAPM, qui exerce une activité de promotion immobilière et de marchand de biens, ainsi que depuis 2007 une activité de location de véhicules, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause le tarif auquel la société a loué ses véhicules à ses deux associés et à l'épouse de l'un deux. Par proposition de rectification du 3 octobre 2012, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011. La SARL JAPM relève appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition ". D'une part, il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, la régularité d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. D'autre part, lorsque l'administration entend fonder, au moins en partie, un redressement sur des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, elle doit, pour assurer le caractère contradictoire de la procédure sans méconnaître le secret professionnel protégé par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, désigner nommément ces entreprises, mais ne fournir au contribuable que des moyennes ne lui permettant pas de connaître, fût-ce indirectement, les données propres à chacune d'elles.
3. La proposition de rectification du 3 octobre 2012, remplaçant la précédente proposition de rectification du 9 juillet 2012, a indiqué au contribuable les noms des trois entreprises retenues par l'administration comme termes de comparaison, en précisant les tarifs de location et les conditions de location sur la base desquelles ces tarifs ont été établis par les sociétés tierces. L'administration y a également adjoint des annexes détaillant le calcul de la reconstitution des recettes de location des véhicules. Ces éléments étaient suffisants pour permettre à la société requérante de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par courrier du 11 décembre 2012. Si la SARL JAPM argue en outre de l'incohérence de la méthodologie utilisée par l'administration, cette contestation relève du bien-fondé des motifs de la proposition de rectification. Par suite, la proposition de rectification répondait à l'exigence de motivation résultant des dispositions précitées du livre des procédures fiscales.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés. Il en va ainsi, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur. D'autre part, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent une garantie au profit de l'intéressé. L'omission de communiquer les documents ou copies demandés constitue un vice de nature à entraîner l'irrégularité de la procédure d'imposition En ce qui concerne les documents ou copies de documents contenant des renseignements recueillis sur des sites Internet ou sur des serveurs de données et utilisés par l'administration pour établir un redressement, il appartient à celle-ci de les mettre à disposition du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions qui en résultent si celui-ci lui indique avant cette mise en recouvrement, en réponse à un refus de communication fondé sur le caractère librement accessible des informations en cause, qu'il n'a pu y avoir accès.
5. Dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL JAPM, l'administration a constaté que quatre véhicules de marque BMW ont été loués au cours des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, à MM.B..., associés de la SARL JAPM, et à l'épouse de l'un d'entre eux. En vue de déterminer si le prix de location pratiqué par la SARL JAPM avait un caractère normal, l'administration a fait usage de son droit de communication prévu aux articles L. 81 à L. 85 du livre des procédures fiscales auprès de sociétés de location de véhicules de tourisme. Deux entreprises ont répondu à l'administration. En complément, l'administration a consulté le site internet d'une troisième entreprise de location. A partir de ces éléments obtenus, l'administration a considéré que le prix de location journalier pratiqué par la SARL JAPM était sous-évalué et le service a reconstitué les recettes qui auraient dû être normalement perçues par la société. La SARL JAPM soutient qu'elle a demandé en vain la communication des éléments justificatifs relatifs aux tarifs de location et que l'administration a ainsi méconnu selon elle les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
6. Il résulte de l'instruction que l'administration a notifié une nouvelle proposition de rectification du 3 octobre 2012 remplaçant la précédente proposition de rectification du 9 juillet 2012. A supposer même que le courrier du 7 septembre 2012 adressé par la SARL JAPM comportait une demande de communication, l'administration n'était pas tenue d'y répondre dès lors que, lorsqu'elle procède à une nouvelle proposition de rectification qui se substitue intégralement à la proposition initiale, il appartient au contribuable, s'il l'estime utile, de renouveler sa demande de communication des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels demeure fondé le redressement. Le second courrier du 11 décembre 2012 valant observations à la proposition de rectification du 3 octobre 2012, par lequel la société contestait la pertinence des termes de comparaison et la motivation de la proposition de rectification, ne sollicitait pas la communication de documents ayant fondé le rehaussement. Il est vrai que dans le cadre de la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la SARL JAPM a adressé au président de la commission un mémoire du 5 février 2014 dans lequel elle demandait à l'administration la communication des éléments justificatifs constituant la base des tarifs des entreprises tierces et notamment les fiches de location de ces sociétés. Cette demande ne peut cependant être regardée comme une demande adressée à l'administration fiscale. En outre, le président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas tenu de transmettre à l'administration fiscale la demande de communication de documents qui lui avait été adressée par ce courrier du 5 février 2014. Il s'ensuit que le défaut de réponse à une telle démarche, effectuée dans le cadre de la procédure suivie devant ladite commission régie par les dispositions de l'article L 60 du livre des procédures fiscales, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition elle-même. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien fondé de l'imposition :
7. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
8. S'agissant de la location d'un bien inscrit à son actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la location a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de la location si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la location à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
9. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 3 octobre 2012, que l'administration a considéré que la location de quatre véhicules de marque BMW loués au cours des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, à MM.B..., associés de la SARL JAPM, et à l'épouse de l'un d'entre eux, l'a été à un prix significativement inférieur au prix du marché. La SARL JAPM a loué sur cette période à un tarif journalier hors taxes un véhicule BMW X3 compris entre 58,15 et 59,45 euros, une BMW X6 à 73,40 euros et une BMW série 1 à un tarif compris entre 35,21 et 39,07 euros. A la suite de l'exercice de son droit de communication auprès des sociétés de location de véhicules Luxury Club et Just4 VIP s'agissant des véhicules BMW X3 et X6, et des éléments recueillis sur le site internet de la société Sixt s'agissant du véhicule BMW série 1, l'administration a fixé le tarif de location journalier hors taxes à 451, 50 euros pour la BMW X3, 626 euros pour la BMW X6 et à 127, 92 euros pour la série 1. Dans son avis du 3 octobre 2014, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a évalué le prix unique journalier hors taxes de location du véhicule BMW X3 à 200 euros, du véhicule BMW X6 à 260 euros et du véhicule BMW série 1 à 100 euros. L'administration s'est en définitive conformée à cet avis.
10. S'agissant du terme de comparaison utilisé par l'administration pour évaluer le tarif de location du véhicule BMW série 1, la circonstance que la société Sixt dispose internationalement d'agences de location ne suffit pas à considérer que cette société ne puisse pas être comparée à la SARL JAPM, comme la société requérante le soutient, dès lors qu'il n'est pas justifié que cette présence dans plusieurs pays aurait une influence sur le tarif de location. Eu égard à la méthode de l'administration fondée sur les conditions de location du véhicule BMW série 1 similaires à celles pratiquées par la société requérante, le seul tarif de location issu des données de la société Sixt peut être considéré comme un terme de comparaison approprié pour ce véhicule. S'agissant des deux termes de comparaison utilisés par l'administration pour évaluer le tarif de location des véhicules BMW X3 et X6, la SARL JAPM soutient que les sociétés de location de véhicules Luxury Club et Just4 VIP proposent exclusivement des véhicules haut de gamme ainsi que des prestations annexes de locations de jets privés, hélicoptères et yachts. Cependant, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de plusieurs sociétés de location, l'administration n'a pu obtenir des éléments issus que de ces deux seules sociétés. Cette circonstance démontre par conséquent que la location des véhicules BMW X3 et X6 constitue une prestation haut de gamme pour une clientèle limitée. En louant ce type de véhicules uniquement à ses associés et à leurs proches, la société requérante propose ainsi une prestation comparable à celle des sociétés Luxury Club et Just4 VIP, qui peuvent dès lors servir de termes de comparaison. En outre, les conditions de location des quatre véhicules série 1, X3 et X6 accordées aux associés et à l'épouse de l'un deux étaient très avantageuses au regard des conditions normales appliquées par les entreprises de location, ces derniers bénéficiant d'un kilométrage illimité, d'une assurance tous risques et du paiement du prix au retour du véhicule. Dans ces conditions, l'administration établit que les locations ont été accordées à des prix significativement inférieurs aux prix du marché. Par suite, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de ces locations.
11. Pour justifier de l'intérêt de l'entreprise à pratiquer ces tarifs avantageux, la société requérante se prévaut des faibles coûts de structure, la seule édition de factures mensuelles étant réalisée. Si les conditions d'exploitation de la SARL JAPM peuvent justifier des coûts de fonctionnement inférieurs à d'autres entreprises de location de véhicules, la société requérante ne démontre pas que l'appauvrissement qui a résulté pour elle de la location de ses véhicules à des prix significativement inférieurs aux tarifs pratiqués par des entreprises tierces, au demeurant proposés à ses seuls associés et à leurs proches, lui a permis d'en tirer une réelle contrepartie, notamment en matière de marge commerciale.
12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes correspondant à ces minorations de recettes dans le résultat imposable de la SARL JAPM au titre des années 2009, 2010 et 2011.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL JAPM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL JAPM est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL JAPM et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC03019