Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B..., agissant en qualité d'ayant-droit de son époux décédé, M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier d'Epinal à lui verser la somme totale de 40 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence subis par son époux, d'ordonner une expertise aux fins de se prononcer sur les préjudices à indemniser et de lui allouer une somme de 15 000 euros à titre de provision.
Par une ordonnance n° 1602907 du 24 août 2018, le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2018, MmeC... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nancy du 24 août 2018 ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Epinal à lui verser la somme totale de 40 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A...B... ;
3°) d'ordonner une expertise aux fins de se prononcer sur les préjudices à indemniser et de lui allouer une somme de 15 000 euros à titre de provision ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la victime n'a conclu aucune transaction avec le centre hospitalier ou son assureur ;
- la responsabilité du centre hospitalier est engagée dès lors que, par un arrêt du 2 juillet 2015, la cour d'appel de Paris a jugé que les praticiens chargés de procéder à la mise en oeuvre du traitement de M. B...par radiothérapie avaient commis une faute à l'origine de sa sur-irradiation et que cette faute n'était pas détachable du service ;
- la victime a subi un préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être évalués aux sommes respectives de 25 000 euros et de 15 000 euros ;
- l'expert désigné devra se prononcer sur le lien entre les sur-irradiations subies dans les services du centre hospitalier et le décès de la victime, ainsi que sur l'ensemble de ses préjudices.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2019, le centre hospitalier d'Epinal et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la conclusion d'une transaction avec la victime pour l'indemnisation de son préjudice corporel fait obstacle à l'octroi d'une indemnité complémentaire ;
- l'action engagée par Mme B...est prescrite en application de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique ;
- la requérante ne justifie pas du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence subis par la victime ;
- l'évaluation des préjudices est surévaluée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour le centre hospitalier d'Epinal et la SHAM.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B...a été pris en charge du 13 novembre 2001 au 10 janvier 2002 par le centre hospitalier d'Epinal où il a subi des séances de radiothérapie pour le traitement de lésions cancéreuses. Imputant le décès de son époux, survenu le 27 février 2004, à des doses excessives de radiations résultant d'erreurs dans l'utilisation du matériel de radiothérapie, Mme C... B...a, par un courrier du 17 mai 2016 réceptionné le 1er juin suivant, présenté une demande indemnitaire préalable au centre hospitalier d'Epinal en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence subis par la victime. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Nancy de sa demande indemnitaire. La requérante relève appel de l'ordonnance du 24 août 2018 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
3. Pour rejeter la demande présentée par MmeB..., le premier juge a relevé que son époux avait obtenu réparation des préjudices invoqués par le versement d'une provision de 15 000 euros qu'il avait pu conserver, que les préjudices ainsi indemnisés n'étaient pas distincts de ceux dont la requérante demandait la réparation devant le tribunal administratif et que l'offre d'indemnisation faite par la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à la victime mentionnait la renonciation de M. B...à toute action devant une juridiction. La requérante soutient en appel que son époux n'a conclu de transaction ni avec le centre hospitalier d'Epinal ni avec son assureur et n'a jamais reçu d'indemnisation. Si le centre hospitalier d'Epinal et la SHAM entendent se prévaloir des termes du recours préalable présenté au nom de la requérante et de plusieurs autres victimes et de leurs ayants droit, selon lesquels " le préjudice corporel (...) a été indemnisé ", ils ne justifient pas à l'instance de la conclusion d'une transaction, ni d'un versement à M. B...en vue de l'indemniser de ses préjudices, alors que la requérante conteste expressément l'existence même d'une indemnisation. Au demeurant, le centre hospitalier a produit en première instance les courriers adressés à Mme B...ou à son conseil les 7 juillet 2008, 29 avril 2009 et 17 avril 2013, dont il ressort que la demande présentée en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices de M. B... a été rejetée. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir qu'en l'absence de transaction conclue avec l'hôpital ou son assureur, comme de tout versement d'une somme visant à indemniser les préjudices de M.B..., le recours juridictionnel qu'elle a engagé n'était pas irrecevable. Par suite, sa demande n'était pas entachée d'une irrecevabilité manifeste au sens du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, cette ordonnance doit être annulée.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la requérante
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le centre hospitalier d'Epinal et la SHAM demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Epinal et de la SHAM la somme dont Mme B... demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Nancy n° 1602907 du 24 août 2018 est annulée.
Article 2 : Mme B...est renvoyée devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au centre hospitalier d'Epinal et à la société hospitalière d'assurances mutuelles.
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N° 18NC02875