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03/06/2019 | FRANCE | N°18NC00448

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 03 juin 2019, 18NC00448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...C...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602483 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a réduit les bases de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 à hauteur respectivement d

es sommes de 20 000 euros et 27 780,15 euros, a déchargé en conséquence M. et Mme C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...C...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602483 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a réduit les bases de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 à hauteur respectivement des sommes de 20 000 euros et 27 780,15 euros, a déchargé en conséquence M. et Mme C...des cotisations supplémentaires et pénalités correspondantes mises à leur charge, et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, M. et Mme E...C..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes restant à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la base de l'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 doit être réduite de la somme de 30 700 euros qui correspond à des apports personnels au profit de la société Elec Plus réalisés en 2010 ; l'administration a en effet compensé ce versement avec la somme de 93 900 euros correspondant aux versements qu'auraient perçus les requérants ;

- la somme de 8 875,82 euros doit être déduite de la base imposable au titre de l'année 2012 dès lors qu'ils ont supporté des charges afférentes à l'activité de la société France Elec Plus ;

- ils ont justifié de la réalité des frais professionnels devant être déduits de leur base imposable au titre de l'année 2012 ;

- les requérants ont pris en charge des achats de matériel au bénéfice de la société France Elec Plus à hauteur de 21 361,41 euros, somme qui doit être déduite de leur base imposable au titre de l'année 2011 ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées puisqu'ils n'ont pas eu d'intention délibérée d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeD...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a exercé, au cours des années 2011 et 2012, les fonctions de gérant au sein de trois sociétés, dont la société France Elec qui a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 3 mai 2011 et la société France Electricité Plus qui n'a été immatriculée qu'à compter du 5 décembre 2012. La troisième société, la société à responsabilité limitée (SARL) France Elec Plus a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à compter du 12 juin 2013 au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, étendue au 30 avril 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. L'administration a constaté que des paiements destinés à la société avaient été encaissés sur le compte bancaire personnel de M. C...à hauteur de 27 200,63 euros en 2011 et de 222 030,52 euros en 2012. L'administration en a tiré les conséquences en imposant ces sommes dans les mains de M. C...en tant que revenus distribués. Par proposition de rectification du 11 février 2014, l'administration a notifié à M. et MmeC..., dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a réduit leurs bases de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 à hauteur respectivement des sommes de 20 000 euros et 27 780,15 euros, les a déchargés en conséquence des cotisations supplémentaires mises à leur charge, et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme C...relèvent appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 11 avril 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales et des pénalités afférentes auxquelles M. et Mme C...ont été assujettis à concurrence d'une somme de 7 450 euros en droits et de 3 219 euros en pénalités au titre de l'année 2012 correspondant à la différence entre les contributions sociales calculées sur une assiette majorée de 25 % et les impositions calculées sur le rehaussement non majoré. Les conclusions de la requête de M. et Mme C...sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

3. Aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations ou avantages occultes ". Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. Dans le cas où les parties sont liées par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée.

4. M. et Mme C...ne contestent pas avoir encaissé sur leurs comptes bancaires personnels les recettes commerciales litigieuses provenant de clients de la SARL France Elec Plus, mais soutiennent qu'ils ont dû, en raison du blocage du compte bancaire de la société, recourir à leurs comptes bancaires personnels, tant pour encaisser les recettes que pour acquitter les frais et charges de la société. Les époux C...ont en conséquence demandé que le montant des distributions correspondant à ces encaissements soit " compensé " par le montant total des dépenses liées à l'activité professionnelle de la société qui auraient été réglées par l'intermédiaire de leurs comptes personnels et de leurs apports personnels.

S'agissant de l'année 2011 :

5. En premier lieu, le ministre affirme, sans être contredit, que postérieurement au jugement du 21 décembre 2017, l'administration a réduit la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de la somme de 27 200 euros, correspondant à l'intégralité des distributions imposées à l'issue du contrôle fiscal et qu'ainsi il n'y a plus de litige sur ce point. L'administration ayant déchargé en conséquence M. et Mme C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes, la demande des requérants tendant à imputer sur le montant des distributions imposées au titre de l'année 2011 le montant total d'apports personnels à hauteur de 30 700 euros qu'ils auraient effectués au bénéfice de la SARL France Elec Plus en 2010 est sans objet et ne peut qu'être rejetée.

6. En second lieu, M. et Mme C...soutiennent qu'ils ont cédé à la SARL France Elec Plus du matériel acquis initialement par la société France Elec et M. C...et que ce dernier n'aurait jamais été payé par la SARL France Elec Plus. Les requérants produisent pour la première fois en appel un récapitulatif des achats du 8 avril 2011 annoté par M. C...qui a mentionné son nom en tant que revendeur du matériel. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les requérants ayant bénéficié d'un dégrèvement correspondant à l'intégralité des redressements en litige au titre de l'année 2011, leurs conclusions présentées sur ce point sont sans objet. En tout état de cause, ils n'apportent aucun élément tangible au soutien de leurs allégations selon lesquelles M. C...était le propriétaire initial de ces matériels.

S'agissant de l'année 2012 :

7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. ". D'autre part, selon l'article L. 204 du même livre, la compensation ne peut être opérée que si le dégrèvement et l'omission ou l'insuffisance se rapportent à la même année d'imposition. Il résulte de ces dispositions que l'administration est en droit d'opposer à la demande d'un contribuable toute compensation entre le dégrèvement reconnu justifié et les insuffisances ou omissions dans les bases d'imposition, constatées au cours de l'instruction dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, dès lors que l'erreur se rapporte à l'imposition de la même année. Enfin, l'article L. 205 du même livre dispose que la compensation des droits prévue à l'article L. 205 précité est opérée dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification notamment lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice.

8. Il résulte de l'instruction qu'au stade de la décision d'acceptation partielle de la réclamation préalable du 23 juin 2016, l'administration a admis le principe de la réduction des bases de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2012 à concurrence d'une somme de 76 670 euros. Elle a cependant relevé que, dans les extraits du compte bancaire personnel de M. C... produits par ce dernier, des virements de compte à compte de la société France Elec Plus vers les comptes personnels des requérants avaient été effectués au cours de l'année 2012 à hauteur de 93 900 euros. L'administration a, en application de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, procédé à la compensation entre ces deux sommes et, pour ce motif, n'a prononcé aucun dégrèvement. M. et MmeC..., qui ne contestent pas les modalités de cette compensation, persistent à demander la prise en compte du montant d'apports personnels à hauteur de 30 700 euros qui auraient été effectués en 2010 au bénéfice de la SARL France Elec Plus. Toutefois, ces sommes, qui ne se rapportent pas à l'imposition sur le revenu de l'année 2012, ne peuvent pas être compensées avec la somme susmentionnée de 93 900 euros. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En second lieu, d'une part, les requérants prétendent avoir supporté la charge de dépenses de la SARL France Elec Plus à concurrence de la somme de 8 875, 82 euros restant en litige. Ces sommes doivent être déduites, selon eux, des revenus distribués imposés entre leurs mains. S'agissant des factures de garagistes des 3 janvier et 16 juin 2012 pour des montants respectifs de 586,88 et 1 018,17 euros toutes taxes comprises, les requérants se bornent à produire la carte grise du véhicule, qui porte le même numéro de série que celui indiqué sur ces factures, mais qui est établie au nom de l'ancien propriétaire jusqu'à sa cession le 20 mai 2011. En ne produisant pas notamment la carte grise du véhicule au nom de la société France Elec Plus, M. et Mme C...n'établissent pas que cette société en était le propriétaire au cours de l'année 2012. Les attestations d'un dépanneur et de la SCI Haxo, dont le siège est à la même adresse que la société France Elec Plus, qui indique avoir loué un local à M. C...du 20 février 2012 au 31 juillet 2013 sous le nom de A...F..., ne permettent pas de justifier de la propriété de ce véhicule. Par suite, l'administration doit être regardée comme ayant établi que ces dépenses n'avaient pas été effectuées dans l'intérêt de la SARL France Elec Plus. S'agissant des factures Residential, de celles pour des frais de restaurant et d'hôtel, pour l'achat d'une cafetière au bénéfice d'un dépositaire, les requérants n'apportent aucun élément qui justifierait que ces sommes avaient été engagées dans le cadre de l'activité de la société France Elec Plus. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration n'a pas pris en compte ces sommes comme se rattachant à l'activité de la SARL France Elec Plus et comme pouvant être déduites de la base d'imposition de M. et Mme C...au titre de l'année 2012.

10. D'autre part, M. et Mme C...se prévalent de frais professionnels réglés à titre personnel par M. C...par carte bancaire. Ils produisent des facturettes concernant des frais de péage, d'essence, de restauration et d'hôtellerie. En se bornant à alléguer qu'en sa qualité de gérant de la SARL France Elec Plus, M. C...était tenu de se déplacer, les requérants n'apportent pas d'élément suffisamment probant quant à la réalité du motif professionnel de ces déplacements. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration n'a pas regardé ces sommes comme ayant un lien avec l'exploitation de la SARL France Elec Plus.

En ce qui concerne les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

12. Les redressements en litige portent sur des sommes versées sur les comptes bancaires personnels de M. et Mme C...correspondant à la rémunération de prestations réalisées par la SARL France Elec Plus au bénéfice d'un de ses clients. M.C..., qui était le gérant de cette société, ne pouvait ignorer la nature de ces crédits et leur origine. En outre, les sommes non déclarées par les intéressés et non comptabilisées par la société distributrice ont porté sur des montants particulièrement importants excédant très largement les revenus portés sur les déclarations de revenus et ces manquements aux obligations déclaratives se sont répétés durant les deux années contrôlées. Dans ces conditions, en se fondant sur ces circonstances, l'administration établit suffisamment l'intention d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé des pénalités contestées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leur demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu, compte tenu de la décision de dégrèvement susmentionnée du 11 avril 2018, de statuer sur les conclusions de la requête de M. et MmeC..., en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de contributions sociales et les pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis, à concurrence d'une somme de 7 450 euros en droits et de 3 219 euros en pénalités au titre de l'année 2012.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

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N° 18NC00448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00448
Date de la décision : 03/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Charges déductibles du revenu global.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : WELZER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-03;18nc00448 ?
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