Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1800599 du 12 juin 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 10 juillet 2018 et le 24 mai 2019, Mme D..., représentée par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation administrative dans un délai d'un mois dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le préfet du Doubs n'a pas saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration alors qu'il résultait de sa demande initiale que Mme D... avait sollicité un titre de séjour pour raisons de santé ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle produit un certificat médical mentionnant qu'elle suit un traitement indisponible dans son pays d'origine et que le préfet du Doubs n'a pas demandé l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le droit d'être entendu, protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est illégale dès lors que le refus de titre de séjour est illégal ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France avec son mari le 25 novembre 2013 selon ses déclarations. Après le rejet de leurs demandes d'asile, les époux ont sollicité chacun un titre de séjour pour raisons de santé qui ont été refusés le 7 septembre 2015. Toutefois, le 9 mars 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le refus opposé par M. D... au fond et par voie de conséquence celui opposé à Mme D... et a enjoint au préfet de réexaminer la situation des intéressés. Dans ce cadre et après avoir saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du cas de M. D..., le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé par arrêté du 30 janvier 2018 et par arrêté du même jour a également opposé un refus à Mme D.... Mme D... forme appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigé contre de refus.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... a fait état de problèmes de santé au cours du réexamen de sa demande à la suite de l'annulation du refus de titre de séjour qui avait été prononcée par la cour administrative d'appel de Nancy. Dans ces conditions, le préfet, qui n'a d'ailleurs pas statué sur le fondement du 11° de l'article L. 131-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison du défaut de saisine de ce collège, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme. D... soutient qu'elle vit en France depuis cinq ans avec son époux, qui conteste également le refus de titre de séjour qui lui est opposé, que sa présence auprès de son époux est indispensable en raison de la gravité de son état de santé, qu'ils vivent chez leur fils qui a un titre de séjour "vie privée et familiale", est marié, a trois enfants, travaille et leur apporte un grand soutien compte tenu de la fragilité de l'état de santé de son mari. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D... n'établit pas être dépourvue de toute attache personnelle dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 60 ans et où son époux, qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, pourra l'accompagner. Le caractère indispensable de l'aide apporté par leur fils n'est pas démontré. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelante une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles il a été pris. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent être accueillis.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
7. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
8. Lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne peut ignorer qu'en cas de refus il sera susceptible de faire l'objet d'une telle décision dans un délai déterminé. Il est donc en mesure de présenter à l'administration, durant toute la procédure d'instruction de sa demande, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres au cas d'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
9. Mme D... ne peut utilement invoquer l'état de santé de son mari pour soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile qui prévoit que ne peut faire l'objet d'une telle mesure l'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale indispensable et dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfecture du Doubs.
2
N° 18NC01943