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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC01428

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC01428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de mettre fin à la mise à la disposition aux fins d'habitation du local situé 5, place de l'Université à Strasbourg.

Par un jugement n° 1703832 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 mai 2018 et le 19 ma

rs 2019, M. E..., venant aux droits de sa mère décédée et représenté par MeC..., demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de mettre fin à la mise à la disposition aux fins d'habitation du local situé 5, place de l'Université à Strasbourg.

Par un jugement n° 1703832 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 mai 2018 et le 19 mars 2019, M. E..., venant aux droits de sa mère décédée et représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mars 2018 ;

2°) d'annuler cette décision du 6 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le préfet n'était pas en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige de sorte que les moyens tirés de l'incompétence de son signataire, de la méconnaissance du principe du contradictoire et des conditions d'habitabilité du local ne sont pas inopérants ;

- la décision en litige n'a pas été prise au contradictoire du nu-propriétaire de l'immeuble et ne lui a pas été notifiée ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- il appartient au préfet de justifier en quoi le logement serait impropre à l'habitation ;

- la préfet n'étant pas en situation de compétence liée du seul fait que le local est partiellement enterré, il ne pouvait pour ce seul motif le qualifier de sous-sol ;

- le local est suffisamment éclairé par la lumière naturelle et il est aéré ;

- il remplit les conditions d'habitabilité exigées par les dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2012 relatif aux caractéristiques du logement décent ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors que le préfet a utilisé les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique comme un outil pour limiter les locations de meublés touristiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance du contradictoire et de l'incompétence sont inopérants et, en tout état de cause, non fondés ;

- le local est un sous-sol au sens des dispositions de L. 1331-22 du code de la santé publique en l'absence d'éclairement naturel suffisant, de la situation des fenêtres au ras du sol extérieur, empêchant une ventilation satisfaisante et hygiénique du local, et de la présence de grilles inamovibles aux fenêtres ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Louis, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...E..., usufruitière d'un local situé 5, place de l'Université à Strasbourg, en a sollicité un changement d'usage en vue de le destiner à la location de tourisme. A la suite de la visite du service d'hygiène et de santé environnementale de la commune de Strasbourg, le préfet du Bas-Rhin a, par une décision du 6 juin 2017, mis en demeure Mme E...de faire cesser l'utilisation de ce local aux fins d'habitation, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. M. Michel E..., venant aux droits de sa mère décédée, fait appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 6 juin 2017 :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...) ". Le recours dont dispose le propriétaire ou le locataire d'un immeuble contre la décision par laquelle l'autorité préfectorale déclare le logement impropre à l'habitation, en application de ces dispositions, est un recours de plein contentieux. Il appartient par suite au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre de l'habitation des locaux en cause d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa décision.

3. L'article 40.2 du règlement sanitaire départemental du Bas-Rhin approuvé par arrêté préfectoral du 26 mars 1980, prévoit notamment, s'agissant de l'aménagement des locaux d'habitation que l'" éclairement naturel au centre des pièces principales ou des chambres isolées doit être suffisant pour permettre, par temps clair, l'exercice des activités normales de l'habitation sans le secours de la lumière artificielle ".

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de visite du 11 janvier 2017 du service communal d'hygiène et de santé de Strasbourg, que le local en cause est profondément enterré, le plancher étant situé à 1,55 mètre au-dessous du sol du terrain sur lequel l'immeuble est implanté. En outre, les trois fenêtres du local, pourvues de barreaux et situées directement au ras de la voirie, ont une hauteur d'allège qui est également de 1,55 mètre, pour une superficie globale de seulement 1,684 m2, ce qui ne permet pas, et plus particulièrement s'agissant de la pièce principale, d'assurer un éclairage naturel suffisant au local. Les pièces produites par le requérant, et notamment le procès-verbal de constat d'huissier du 29 mai 2017, ne suffisent pas à remettre en cause ces constatations et dans ces conditions, alors même que le local en cause est normalement alimenté par les réseaux d'eau et d'électricité et pourvu du dispositif minimal d'aération par réglettes sur chacune des trois fenêtres et par bouches d'extraction dans la cuisine et la salle de bains, il doit être regardé, compte tenu de ces caractéristiques, comme un sous-sol impropre à l'habitation au sens des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.

En ce qui concerne les autres moyens :

5. L'administration n'étant pas en situation de compétence liée quand elle qualifie un local d'impropre à l'habitation au sens des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, après avoir estimé que le local litigieux devait être ainsi qualifié, ont écarté comme inopérants les autres moyens soulevés par Mme E...à l'appui de sa demande d'annulation de la décision contestée.

6. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Milada Pantic, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 23 mai 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 24 mai 2017, d'une délégation à l'effet de signer, tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les actes de police en matière de police des logements insalubres. Selon l'article 2 de cet arrêté, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture, la délégation dont il dispose en vertu de l'article 1er est exercée en premier rang par Mme Milada Pantic, sous-préfète, secrétaire générale adjointe. En l'espèce, il n'est pas établi que M. A...n'aurait pas été absent ou empêché, et, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme B...pour signer la décision en litige doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Selon l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". La décision portant interdiction de mise à disposition d'un local aux fins d'habitation est au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions citées ci-dessus. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant à la personne qui a mis les locaux à disposition d'être informée de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Le respect de la procédure ainsi prévue par ces dispositions constitue une garantie pour la personne intéressée.

8. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 13 janvier 2017 auquel était joint le rapport du service communal d'hygiène et de santé de Strasbourg, Mme E...a été invitée, en sa qualité d'usufruitière du local litigieux, à présenter ses observations préalablement à la décision contestée, ce qu'elle a fait par lettre du 31 janvier 2017. Contrairement à ce qu'il soutient, M.E..., en qualité de nu-propriétaire du local, n'avait pas à être mis à même de présenter également ses observations sur la mesure envisagée. Par suite, et alors au demeurant qu'il est constant qu'il a lui-même rédigé, pour le compte de sa mère, les observations transmises par cette dernière le 31 janvier 2017, le moyen tiré de la méconnaissance des règles de la procédure contradictoire doit être écarté.

9. En troisième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative sont par elles-mêmes sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige n'a pas été notifiée à l'appelant doit être écarté.

10. En quatrième lieu, si le requérant soutient que le local remplirait les conditions d'habitabilité exigées par les dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ces dispositions ne sont invocables que dans le cadre des relations de droit privé entre le bailleur et le preneur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ce décret est inopérant et doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général ". Selon le paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ".

12. Le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations précitées de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment celles qui concernent le droit de propriété, dès lors que lorsqu'il interdit la mise à disposition d'un local en raison de son caractère impropre à l'habitation en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, le préfet ne met pas en oeuvre le droit de l'Union européenne.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions et des amendes ".

14. Au regard de l'intérêt général qui s'attache à la protection de la santé et de la sécurité des occupants de locaux impropres à l'habitation, la décision contestée, qui se borne à restreindre l'usage du bien litigieux, ne saurait être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de propriété contraire aux stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel E...et à la ministre des solidarités et de la santé.

2

N° 18NC01428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01428
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-01-05 Logement. Règles de construction, de sécurité et de salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BROGLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc01428 ?
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