Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du préfet du Haut-Rhin du 2 juin 2017 rejetant sa demande de regroupement familial et d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1704836 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02183 le 2 août 2018, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet du Haut-Rhin du 2 juin 2017 rejetant sa demande de regroupement familial ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- elle remplit les conditions requises par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Le préfet du Haut-Rhin soutient que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle ne critique pas le jugement attaqué ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2019
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante vietnamienne, est entrée en France en 2002 au titre du regroupement familial, après son mariage avec un ressortissant français. Elle a divorcé en 2007 et s'est remariée en janvier 2016 avec M. C..., ressortissant vietnamien titulaire d'un visa touristique pour une période de trois mois. Après l'expiration de son visa, M. C... est retourné dans son pays d'origine et Mme C... a demandé le 28 juin 2016 à bénéficier du droit à être rejointe par son conjoint, au titre du regroupement familial. Le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande, par une décision du 2 juin 2017. Elle fait appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du 2 juin 2017 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants: 1o Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les revenus moyens mensuels de Mme C... au cours de la période de référence s'élevaient seulement à une somme de 186 euros brut, hors prestations familiales. La requérante admet en outre que le contrat à durée indéterminée qui la liait à la société NEW PALACE a pris fin avec la liquidation judiciaire de celle-ci, le 26 juillet 2017. Si elle affirme par ailleurs que son époux dispose de 20 000 euros d'économies, elle ne l'établit pas. Si elle se prévaut également d'une promesse d'embauche dont bénéficie son mari de la part de la société " Les deux font la paire ", pour un salaire brut de 1 498,50 euros, le caractère éventuel de ces ressources ne saurait, en tout état de cause, être retenu. Le préfet du Haut-Rhin n'a donc pas, en estimant que Mme C... ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins du foyer, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lui refuser le bénéfice du regroupement familial en faveur de son mari.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. En se bornant, en appel, à se prévaloir de ce qu'elle vit seule à Mulhouse avec ses enfants, Mme C... n'établit pas que la décision du préfet du Haut-Rhin du 7 juin 2017 aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Haut-Rhin, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin du 7 juin 2018, et que ses conclusions tendant au réexamen de sa situation doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... A..., épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC02183